Page images
PDF
EPUB

dre royal est aujourd'hui formé. La preuve sera facilement saisie par tous ceux qui possèdent l'histoire des derniers temps. Nous allons faire quelques rapprochemens qui aideront, à ceux qui n'ont pas sous leur main les livres historiques, à trouver le fil qui leur suffira pour sortir du labyrinthe dans lequel on les a adroitement engagés.

le

C'est de l'Angleterre que les francs-maçons de France prétendent tirer leur origine; c'est done chez nos voisins qu'il faut examiner les progrès de la maçonnerie. Il n'y était pas question d'eux au commencement du dix-septième siècle. Ce ne fut que vers le milieu, qu'ils y furent soufferts sous le règne de Cromwel, parce qu'ils s'incorporèrent avec les indépendans qui formaient alors un grand parti. Après la mort du grand protecteur, leur crédit diminua, et ce ne fut que vers la fin du même siècle qu'ils parvinrent à former des assemblées à part, sous le nom de freys-maçons, d'hommes libres ou de maçons libres; et ils ne furent connus en France et ne réussirent à s'y faire des prosélytes que par moyen des Anglais et des Irlandais, qui passèrent dans ce royaume avec le roi Jacques et le prétendant. C'est parmi les troupes qu'ils ont été d'abord connus, et par leur moyen qu'ils ont commencé à se faire des prosélytes, qui se sont rendus redoutables depuis 1760, qu'ils ont eu à leur tête M. de Clermont, abbé de Saint-Germain-desPrés. Mais il faut remonter plus haut avoir la première et la vraie origine de la franc-maçonnerie. Vicence fut le berceau de la maçonnerie en 1546. Ce fut dans la société des athées et des déistes, qui s'y étaient assemblés pour conférer ensemble sur les matières de la Religion, qui divisaient l'Allemagne dans un grand nombre de sectes et de partis, que furent jetés les fondemens de la maçonnerie :

pour

ce fut dans cette académie célèbre que l'on regarda les difficultés qui concernaient les mystères de la Religion chrétienne, comme des points de doctrine qui appartenaient à la philosophie des Grecs et non à la foi.

Ces décisions ne furent pas plutôt parvenues à la connaissance de la république de Venise, qu'elle en fit poursuivre les auteurs avec la plus grande sévérité. On arrêta Jules Trévisan et François de Rugo qui furent étouffés. Bernardin, Okin, Lælius Socin, Péruta, Gentilis, Jacques Chiari, François le Noir, Darius Socin, Alcias, l'abbé Léonard se dispersèrent où ils purent; et cette dispersion fut une des causes qui contribuèrent à répandre leur doctrine en différens endroits de l'Europe. Lælius Socin, après s'être fait un nom fameux parmi les principaux chefs des hérétiques, qui mettaient l'Allemagne en feu, mourut à Zurich, avec la répu– tation d'avoir attaqué le plus fortement la vérité du mystère de la Sainte Trinité, de celui de l'Incarnation, l'existence du péché originel et la nécessité de la grâce de Jésus-Christ.

Lælius Socin laissa, dans Fauste Socin, son neveu, un défenseur habile de ses opinions; et c'est à ses talens, à sa science, à son activité infatigable et à la protection des princes qu'il sut mettre dans son parti, que la franc-maçonnerie doit son origine, ses premiers établissemens et la collection des principes qui sont la base de sa doctrine.

Fauste Socin trouva beaucoup d'oppositions à vaincre pour faire adopter sa doctrine parmi les sectaires de l'Allemagne; mais son caractère souple, son éloquence, ses ressources, et surtout le but qu'il manifestait de déclarer la guerre à l'église romaine et de la détruire, lui attirèrent beaucoup de partisans. Ses succès furent si rapides, que, quoique Luther et Calvin eussent attaqué l'église romaine avec la violence la plus outrée, Socin les

surpassa de beaucoup. On a mis, pour épitaphe, son tombeau, à Luclavie, ces deux vers:

Tota licet Babylon destruxit tecta Lutherus,

Muros Calvinus, sed fundamenta Socinus.

qui signifient que, si Luther avait détruit le toit de l'église catholique, désigné sous le nom de Babylone, si Calvin en avait renversé les murs, Socin pouvait se glorifier d'en avoir arraché jusqu'aux fondemens. Les prouesses de ces sectaires, contre l'église romaine, étaient représentées dans des caricatures aussi indécentes que glorieuses à chaque parti; car il est à remarquer que l'Allemagne était remplie de gravures de toutes espèces, dans lesquelles chaque parti se disputait la gloire d'avoir fait le plus de nial à l'église.

Mais il est certain qu'aucun des chefs des sectaires ne conçut un plan aussi vaste, aussi impie, que celui que forma Socin contre l'église; non-seulement il chercha à renverser et à détruire, il entreprit de plus, d'élever un nouveau temple, dans lequel il se proposa de faire entrer tous les sectaires, en réunissant tous les partis, en admettant toutes les erreurs, en faisant un tout monstrueux de principes contradictoires; car il sacrifia tout à la gloire de réunir toutes les sectes, pour fonder une nouvelle église à la place de celle de JésusChrist, qu'il se faisait un point capital de renverafin de retrancher la foi des Mystères, l'usage des Sacremens, les terreurs d'une autre vie, si accablantes pour les méchans.

ser,

Ce grand projet de bâtir un nouveau temple, de fonder une nouvelle religion, a donné lieu aux disciples de Socin de s'armer de tabliers, de marteaux, d'équerres, d'à-plombs, de truelles, de planches à tracer, comme s'ils avaient envie d'en faire usage dans la bâtisse du nouveau temple que leur chef avait projeté; mais dans la vérité, ce ne sont que

des bijoux, des ornemens qui servent de parure, plutôt que des instrumens utiles pour bâtir.

Sous l'idée d'un nouveau temple, il faut entendre un nouveau système de religion conçu par Socin, et à l'exécution duquel tous ses sectateurs promettent de s'employer. Ce système ne ressemble en rien au plan de la religion catholique, établie par Jésus-Christ; il y est même diamétralement opposé; et toutes les parties ne tendent qu'à jeter du ridicule sur les dogmes et les vérités professées dans l'église, qui ne s'accordent pas avec l'orgueil de la raison et de la corruption du cœur. Ce fut l'unique moyen que trouva Socin, pour réunir toutes les sectes qui s'étaient formées dans l'Allemagne et c'est le secret qu'emploient aujourd'hui les francs-maçons, pour peupler leurs loges des hommes de toutes les religions, de tous les partis et de tous les systèmes.

Ils suivent exactement le plan que s'était prescrit Socin, qui était de s'associer les savans, les philosophes, les déistes, les riches, les hommes, en un mot, capables de soutenir leur société, par toutes les ressources qui sont en leur pouvoir: ils gardent, au-dehors, le plus grand secret sur leurs mystères semblables à Socin, qui apprit, par expérience, combien il devait user de ménagemens pour réussir dans son entreprise. Le bruit de ses opinions le força de quitter la Suisse en 1579, pour passer en Transilvanie, et de là en Pologne. Ce fut dans ce royaume qu'il trouva les sectes des unitaires et des anti-trinitaires, divisées entr'elles. En chef habile, il commença par s'insinuer adroitement dans l'esprit de tous ceux qu'il voulait gagner; il affecta une estime égale pour toutes les sectes; il approuva hautement les entreprises de Luther et de Calvin contre la cour romaine; il ajouta même, qu'ils n'avaient pas mis la dernière main à la destruction de Babylone; qu'il fallait en arracher les

fondemens pour bâtir, sur ses ruines, le temple

véritable.

Sa conduite répondit à ses projets. Afin que son ouvrage avancât sans obstacles, il prescrivit un silence profond sur son entreprise: comme les francsmaçons le prescrivent dans leurs loges, en matière de religion, afin de n'éprouver aucune contradiction sur l'explication des symboles religieux dont leurs loges sont pleines; et ils font faire serment de ne jamais parler, devant les profanes, de ce qui se passe en loge, afin de ne pas divulguer une doctrine qui ne peut se perpétuer que sous un voile mystérieux. Pour lier plus étroitement ensemble ses sectateurs, Socin voulut qu'ils se traitassent de frères, et qu'ils en eussent les sentimens. De là sont venus les noms que les Sociniens ont portés successivement de frères-unis, de frères-polonais, de frẻres-moraves, de frey-maurur, de frères de la congrégation, de frée-murer, de freys-maçons, de fréemaçons. Entr'eux, ils se traitent toujours de frères, et ont, les uns pour les autres, l'amitié la plus dé

monstrative.

Socin tira un grand avantage de la réunion de toutes les sectes des anabaptistes, des unitaires et des trinitaires, qu'il sut ménager. Il se vit maître de tous les établissemens qui appartenaient à ces sectaires; il eut permission de précher et d'écrire sa doctrine; il fit des catéchismes, des livres, et serait venu à bout de pervertir, en peu de temps, tous les catholiques de Pologne, si la diète de Varsovie n'y avait pas mis obstacle. En effet, jamais doctrine ne fut plus opposée au dogme catholique que celle de Socin. Comme les unitaires, il rejetait de la religion tout ce qui avait l'air de mystères; selon lui, Jésus-Christ n'était fils de Dieu que par adoption et par les prérogatives que Dieu lui avait accordées, d'ètre notre médiateur, notre prêtre, notre pontife, quoiqu'il ne fût qu'un pur

« PreviousContinue »