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tent le libre exercice de tous les cultes, excepté du culte catholique. Il semble même que l'on n'a décrété la liberté des opinions religieuses, qu'afin que les sectaires ne pussent être appelés du nom ignominieux qui les distingue, et pour rendre infames tous ceux qui professent la religion catholique. Toutes les violences qu'on leur fait endurer, sont excusables aux yeux des jacobins; leur résistance, quelque juste qu'elle paraisse, est un crime que l'on poursuit avec la dernière sévérité. Ainsi les catholiques, et les seuls catholiques, sont persécutés. Comme du temps de Julien, on a défendu aux prêtres fonctionnaires publics, d'enseigner publiquement, s'ils refusaient d'abjurer par un serment, la religion catholique. Comme du temps de cet apostat, attribue indifféremment aux pauvres de toutes les sectes, les revenus donnés aux catholiques. Julien fit adorer son image en la faisant placer entre celles de Jupiter, de Mars et des autres divinités païennes. Les portraits de Voltaire, de Jean-Jacques, de Mirabeau ont été placés de même au Champ-deMars sur l'autel de la patrie, et on a dit la messe sur cet autel. Le temple, destiné au Dieu tout-puissant, est devenu un panthéon français; et à la place de l'inscription du Très-Haut, on a substitué celle-ci Aux grands hommes, la patrie recon

naissante.

on

Julien fit ôter de Césarée la statue qui représentait Jésus-Christ guérissant la Cananéenne, et y fit mettre la sienne. Aux sculptures qui représentaient, dans le temple de Sainte-Geneviève, les plus beaux traits de l'ancien et du nouveau testament, on va substituer des allégories tirées de la fable. A Emèse en Syrie, on achevait de bâtir une église en l'honneur de Dieu, Julien la dédia à Bacchus, et y plaça son idole : c'est ici la même chose. Julien fit fermer plusieurs fois les églises d'Antioche; on en enleva les vases sacrés, on fit des ordures sur

les autels, on chassa les prêtres. Paris a vu renouveler ces horreurs. Dès que les églises devinrent des lieux d'assemblée, on y fit toutes sortes d'ordures et d'indécences. Julien cherchait à disperser les solitaires, faisait fouetter les vierges qui ne se conformaient pas à ses vues; combien ne sont pas mortes, en France, de victimes des outrages qu'elles avaient reçus?

Ce n'est pas avec Julien seul que nos jacobins et nos francs-maçons ont des ressemblances; ils en ont avec les hérétiques les plus cruels; on n'a rien fait pendant la révolte des Anabaptistes, qui n'ait été surpassé en France dans le Comtat, à Avignon, dans nos colonies. On ne peut y penser sans frémir

d'horreur.

Comment la philosophie, qui déclame depuis quarante ans contre l'inquisition, a-t-elle pu établir le comité des recherches, et approuver mille violences infiniment plus révoltantes que tout ce que l'on reproche à l'Espagne ?

§ 6.

DES FRÈRES ILLUMINĖS DE LA ROSE-CROIX.

IL se forma, au commencement du siècle dernier, une secte d'illuminés, dont l'origine fut longtemps un mystère. Plusieurs auteurs écrivirent contr'eux, sans nous apprendre la manière dont ils s'étaient réunis en société, ni de qui ils avaient emprunté leurs principes. Ils firent eux-mêmes un mystère du nom de leur fondateur, et prétendirent qu'il s'appelait frère illuminé de la Rose-croix : qu'il avait d'abord appris le grec et le latin dans un monastère, qu'ils ne nommaient point; qu'il s'était ensuite associé pendant cinq ans à des magi

ciens; qu'après cela, il avait voyagé en Turquie, qu'il s'était arrêté à Damar, ville de l'Arabie, où il avait appris, dans un monastère, à connaître la nature. Ils ajoutaient, pour le rendre plus recommandable, que les moines d'Arabie lui avaient dit qu'ils l'avaient long-temps attendu, comme celui qui devait être l'auteur d'une réformation générale dans l'univers, et lui révélèrent beaucoup de secrets; qu'il vit à Fez les cabalistes, dont il apprit la science de la cabale qu'enfin, Dieu retira à lui son esprit l'an 1484, après avoir vécu 106 ans. Ils mettaient conséquemment sa naissance à l'an 1378.

Cependant cet illuminé, qui devait réformer le genre humain, ne fit rien de remarquable de son vivant son corps resta dans la grotte où il était mort, et ne fut connu que 120 ans après; c'està-dire l'an 1704 que sa grotte fut ouverte et que les frères de la Rose-croix trouvèrent dans sa main droite un livre qui renfermait les statuts de la congrégation qui se forma dès-lors, par la réunion de quatre frères, auxquels se joignirent bientôt après quatre autres frères tous vierges, qui prirent le nom de frères illuminés de la Rose-croix, qu'avait porté leur chef.

Voilà, d'après Naudé, auteur parisien, qui a écrit sur l'histoire des frères de la Rose-croix, ce que les illuminés disaient de leur origine.

Le père Garasse, jésuite, qui vivait dans le même temps, c'est-à-dire l'an 1623, les appelle frères de la Croix de Roses, et dit dans sa doctrine curieuse, liv. VIII. sect. X. qu'ils étaient de pauvres gueux; que cependant, selon le père Robert, autre jésuite, et Goclenius, ils avaient des livres secrets à leur usage, semblables en cela à tous les hérétiques, et à tous les fanatiques, qui ont toujours eu une doctrine cachée, et des livres secrets pour la renfermer, qu'ils ne communiquaient qu'à leurs confidens les plus intimes.

M. Boucher, dans sa couronne mystique, appelle les illuminés Rose-crucéens, ou frères de la Rosecroix; c'est aussi le nom que leur donne Naudé, qui était un homme très-instruit, et qui devait les connaître, quoiqu'ils eussent pris naissance en Allemagne, et que leur chef fût un allemand; nous leur conserverons cette dénomination.

Les premiers ouvrages par lesquels ils se sont fait connaître, sont de l'année 1615, chez Jean Bringern à Francfort, et sont intitulés Manifeste et confession de foi des frères de la Rose-croix. Mais les livres les plus recommandables de leur bibliothèque, étaient au nombre de quatre. Le premier s'appelait Fama, le second Axiomata, le troisième Proteus, le quatrième Rotæ, et les docteurs dont ils adoptaient les maximes, étaient Paracelse, Machiavel et Pomponace.

Quoique les frères illuminés de la Rose-croix, aient fait tout ce qui était en eux pour rendre leur origine merveilleuse, et se distinguer des sectes qui divisaient l'Allemagne au commencement du siècle dernier, cependant on n'a pas de peine, en examinant leurs principes, à reconnaître qu'ils ont tous

une source commune.

Si les frères Rose-croix du grade de la francmaçonnerie, que nous avons examiné dans le chapitre précédent, diffèrent des frères illuminés de la Rose-croix, ce n'est que parce que ceux-ci joignent aux principes religieux, des moyens particuliers d'accréditer leurs maximes. Il paraît que, dans l'origine, ils ont tous été sociniens, anabaptistes et ennemis jurés de l'église romaine. Ils se sont tous proposé d'établir une religion, de renouveler le gouvernement de l'univers, d'interpréter l'EcritureSainte d'une manière analogue à leurs systèmes. Le renouvellement que projetaient les illuminés, consistait, dit l'éditeur de la Lettre de Roger Bacon sur la nature et la puissance de l'air, en trois choses,

en l'unité de religion, en l'abondance de tous les biens, enfin dans l'union des sciences et des vertus, pour rappeler l'homme à sa première origine, à la justice originelle.

L'unité de religion doit s'entendre de la religion universelle que les francs-maçons veulent établir sur la terre, et qui est prêchée dans toutes les contrées de l'Europe par les apôtres de la propagande, qui ont été si favorisés par l'Assemblée nationale de France dans leurs courses apostoliques.

L'abondance de tous les biens que promettaient ces nouveaux apôtres, était l'égalité, la liberté, l'exemption des impôts et des charges publiques, l'abondance des fruits de la terre, et tous les plaisirs l'homme sensuel peut se procurer, car ils n'étaient pas délicats à cet égard.

que

L'effet, qu'ils attendaient de l'union des sciences et des vertus, est le même que les francs-maçons espèrent de l'établissement de leur société (voyez Origine de la franc-maçonnerie). Ils veulent, disentils, unir toutes les sciences et toutes les vertus pour régénérer le genre humain. Cette régénération produira sans doute la justice originelle; c'est-à-dire qu'elle rétablira l'homme, qui les aura réunies, dans l'état de pure nature, dans l'état où, ne se proposant rien de surnaturel, il aura acquis tout ce que la nature pourra lui offrir.

Il n'est personne qui ne reconnaisse dans l'Assemblée nationale de France, les mèmes vues, les mêmes projets, et un parti décidé de ne favoriser que les sciences et les vertus naturelles, regardant comine des fantômes, et des illusions fanatiques, tout ce qui peut avoir rapport à un état surnaturel.

La sévérité, dont on usa en Allemagne envers quelques imposteurs qui se disaient frères Rosecroix, força les autres à se tenir cachés pour éviter la peine de mort. La nation française se montre aujourd'hui tout autrement indulgente envers ceux qui

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