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voulu faire quelque résistance; mais la fermeté du commissaire de police et la contenance de la garde nationale en ont imposé à ces brigands vingt-deux ont été arrêtés; les banques et tous les ustensiles des tripots ont été saisis. » (Patr. franç. du 19 décembre.)

Le 9 décembre, Pétion publia la brochure suivante, que l'on peut considérer comme la critique calculée de l'administration de son prédécesseur.

Coup d'œil rapide sur l'état dans lequel je trouve la place de maire de Paris. «J'entre en fonctions, et j'entrevois à peine les objets. qui m'environnent; mon premier aperçu, je le dois au public, je le li présente :

«Le maire, pour être aidé dans les fonctions importantes et nombreuses de sa place, est environné de trois bureaux particuliers : 1o bureau de correspondance; 2° bureau des renvois; 3° bureau de comptabilité.

« J'ai trouvé le plus grand ordre dans le bureau de correspondance; aucune affaire n'était en arrière:

<« Il n'en était pas de même du bureau des renvois: un grand nombre de pièces étaient restées sans enregistrement, et beaucoup d'autres étaient amoncelées, pêle-mêle, sans être enliassées et serrées dans les cartons.

« Ces petites négligences se réparent de jour en jour, et le moment arrive où tout va être au courant.

« Le bureau de comptabilité est chargé d'un léger travail; je l'ai réuni au bureau des renvois. J'évite un sous-chef, ce qui donne une économie de 2,400 liv. ; j'ai aussi supprimé un des deux chefs... Les appointements étaient pour chacun de 4,800 liv.

<«< Les travaux de la municipalité sont divisés en cinq départeents: 1° subsistances; 2° police; 5o domaine et finances; 4o établissements publics; 5o travaux publics.

« Il existe en outre plusieurs commissions: pour les impositions; pour les biens nationaux; pour la garde nationale; pour les actes de bienfaisance, etc.

<<< Ces établissements sont disséminés dans Paris, ce qui est trèsincommode pour les citoyens. Qu'un particulier se trompe sur le bureau où il doit s'adresser (ce qui n'est pas rare, les compétences n'étant pas encore clairement déterminées), il est obligé de faire une lieue pour se rendre au bureau qui est saisi de son affaire.

« Un autre inconvénient, non moins grave, c'est que ces distances rompent l'unité de l'administration, qu'elles occasionnent des lenteurs très-préjudiciables pour le service. Le maire, qui devrait être au centre de tous les travaux, pour tout voir, tout surveiller,

ne peut pas remplir ses devoirs avec exactitude, quels que soient son zèle et son activité. S'il est nécessaire, s'il est pressant qu'il confère avec un administrateur, vingt-quatre heures s'écoulent sans qu'il puisse lui parler.

<«< Mon premier désir en entrant en place, était que les comptes fussent rendus; je n'ai cessé de le manifester, et mes collègues, je dois le dire, m'ont témoigné le même empressement.

«Tous les départements ont remis leurs comptes à MM. les commissaires.

« Deux comptes sont en retard 1o celui de la garde nationale; 2o celui de l'administration des grains, farines, riz, qui exige des détails immenses.

<< On promet de rendre ces comptes incessamment. Malgré tout le zèle des rendants compte, malgré mes instances, que je ne cesserai de réitérer, je crains bien que l'apurement de ces comptes ne soit pas encore prochain, et que l'examen et les débats ne soient trop longs.

«Les subsistances et la police sont les deux objets qui occupem et qui inquiètent le plus le public : ils intéressent son existence, sa tranquillité et son bonheur.

« Les subsistances sont dans un état qui ne doit laisser aucune alarme les farines en magasin, celles que l'on attend d'Irlande, les, blés distribués dans différents moulins, et ceux qui arrivent d'Amsterdam, forment un bon approvisionnement.

« D'après le relevé que j'ai fait des états qui m'ont été remis, il en résulte que, dans l'hypothèse où la ville vendrait sur le carreau de la halle trois cents sacs de farine par jour, elle pourrait continuer cette vente pendant quatre mois.

«Elle vend tantôt plus, tantôt moins; cela dépend des ventes que fait le commerce libre.

« On attend en outre d'Amérique, en mars et en avril, et peutêtre plus tôt, quarante mille sacs de farine.

« J'ai cru apercevoir que l'opinion la plus générale des membres qui composent la municipalité était d'abandonner désormais le commerce à lui-même, ou du moins de ne pas s'en mêler. Quant à moi, j'avoue que je crois que la liberté vaut mieux que tous les règlements, et que Paris sera plus abondamment approvisionné avec ce régime qu'avec tout autre. Le passage de ce nouvel ordre à l'ancien n'est peut-être pas sans difficultés; mais si on peut le rendre praticable et facile, on ne verra plus ces troubles, ces émeutes que la crainte de manquer de pain fait renaître sans cesse.

TOME VI.

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« La municipalité a dans ses magasins de l'École-Militaire une assez grande quantité de riz.

<«< La provision de bois et de charbon est suffisante; mais elle pourra devenir très-difficile à faire par la suite, la ville n'ayant plus la police sur les rivières qui conduisent les combustibles à

Paris.

<< La police ne se présente pas sous un aspect aussi favorable; toutes les parties qui la composent sont dans un état de relâchement absolu.

«< 1o Les rues sont sales et pleines de décombres.

<< 2o Les vols et les délits de toute espèce se multiplient d'une manière effrayante.

« Propreté. J'ai recherché avec empressement et avec soin les causes de ces désordres, et j'ai vu que les anciens règlements de police n'étaient pas exécutés; que chaque citoyen se plaignait de son voisin, en éludant lui-même la loi; que plusieurs commissaires de police usaient d'une indulgence répréhensible; que, nommés à temps, ils craignaient d'inquiéter ceux dont ils recherchaient les suffrages; qu'il serait préférable de confier à chaque commissaire la surveillance d'une section qui ne serait pas la sienne; que les entrepreneurs des boues n'avaient pas un nombre suffisant de tombereaux pour les enlever; que, depuis leur traité fait, Paris s'était considérablement accru; qu'ils se plaignaient de ce que leurs bénéfices n'avaient pas suivi la même progression, et qu'il fallait un nouvel engagement.

<«< Un travail vient d'être préparé pour faire revivre et mettre en vigueur les lois relatives à la propreté des rues. Ce travail a été approuvé par le corps municipal.

<«< Il existe aussi un rapport sur les moyens les plus sûrs et les plus économiques pour relever promptement et avec exactitude toutes les boues et immondices qui obstruent les rues, incommodent les gens de pied et infectent les citoyens.

« Sûreté. La plupart des fiacres sont aujourd'hui sans numéro, sans place fixe. Un particulier oublie un effet dans ces voitures, il ne sait à qui s'adresser pour se le faire rendre. Plusieurs faits récents attestent même que des cochers de fiacre se sont rendus, les uns coupables, les autres complices de délits graves.

« On est sur le point d'établir une meilleure police pour les fiacres; le rapport est prêt.

<«< L'illumination est plus calculée d'après un système d'économie que d'après des principes de sûreté. Le public est tenté d'imputer comme défaut de surveillance ce qui ne dépend pas du magistrat. Il

existe un bail par lequel l'entrepreneur n'est tenu, les jours d'illumination entière, que d'éclairer depuis la chute du jour jusqu'à trois heures du matin, et les jours de cessation, de n'allumer que de deux réverbères un; encore, ces jours-là, les réverbères des quais et des places publiques ne sont pas allumés.

<< Par un arrêté du 31 octobre dernier, le bureau municipal a décidé que les rues de Paris, jusqu'au 1er mars prochain, seraient éclairées par une demi-illumination, depuis les trois heures du matin jusqu'au jour. Cette dépense extraordinaire monte à 20,000 liv. « Les patrouilles sont rares, peu nombreuses; le service de la garde citoyenne se fait avec tiédeur, et ce grand moyen de surveillance s'est considérablement affaibli. Le public s'en plaint: les citoyens-soldats dont l'ardeur ne s'est pas ralentie s'en plaignent euxmêmes, et je reçois des réclamations sans nombre.

« Ce refroidissement n'est que momentané, il tient à une cause fort simple les officiers qui doivent composer la nouvelle garde nationale sont nommés, et cependant ils ne sont pas en activité, et cependant l'organisation n'est pas encore faite : ce sont les anciens officiers qui continuent à commander. Ceux d'entre eux qui ne sont pas réélus dans la nouvelle organisation, et dont les fonctions vont expirer, plusieurs, du moins, ne remplissent plus leur devoir avec le même zèle.

« Ajoutez à cela toutes les intrigues dont on n'a cessé, dont on ne cesse de faire usage pour dissoudre et anéantir la garde nationale.

<< On va incessamment établir les rapports qui doivent exister entre les gardes nationales et les régiments de ligne qu'on a placés dans Paris. Je crains bien qu'on ait à se repentir d'avoir arraché du sein des gardes nationales, pour composer des régiments, ces citoyens soldés qui en étaient l'âme et la force, sans cependant pouvoir devenir nuisibles ni alarmer la liberté.

:

<< Faire que ces deux corps, aujourd'hui très-distincts, se meuvent sur le même point sans se choquer, qu'ils ne rivalisent que pour le bien du service, qu'ils concourent au même but le maintien de l'ordre et de la tranquillité; qu'ils agissent avec unité dans l'exercice habituel et journalier de leurs devoirs, est un problème difficile à résoudre. Puisse-t-il l'être avantageusement! Puisse ce nouvel ordre de choses ne pas troubler le repos du magistrat, ne pas lui causer des embarras!

« Il n'existe plus de feuilles qui indiquent, dans chaque poste, le nombre des patrouilles, l'heure à laquelle elles sortent, l'heure à laquelle elles rentrent, ce qu'elles ont vu, ce qu'elles ont fait dans leurs rondes.

« Autrefois, ces feuilles se tenaient avec exactitude; chaque jour on en faisait le relevé, et chaque jour le résultat était mis sous les yeux du maire et du commandant général de la garde nationale; de sorte que le magistrat civil savait tous les matins ce qui s'était passé dans Paris, et il pouvait concerter avec le commandant général les mesures de prudence ou de précaution à prendre pour maintenir l'ordre et la tranquillité.

<< Dans ces derniers temps, cet ordre de choses si utile, je dirai même si indispensable, a été tellement négligé, que le maire de Paris ne connaît les événements que longtemps après qu'ils sont arrivés; qu'il ne les connaît que d'une manière partielle; que l'officier militaire ne lui fait plus de rapport; qu'il ne lui donne plus aucune communication des dispositions qu'il fait.

« Dans les beaux jours de la liberté naissante, M. de Lafayette se rendait lui-même tous les jours chez M. Bailly; ensuite il y envoyait un aide de camp; puis ces démarches sont devenues plus rares, et enfin on s'est abstenu de les faire.

« Je me suis vu forcé d'écrire, et de me plaindre de ce manque de service, de cette indépendance dans laquelle la force armée se mettait insensiblement de l'autorité civile. J'ai demandé qu'on rétablît l'usage et la règle des feuilles dans chaque poste; j'ai reçu de M. Charton une réponse satisfaisante; mais je pense que, jusqu'à ce que l'organisation de la garde nationale ait un mouvement régu– lier, j'obtiendrai difficilement ce que je désire, et ce qui est d'une utilité si grande, d'une nécessité si absolue. ·

« Je ne parle pas des autres départements, qui n'ont pas fixé autant ma première attention, et sur lesquels le temps ne m'a pas encore permis de prendre des renseignements assez certains. Je ne pourrais pas donner l'état de leurs travaux. Tout ce que je sais, c'est que des circonstances impérieuses ont tellement embarrassé et ralenti la marche des affaires ordinaires, qu'elles se sont accumulées; qu'on ne peut pas suffire à leur expédition; que, malgré trois assemblées de bureau par semaine, et trois assemblées du corps municipal, on ne sera de quelque temps au courant.

« La position actuelle de la municipalité, sous le rapport de ses finances, lui donne des embarras de toute espèce, et la met dans la dure nécessité de ne pas pouvoir faire tout le bien qu'elle voudrait opérer.

« L'anéantissement de tous ses revenus, et la nouvelle manière de pourvoir à ses dépenses, va devenir une source d'inquiétudes, de tourments et de dégoûts.

« Un article très-important, et qui exigera des soins, des peines

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