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même système, tous les caractères n'ont pas la même énergie; les uns voudraient, suivant le mot de Champfort, des révolutions à l'eau rose, les autres marcheraient à travers des flots de sang vers le but désiré. Toutes ces causes entretiennent dans les sociétés secrètes des divisions sans cesse renaissantes..

Mais il ne faut pas s'y tromper; travaillées par des dissensions intestines, elles n'en sont pas moins réunies contre l'ennemi commun; elles ne s'accordent pas sur les moyens de destruction, mais elles s'accordent toutes à détruire. La maxime fondamentale de leur politique est de se servir de toutes les opinions, de tous les intérêts, quelqu'opposés qu'ils puissent être, pourvu qu'ils soient, sous quelque rapport, hostiles envers la religion et la société. Ainsi, quoiqu'il y ait une grande différence entre un jane séniste, par exemple, et un jacobin de profession, elles accueilleront le premier comme le second, par cela seul que le janséniste a un esprit d'opposition à l'autorité religieuse il va moins vile au but, mais enfin il y tend, cela suffit. Ainsi encore, en France où l'esprit d'impiété est répandu dans les derniers rangs de la société, elles favori sent les intérêts démocratiques. En Espagne, au contraire, où elles rencontrent dans le peuple une foi inébranlable, et dans les hautes classes la philosophie, elles appuient les intérêts de l'aristocratie contre l'autorité du monarque. Suivez leur politique dans toutes ses opérations, vous trouverez partout la même marche: il n'y a pas dans les esprits, une opinion fausse dont elles ne cherchent à profiter, une pensée d'insubordination qu'elles n'accueillent, une haine qu'elles ne s'efforcent d'enrôler sous leur bannière; elles ne sont, sous le point de vue le plus général, que la ligue de toutes les erreurs et de toutes les passions.

Telles sont les considérations préliminaires que

nous devions indiquer d'abord, pour préparer aux faits que nous exposerons ensuite. Nous examinerons avec détail la constitution de ces sociétés, leur régime, leurs grades ; nous calculerons leurs forces, nous publierons leurs mystères. Qu'osera-t-on répliquer, lorsque bientôt, leurs livres à la main, nous citerons leurs statuts, leurs initiations, les discours de leurs orateurs et les aveux formels de leurs adeptes? Au point où en sont les choses, le temps de se taire est passé le silence serait un crime. Ces sociétés ténébreuses ne seront vaincues que lorsqu 'elles seront dévoilées; et elles redoutent bien moins les baïonnettes que la lumière.

ཨཱ་་་ལAy་་་་་་་་་་་་་་་་་་་

$ 2.

DOCUMENS QUI PROUVENT QUE LE SIÈGE DES SOCIÉTÉS SECRÈTES EST A PARIS.

DANS le paragraphe qui précède, nous avons dit que la direction supréme des associations conspiratrices organisées dans les différens pays de l'Europe réside à Paris. S'il pouvait y avoir le moindre doute à cet égard, notre assertion serait puissamment confirmée par les pièces que le Moniteur de France a publiées au sujet des sociétés secrètes de la Lombardie. Ces pièces, extraites de la procédure intentée contre les chefs des révolutionnaires de cette contrée, ont un caractère absolument officiel. Comme elles ont été insérées ou analysées dans la plupart des journaux, nous nous bornerons à citer les passages qui expliquent l'épouvantable projet de ces sociétés, et ceux qui démontrent la vérité de notre assertion touchant la direction suprême établie dans la capitale de la France.

Pour se faire une idée de la perversité profonde de cette secte impie, qu'il suffise de dire qu'elle proscrit toute religion révélée; qu'elle fait un devoir du régicide; que ceux de ses membres admis au premier grade doivent abjurer solennellement la religion qu'ils ont professée jusqu'alors, et que l'admission au second grade emporte l'obligation, pour le récipiendaire, de frapper, d'un poignard qu'on lui met dans la main, les attributs de la royauté.

Dans le grade de simple maître sublime ou de maçon parfait, le candidat est obligé de jurer, sous peine de mort, de consacrer à la propagation de la secte toutes ses facultés physiques, intellectuelles et pécuniaires, et d'obéir aveuglément à ses chefs.

Dans le grade de sublime-élu, on célèbre quatre fêtes qui répondent aux époques les plus funestes de la révolution française, dont la secte voulait renouveler partout la spectacle sanguinaire une de ces époques est celle où l'infortuné Louis XVI tomba sous la hache du crime. Un des premiers devoirs du sublime-élu, c'est d'aigrir le peuple, de lui inspirer une haine profonde contre les princes et contre le sacerdoce, et de ne rien négliger pour l'irriter sans cesse contre les magistrats et les prêtres. Les instructions secrètes de sublime-élu portent en termes exprès, que « dans un jour de mouve»ment populaire, il ne faut pas empêcher le triom»phe momentané de la populace, et lui permettre » de se livrer au pillage et de se baigner dans le >> sang des nobles et des prêtres, afin qu'après s'être >> compromise elle ne puisse plus se retirer du pré»cipice. » On fait connaître ensuite au sublimeélu que « le gouvernement constitutionnel dans » lequel la royauté est conservée n'est que le but >> apparent des voeux de la secte et un premier pas » pour parvenir d'autant plus sûrement au renver>>sement absolu du régime monarchique. »

Nous nous abstenons de toute réflexion; mais nouï

nous demandons avec effroi quelle contrée recèle le foyer principal de cette infernale conspiration. Les pièces de la procédure vont nous l'apprendre. « Cette »secte devint, par l'influence des sectaires d'un » grade élevé qui se trouvaient à Turin et à Ge»nève, l'instrument du centre suprême de France. >> Le comité suprême s'était donné le nom de Grand» Firmament. ».

Le comte Frédéric Confalonieri était le chef des sociétés secrètes de la Lombardie, et le moteur le plus actif de la révolution qu'elles préparaient. Or quelles étaient ses relations? avec qui correspondaitil? Ecoutons encore : « Les libéraux de France >> recommandaient, dans les premiers jours du mois » de janvier 1821, aux conjurés de Piémont, de » s'aider principalement des conseils et de la coo» pération de Confalonieri. »

Ce n'est pas tout un des principaux agens de ces sociétés était un Français, nommé Andriane qui, quoique retiré à Genève afin d'éviter des poursuites pour dettes, « faisait néanmoins annuellement un voyage secret à Paris. » Avant de parcourir l'Italie, en 1822, « il se rendit encore clandestine>>ment à Paris, au mois de septembre. >>

A Milan, on visita ses papiers; « ils furent reti>> rés de l'endroit où il les avait cachés, et l'inspec>>tion qu'on en prit le fit connaître clairement pour >> un émissaire de la secte. » Ces papiers faisaient voir comment le Grand-Firmament, fondant ses espérances sur la révolution espagnole, nourrissait en

avant les derniers mois de 1822, la pensée criminelle de recomposer la trame que les événemens politiques de Naples et de Piémont avaient rompue; et comment il s'était formé, à Genève, sous ses auspices, un centre de conspiration qui secondait puissamment ses vues révolutionnaires dirigées contre la tranquillité de P'Italie. « Andriane » en reçut la mission de propager en Italie les

>> réformes nouvellement introduites, d'y étendre >> le plus possible l'établissement de la société, etc.... » Muni d'une patente qui lui fut délivrée par le » Grand-Firmament, et de tous les papiers néces>> saires, il quitta Genève et Lausanne dans les >> premiers jours de décembre 1822. »

Que résulte-t-il de tous ces documens? Il en résulte, 1°. qu'Andriane, avant de parcourir l'Italie pour propager la secte révolutionnaire, se rendit à Paris; 2°. qu'il fut ensuite autorisé par une patente du Grand-Firmament, c'est-à-dire du centre suprême résidant à Paris, comme on l'a vu plus haut; 3°. que le centre établi à Genève, et dont il reçut sa mission sur la fin de 1822, était établi sous les auspices du Grand-Firmament; 4°. que ce GrandFirmament correspondait en même temps avec les révolutionnaires d'Espagne et d'Italie.

Nous ne craignons pas de l'avancer, toutes les découvertes que l'on pourra faire à l'avenir, dans les différens pays, sur les rapports des sociétés secrètes révolutionnaires, tendront toutes à prouver que la direction suprême est en France.

§ 3.

DU GRAND-ORIENT DE PARIS.

COMME les loges maçonniques du rit moderne sont gouvernées en France par le Grand-Orient de Paris (1), il est nécessaire de donner d'abord une no

(1) Parmi les loges soumises au Grand-Orient, plusieurs ont obtenu de lui l'autorisation de suivre le rit écossais ancien et accepté, et même un rit moins usité, tel que celui d'Hérédom; mais, en général, les loge dirigées par le Grand-Orient sont constituées suivant le rit moderne (voyez les Calendriers maçonniques). Nous parlerons, dans les paragraphes suivans, de ces différentes espèces de rites.

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