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COMPÉTENCE.

merce.

Tribunaux de com

Fait réputé non commercial avant la promulgation des lois françaises.

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« Les juges et consuls connaîtront des différends pour vente faite & par des marchands, artisans et gens de métier, afin de revendre ou travailler de leurs professions, comme à tailleurs d'habits, « pour étoffes, passemens et autres fournitures; boulangers et på« tisseurs, pour bled et farine; maçons, pour pierres, moëllons et « plâtre; charpentiers, menuisiers, charrons, tonneliers et tourneurs, « pour bois; serruriers, maréchaux, taillandiers et armuriers, pour a fer; plombiers et fontainiers, pour plomb, et autres semblables. » Article 4 du titre 12 de l'ordonnance de commerce de 1673, formant l'article 565 du réglement sur l'ordre judiciaire des quatre départemens de la rive gauche du Rhin, du 6 floréal an VI.

UNE fourniture de vivres faite aux armées, peut-elle étre regardée comme un fait commercial?

Un fait non réputé commercial avant la publication des lois françaises, mais regardé comme tel par ces lois, peut-il être porté à la connaissance des tribunaux de commerce, par la raison que l'action, quoique dérivant d'un fait antérieur à l'établissement de ces tribunaux, n'a été intentée qne postérieurement à leur établissement ?

Les effets résultans d'un fait commercial antérieur à la législation française, publiée dans les pays con quis, doivent-ils être déterminés d'après les lois exis

tantes au moment de l'introduction de l'action ou d'après celles qui ont existé lorsque le fait a eu' lieu ?

La première question a été décidée affirmative.
LA
ment par la cour de cassation dans une espèce sem-
blable, où il ne s'agissait pas même d'une entre-
prise de vivres, mais seulement d'une entreprise de
convois et transports militaires. Voyez Questions de
droit de M. Merlin, tome 9, § 5, au mot: tri-
bunal de commerce.

En effet, la raison ne permettrait guère de la décider autrement, car si l'engagement de fournir des voitures pour le transport des munitions de guerre présente une négociation commerciale qui rend l'entrepreneur justiciable des tribunaux de commerce pour les traités qu'il a conclu avec des particuliers, à plus forte raison l'engagement de fournir des grains et fourrages, et les traités que l'entrepreneur a faits avec des particuliers pour l'exécution de l'entreprise, doivent-ils être du ressort des tribunaux de commerce par l'application de l'article 4 du titre 12 de l'ordonnance de 1673.

Les entrepreneurs ou fournisseurs de vivres achetent pour revendre, et ce fait les constitue marchands pour cet objet, encore qu'ils ne soient que de simples particuliers, et les rend par conséquent justiciables des tribunaux de commerce pour les différends relatifs à ce trafic.

Que ces principes doivent être appliqués aux nouveaux départemens, pour ce qui regarde les affaices qui ont pris leur origine depuis la publication

Cour Trèves.

des lois françaises, nul doute; mais doivent-ils trou-ver leur application dans les contestations nées de faits antérieurs à la promulgation desdites lois, et les nouveaux tribunaux de commerce sont-ils compétens pour connaître de ces faits? voilà la question.

Trois particuliers avaient livré des grains et fourrages à l'armée autrichienne en 1792.

Après la réunion du pays à la France, l'un deux actionna l'autre en reddition de compte et au paiement de sa part dans le profit.

Il porta son action devant le tribunal de commerce; le défendeur plaida sans exciper de l'incompétence du tribunal, et jugement intervint qui le condamna même par corps.

Appel.

Le tribunal de commerce, a dit l'appelant, était visiblement incompétent.

Une fourniture de grains et fourrages n'est pas un fait commercial en lui-même, et dans l'espèce il n'existe pas de contrat de société entre les trois particuliers qui pût les faire considérer comme associés d'un commerce ou trafic.

Mais supposé qu'on puisse ranger cette affaire dans la classe de celles désignées dans l'article 4, du titre 12 de l'ordonnance de 1673, cet article ne serait pas applicable au cas particulier. Les lois n'ont pas d'effet rétroactif : dant formam futuris negotüs; la fourniture, à raison de laquelle l'ac

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tion est intentée, a eu lieu avant la publication de cet article de l'ordonnance; d'après les lois alors existantes, la cause n'aurait pas pu être portée devant un tribunal de commerce, elle ne peut donc pas l'être à présent.

Ainsi, le tribunal de commerce devait d'office se déclarer incompétent. La circonstance que j'ai plaidée devant lui ne peut pas m'être opposée, les tribunaux de commerce étant des tribunaux d'attribution, dont on ne peut pas proroger la juridiction dans les causes où ils sont incompétens ratione materiæ. Jousse sur l'ordonnance de commerce, titre 12 art. 14, note 3, troisième alinéa.

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Un autre motif pour lequel le tribunal de commerce devait se déclarer incompétent, c'est que ses jugemens entraînent nécessairement la contrainte par corps; que dans l'espèce la contrainte ne peut pas avoir lieu, puisque la loi ancienne ne l'y attachait pas; et que les effets du contrat doivent du moins être jugés d'après la loi qui a existé au moment du contrat.

Ainsi, ne pouvant juger sans prononcer la con trainte par corps, et cette contrainte ne pouvant être décernée dans le cas particulier, il est évident que le tribunal était incompétent.

L'intimé a répondu, qu'il n'y avait pas de doute que l'objet dont il s'agit ne soit un fait commercial tant d'après l'esprit de l'article 4 du titre 12 de l'ordonnance de 1673, que d'après la jurisprudence formelle de la cour de cassation;

Que sous ce rapport déjà le tribunal de commerce

n'était pas incompétent ratione materiæ, et que sa juridiction pouvait être prorogée par le consentement des parties; que ce consentement existait de fait par le silence des parties devant le premier juge;

Que le fait d'ailleurs, qui a donné lieu à la contestation soit antérieur à la publication de l'article 4, du titre 12 de l'ordonnance 1673, et n'ait pas été réputé commercial suivant les lois alors existantes, cela ne prouve pas qu'il ne pouvait pas être jugé par un tribunal de commerce, sans donner un effet rétroactif à cet article de l'ordonnance;

Qu'il faut distinguer entre les lois qui ont rapport au droit, et celles qui n'ont trait qu'à la procédure, pour faire une juste application de la règle qui veut que les lois n'aient pas un effet rétroactf;

Qu'il est de principe que c'est la loi existante à l'époque de l'introduction de l'action qu'on doit suivre lorsqu'il s'agit seulement de déterminer la juridiction, la compétence et la forme de procéder, sans égard aux lois du temps où l'action a pris son origine; tandis que lorsqu'il est question d'appliquer le droit, on a ordinairement recours à la loi qui a existé au moment où le fait s'est passé;

Que le législateur peut donner tel juge qu'il veut aux parties, pourvu qu'il n'altère pas les effets du contrat; et qu'ainsi l'appelant ne peut pas prétendre que la loi actuelle lui donne les mêmes juges que lui aurait donné la loi abolie;

Que l'objection faite, que le tribunal de commerce ne peut juger sans prononcer la contrainte par corps, se trouve démentie par la loi du 15 ger

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