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de Louis XVI, échappée seule aux désastres de sa famille, après trois ans de captivité, de deuil et de larmes. Elle avoit été envoyée à Vienne, et le Roi souhaitoit ardemment de la revoir, et de l'unir à un prince de son sang. Il lui sembloit que l'héritier de tant de souvenirs ne devoit point passer à une alliance étrangère, quelque nécessaire qu'elle parût pour lui procurer un appui, et la princesse elle-même souhaitoit de ne point changer de famille et de patrie. Elle consentit à s'unir au sort de l'héritier de son nom, et à venir partager l'exil de sa maison. Elle arriva à Mittau en 1799. Quelles durent être les pensées de ces augustes proscrits, en se revoyant après de si grandes catastrophes! Ils confondirent ensemble leurs larmes, seul langage qu'eut d'abord leur douleur. La reine vivoit encore. Elle regarda la jeune princesse comme sa fille, et les fidèles serviteurs de leur Roi furent consolés un instant, en revoyant celle qui leur rappeloit des personnages si chers. Sa grâce, sa bonté, ses malheurs, les traits de ressemblance qu'on lui trouvoit avec d'illustres victimes, les sentimens tendres et religieux qu'elle montroit, tout contribuoit à lui gagner les cœurs. Le 10 juin 1799, son mariage avec Mr. le duc d'Angoulême fut célébré à Mittau, par le cardinal de Montmorency, évêque de Metz, et grand-aumônier. Le Roi lui servit de père dans cette cérémonie si touchante par les réflexions qu'elle faisoit naître, et chacun ne pouvoit retenir ses larmes en songeant qu'une fille de France, et un prince issu comme elle du sang des Bourbons, n'avoient pu trouver qu'à 600 lieues de leur patrie un autel pour recevoir leurs sermens.

A la fin de la même année, les cardinaux assemblés

il

à Venise, écrivirent, le 7 octobre, au Roi, suivant l'usage, pour lui annoncer la mort de Pie VI, et la tenue prochaine du conclave. Louis XVIII leur répondit, le 24 novembre. On remarque que dans sa lettre, tout en déplorant les malheurs de Pie VI, insiste sur les témoignages de respect et d'intérêt que reçut ce Pontife en France. On y voit, qu'il aimoit à rendre justice aux François, et à ne point rendre la nation responsable des crimes de ses oppresseurs. On y voit, qu'il n'avoit point désespéré de la Providence, et qu'il comptoit sur son secours, en même temps qu'il le méritoit par ses sentimens religieux, et par sa noble résignation dans le malheur. Il eut, quelques années après, une nouvelle occasion de montrer son courage et sa constance à maintenir ses droits et ceux de sa maison. En 1802, Bonaparte, qui marchoit à grands pas au pouvoir absolu, mais qui sentoit le besoin de fortifier ses prétentions, et de s'entourer de quelque apparence de légitimité, fit proposer secrètement au Roi de lui céder ses droits au trône de France, moyennant des dédommagemens. Louis XVIII repoussa avec dignité des offres qui lui parurent incompatibles avec son honneur, et tous les princes de sa famille s'empressèrent d'applaudir à sa résolution, et de manifester leur vœu de ne jamais transiger sur leurs droits. Leurs lettres, bien dignes de chevaliers François, furent imprimées dans le temps dans les journaux étrangers, et elles se trouvent entr'autres dans le Nouveau Registre annuel (1), ouvrage périodique qui s'imprime en Angleterre. La lettre du Roi porte particulièrement un

(1) New annual Register. Cet ouvrage est à la bibliothèque du Roi.

caractère de modération, en même temps que de vigueur. Il y parle avec mesure d'un homme qui ne s'étoit pas encore souillé, ni du sang d'un Bourbon, ni de celui de tant de malheureux sacrifiés à son ambition. Ce fut en 1804, que la France et l'Europe le virent avec effroi donner, par un crime inutile, la meşure de son caractère. L'indignation fut générale. En morale, c'étoit un attentat horrible sans prétexte; en politique, c'étoit une terrible école sans excuse. C'étoit être bien mal avisé que d'arriver au trône par une telle route, et de prétendre conquérir les suffrages sous ces sanglans auspices.

Louis XVIII dut être plus sensible que personne à cet affreux événement. Il perdoit un prince aimable et généreux, qui auroit pu être l'appui du trône et l'honneur de son pays. Dès-lors il ne vit dans Bonaparte qu'un assassin, et dans l'usurpateur heureux qu'un tyran coupable, indigne de commander à une nation généreuse. Dès-lors il ne voulut avoir rien de commun avec l'ennemi de sa famille. Le roi d'Espagne, Charles IV, ayant envoyé au nouvel empereur l'ordre de la Toison d'Or, Louis XVIII, qui avoit reçu autrefois ce même ordre de Charles II, jugea qu'il ne lui convenoit plus de porter une décoration qu'il regardoit comme avilie. Sa lettre au roi d'Espagne est noble et vigoureuse. Il lui renvoyoit la décoration. La religion, disoit-il, peut m'engager à pardonner à un assassin; mais le tyran de mon peuple doit toujours étre mon ennemi. Dans le siècle présent, il est plus glorieux de mériter un sceptre que de le porter.

Cependant les événemens de la guerre forcèrent, de nouveau, Louis XVIII à changer d'exil. Après

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avoir erré quelque temps, il accepta un asile en Angleterre, où MONSIEUR, comte d'Artois, étoit depuis long-temps. Le gouvernement Anglois, constant dans son opposition aux vues ambitieuses de l'usurpateur, avoit accordé la plus généreuse hospitalité aux François, victimes de la révolution. Le clergé, la noblesse y avoient trouvé sûreté et protection, et les princes y recevoient un traitement proportionné à leur dignité. Le Roi trouva, dans ce pays, les mêmes égards et la même munificence dont il avoit joui long-temps sur le continent, C'est-là qu'il perdit la Reine, qui mourut, il y a environ trois ans, et dont les obsèques furent faites avec la pompe convenable à son rang. Il habitoit depuis quelque temps le château d'Hartwell, dans le comté de Buckingham, à seize lieues de Londres. Cette terre lui fut cédée par le propriétaire, et le Roi se plaisoit à Y réunir les membres de sa famille, et particulièrement MONSIEUR et ses enfans. Il a eu constamment auprès de lui Mme, la duchesse d'Angoulême, dont les soins touchans et l'aimable bonté charmoient son exil. Luimême cherchoit volontiers des distractions dans des lectures utiles. Il a toujours aimé l'étude, et a eu tout le loisir, d'abord dans une condition privée, et par la suite dans le bannissement, d'acquérir des connoissances, dont une mémoire heureuse lui fait conserver les avantages. D'ailleurs, c'étoit lui qui expédioit ses affaires, qui ouvroit ses dépêches, qui y faisoit les réponses, qui donnoit des instructions à ses envoyés, et qui recevoit le rapport de leur mission. Instruit à l'école du malheur, il aimoit à voir par lui-même et à entrer dans les détails. C'est ainsi qu'il a su se donner une expérience et des talens dont nous allons recueillir les fruits. Il revient parmi nous, muni de

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cette sagesse qui fait le bien sans secousse, qui guérit le mal sans violence, qui se proportionne aux temps, qui juge avec discernement des hommes et des choses. Tous les détails que nous avons sur lui, ses proclamations, sa conduite, les rapports de ceux qui ont eu l'honneur de l'approcher, annoncent la bonté de son ame et les dispositions indulgentes qu'il nous rapporte Il arrive, comme l'a dit un de ses plus loyaux chevaliers, le testament de Louis XVI à la main, accompagné de cette princesse qui lui écrivoit après sa délivrance C'est celle dont ils ont fait mourir le père, la mère et la tante, qui vous demande de leur pardonner. Il a été précédé par ce prince aimable, dont toutes les paroles respirent la paix et l'union, et annoncent un si noble et si beau caractère. Quel cœur françois ne s'ouvriroit pas aux plus riantes espérances, et ne voleroit pas en esprit au-devant d'une famille si intéressante par ses malheurs, d'une princesse en qui reposent tant de souvenirs, d'un Roi si respectable par sa généreuse constance dans l'infortune, et si propre à rassurer tous les esprits par son âge, par ses lu, par sa sagesse, par sa religion éclairée par les nobles et beaux sentimens que lui inspireroient aujourd'hui ses magnanimes alliés, s'il n'en avoit la source dans son cœur, et s'il n'en trouvoit l'exemple dans les actions de ses illustres prédécesseurs et dans ses propres habitudes!

mières

et

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARME, 12 avril. Le Pape a fait, le 30 mars, à deux heures après-midi, son entrée solennelle à Bologne. Le

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