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pour objet des tentations que Notre-Seigneur, selon cette illuminée, raconte lui-même avoir éprouvées pendant son jeûne, jour par jour. Il parle sans cesse de la privation des priviléges de sa divinité et même des priviléges de son humanité : ce qui semble détruire l'union intime de la divinité dans la personne du Sauveur et la perfection de son humanité.

Les tentations de J. C., selon cette demoiselle auteur, ne viennent pas seulement du démon; mais de son esprit, de son cœur, de ses sens. Il n'est pas jusqu'au vice infame de l'impureté, qui n'ait essayé de se glisser dans ce coeur adorable. Les Pères de l'église étaient bien éloignés de croire à de pareilles tentations. Le langage de ce livre, tout rempli qu'il est de la plus haute spiritualité, ne peut convenir à Jésus-Christ; et la piété, qu'il semble renfermer, est appuyée sur un dénûment et un esprit de sacrifice habituel, auquel l'homme ne peut parvenir que par un don spécial de Dieu.

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Le second ouvrage, en deux volumes in-8°., a pour titre Réflexions édifiantes. C'est une suite de visions et de révélations, dont l'objet est de procurer l'établissement des victimes de Jésus ; c'està-dire, d'une société de personnes de l'un et de l'autre sexe, dont les membres auraient pour fin de réparer, par leurs souffrances, les outrages faits à l'humanité de Jésus-Christ. Les choses extraordinaires renfermées dans ces ouvrages, donnent lieu à les rejeter. Il y est dit, par exemple, que l'établissement des victimes est annoncé dans plusieurs. endroits de l'écriture, et nolamment dans Isaïe; qu'il est un effet et une suite nécessaire de la religion, à laquelle il manquerait quelque chose, sans cette suite et cet effet; que cet établissement sera. bien supérieur à tous ceux qui ont paru jusqu'à ce jour, puisqu'il aura la même prérogative que l'église, d'être conduit et dirigé à jamais par Jésus

Christ; tous les efforts du démon, loin de lui nuire. ne pourront qu'ajouter à son éclat et à sa solidité ; que les victimes seront le tabernacle de Jésus; que là il rendra ses oracles; que là sera le dépôt des trésors de l'église; qu'elle y viendra consulter Dieu dans ses besoins, y puiser des armes pour triompher de ses ennemis; et que là elle trouvera la clef des prophéties, le magasin universel des grâces et des faveurs de Jésus-Christ.

L'église, que saint Paul appelle la colonne et le soutien de la vérité, que Jésus-Christ nous ordonne d'écouter comme lui-même, sous peine d'être regardés, comme des païens et des publicains : l'église, que toute l'antiquité, que tous les siècles depuis Jésus-Christ ont considérée comme le seul organe infaillible de la vérité, verra donc s'élever à ses côtés et même au-dessus d'elle, une société nouvelle, conduite par Jésus-Christ même, qui prononcera des oracles auxquels elle sera forcée de se soumettre. Si ce n'est pas là une impiété monstrueuse, le catholique n'a plus de base pour appuyer sa croyance. Dans cet ouvrage, l'auteur laisse échapper des réflexions très-amères contre les ordres religieux, et assujétit le ministère des pasteurs à la direction des victimes. Ce n'est pas tout; les visions répandues dans cet ouvrage, sont fort singulières, pour ne rien dire de plus le langage que tient Jésus-Christ, paraît quelquefois bien révoltant, et il est trop passionné, pour être celui d'un Dieu à sa créature. La demoiselle auteur, en imitant les visions de Swedemborg, a rendu son livre extrêmement dangereux pour les cœurs faciles à s'enflammer. On ne voit partout dans les différens états des victimes, que des applications ridicules, qu'un abus manifeste de l'Ecriture, et une nouvelle invention de l'esprit d'erreur, qui semble vouloir enlever à JésusChrist l'avantage d'avoir seul satisfait à la justice de son Père, selon la prédiction du prophète Isaïe (Chap. 63, 3.)

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QUE DOIVENT SE PROMETTRE LES ÉTATS QUI PROTÈGENT LES SECTAIRES ET LES PHILOSOPHES MODERNES.

Le tableau que nous offre la France, sera nécessairement celui de tous les royaumes qui favori seront les nouvelles doctrines. L'autorité y tombera dans l'avilissement, la majesté du trône y sera foulée aux pieds, le crime y sera impuni, les propriétés envahies, la force publique sans exercice, Î'innocence opprimée, la justice sans vigueur, tous les vices en honneur; les lois ne seront publiées que pour faire la terreur de ceux qui les respecteront. L'intrigue, l'orgueil, l'intérêt ouvriront le chemin aux premières places de l'état, on s'y soutiendra par le crime et l'injustice, on abusera de l'autorité dont on aura été revêtu, pour faire le malheur de tous ceux qui y auront recours. On s'attribuera les fonds publics, on les dissipera pour soudoyer des factions, on déclamera contre des vices anciens, pour détourner les yeux de dessus les forfaits inouis dont on se sera souillé; on s'environnera de tous les hommes usés dans la crapule et la débauche, de tous les brigands accoutumés aux grands crimes, et pour lesquels il n'y a rien de sacré; on aura l'air de poursuivre avec une sévérité outrée, des fautes légères contre l'ordre public, et on ne voudra pas seulement examiner les crimes qui saperont les fondemens de l'état. On éloignerà le crédit, la fortune publique, les meilleurs citoyens, les plus habiles artistes; on privera l'état de toutes ses ressources, et on dira qu'il est régénéré, que la liberté y règne, que chacun y vit heureux. Les principes de morale

seront combattus, la religion véritable y sera proscrite pour faire place à l'erreur et à toutes les hérésies; les mœurs y seront corrompues, le vice y jouira des honneurs dus à la vertu, et on dira que la vérité aura été ramenée sur la terre; que le flambeau de la philosophie aura éclairé les hommes; et que les philosophes doivent être honorés comme des dieux, pour tous les biens dont ils auront enrichi le genre humain. Les temples, dédiés à la divinité, changeront de destination, et seront consacrés à la philosophie pour servir de panthéon, dans lequel les théosophes recevront les hommages que la patrie reconnaissante leur aura décernés. On exigera des sermens, on poursuivra impitoyablement ceux qui auront la délicatesse de ne pas vouloir les prêter, et on se fera soi-même un jeu de les enfreindre, ou de les mépriser. On élevera fort haut les noms de probité et de vertu, et on n'aura ni bonne foi ni justice. On promettra tout, et on ne tiendra rien; on se fera un devoir d'écra ser les âmes vertueuses, et de favoriser, d'honorer même ces cœurs flétris par l'habitude du crime dont l'existence est un fardeau pour un état, et un objet d'exécration pour les citoyens attachés au bonheur de leur patrie. On affectera de détruire tout ce qui aura appartenu à l'ancien régime, pour mettre à la place, des institutions nouvelles, infiniment plus coûteuses à l'état; on dira que l'on ne veut régner que par les lois, et on les enfreindra ouvertement, ou on permettra qu'on les viole pour opprimer ceux dont la vertu est un reproche qui confond les impies. On tiendra les discours les plus capables de faire illusion au peuple, et d'enchaîner sa force, et on agira en secret, de manière à le faire succomber sous l'oppression et le vice; car de quoi n'est-il pas capable, lorsqu'il n'a plus de barrières qui l'arrêtent ?

Dans tous les temps on a vu des hommes qui se

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que

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disaient magiciens, devins, alchimistes, et qui profitaient de la faiblesse et de l'ignorance des peuples pour les voler, les tromper et en faire des dupes; mais où a-t-on vu une nation entière obsédée par des illuminés, des visionnaires, des mystiques, des jongleurs, dos escrocs, des brigands, aveuglée par ces ètres malfaisans qui l'enivrent de leurs poisons, qui la dépouillent de ses richesses, qui la rendent le jouet de ses voisins, qui lui font croire l'esclavage est la liberté, et celle-ci l'esclavage; qui lui mettent en main des armes pour combattre contre Dieu, qui lui font renverser ses temples et ses autels, qui lui persuadent d'éloigner de son sein ceux qui par état prient pour sa prospérité, qui troublent la paix des familles et soulèvent les époux contre les épouses, les pères et mères contre leurs enfans, et ceux-ci contre le sein qui les a nourris, et contre la maison qui leur a servi de berceau ? Où a-t-on jamais vu une épidémie des esprits attaquer tous les membres d'une grande société paralyser toutes les langues, étouffer toutes les voix, faire tomber dans le délire toutes les têtes, attiédir tous les cœurs, énerver tous les courages? Où a-ton vu une maladie si dangereuse, faire des ravages si étendus, que depuis le trône jusqu'à la chaumière, depuis le roi jusqu'au berger, il n'y ait pas un seul être qui ne fasse entendre des plaintes amères et des gémissemens profonds?

O France! toi qui tenais le premier rang parmi les royaumes de l'Europe; toi dont on empruntait les mœurs, le langage, le bon goût; toi qui étais le séjour des beaux-arts et des sciences; toi dont le gouvernement était l'image de celui des patriarches; toi dont la gloire était connue jusqu'aux régions les plus éloignées de l'univers; toi qui régnais dans l'abondance et la félicité; tous les peuples de la terre étaient tes tributaires, et tu t'enrichissais par ton commerce et par tes échanges; tu avais

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