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de nullité, et il fut effectivement déclaré nul par jugement du tribunal civil du département du MontTonnerre, du 20 messidor au XI, et ordonné que la succession serait partagée ab intestat.

Ce jugement passa en force de chose jugée.

Pour procéder au partage et à la liquidation de la succession, les parties choisirent des arbitres, qu'ils chargèrent de faire le partage et de prononcer sur leurs différends, sous la réserve de l'appel.

Devant ces arbitres, le fils Abraham réclama la maison paternelle en vertu du premier testament.

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Les autres héritiers soutinrent que ce testament était nul, par la raison que le père n'aurait pas joui de ses facultés intellectuelles; mais, chargés de faire la preuve de ce fait, ils en restèrent là, et se bornèrent seulement à demander le dépôt dudit testament, pour s'assurer s'il était régulier et conforme aux lois.

Cependant, soit que le testament n'ait pas été déposé, ou que déposé il ait disparu, les arbitres prononcèrent à l'absence du testament, et déclarèrent que la maison faisait partie de la succession ab intestat.

Appel de la part d'Abraham Thomas, qui produisit le testament; il fit entendre qu'il lui avait été dérobé par les parties adverses, et qu'il ne l'avait récouvré que postérieurement à la sentence arbitrale.

Les intimés prétendirent que la demande de l'apTone 1, N. 2.

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pelant devait être écartée par deux raisons: 1.o par l'exception de la chose jugée résultante du jugement du 20 messidor an XI; 2.o par la révocation du prémier testament opérée par le dernier testament.

Le jugement du 20 messidor an XI, passé en force de chose jugée, disaient-ils, a été rendu entre les mêmes parties; il a ordonné le partage de la succession ab intestat. Ce point jugé, l'appelant ne peut plus demander que sa portion virile dans la succession: il ne peut plus faire usage du testament du 2 septembre 1786, auquel il a renoncé, en fondant sa demande, en l'an XI, uniquement sur le testament du 19 mai 1793 (*).

Ainsi il se présente dans l'espèce tous les caractères de la chose jugée jugement entre les mêmes

(*) Telle était en effet l'opinion de Papinien, consiguée dans la loi 97, ff. de ad quir, vel omitt. heredit. Mais Paul était du sentiment

contraire.

« Clodius Clodianus, porte cette loi facto prius testamento, « posteà eundem hæredem in alio testamento inutiliter facto ins«tituerat scriptus hæres, cum putaret posterius valere, ex « eo hæreditatem adire voluit: sed postea hoc inutiliter reper« tum est. Papinianus putabat, repudiasse eum ex priore ha« reditatem, ex posteriori autem non posse adire : dicebat « (Paulus) non repudiare eum, qui putaret posterius valere: « pronunciavit ( Papinianus ) Clodianum intestatum decessisse.

En admettant que cette question fùt controversée du temps de Papinien, la controverse a du moins été levée par la loi 21, § 3, du Code Justinien, qui exige un testament parfait pour casser un autre testament « Si quis autem testamento jure perfecto, pos «tea ad aliud venerit testamentum non alias quod antè factum « est, infirmare decernimus, quam si id quod secundo facere « testator instituit, jure fuerit consummatum. »

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parties, agissant dans les mêmes qualités, sur le même objet, la succession du père commun; et en vertu de la même cause, un testament; la demande de l'appelant, tendante à faire juger le contraire de ce qui a été décidé par le jugement du 20 messidor an XI, se trouve donc écartée par l'exception de la chose jugée.

Au reste, quand bien même l'exception de la chose jugée ne pourrait trouver d'application, le premier testament du 2 septembre 1786 serait révoqué par celui du 19 mai 1793, qui, quoique nul dans sa forme, n'annonce pas moins le changement de volonté du testateur, et prouve évidemment qu'il n'a plus voulu que son premier testament tint, puisqu'il l'a remplacé par un nouveau qui lui est contraire.

Les intimés ont conclu à la confirmation de la sentence arbitrale.

L'appelant répondit que l'exception de chose jugée ne pouvait lui être opposée, puisqu'elle exige nonseulement que le jugement ait été rendu entre les mêmes personnes, agissant dans les mêmes qualités; mais encore que la nouvelle demande porte sur le même objet et sur la même quantité, et qu'elle soit fondée sur la même cause. L. 12, 13 et 14, ff. de except. rei judic., ci-devant rappelées.

Dans l'espèce, la nouvelle demande n'a pas pour objet la même chose, elle n'est fondée ni sur la même cause ni sur le même titre.

Devant les juges de Mayence, l'appelant avait de

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mandé la totalité de la succession; devant les arbitres et la Cour, il demande seulement la maison suivant l'estimation faite par le père commun.

A Mayence, il fonda sa prétention sur le testament du 19 mai 1793; aujourd'hui, il la fonde sur le testament du 2 septembre 1786.

Peu importe que l'appelant n'ait pas alors fait valoir ses deux titres; rien ne l'obligeait à les produire tous ensemble: de ce qu'il a voulu faire usage de celui qui lui était le plus favorable, on ne peut pas induire qu'il ait renoncé à celui qui l'était moins.

Quant à la prétendue révocation du premier testament, il est de principe qu'un testament antérieur parfait n'est cassé que par un testament postérieur éga lement parfait, la cité les lois alléguées plus haut.

Le testament antérieur étant parfait, et les intimés n'osant pas même le critiquer sous ce rapport, il n'a donc pu être cassé par le testament postérieur du 9 mai 1793, qui est nul; le premier doit, par couséquent, sortir ses effets.

Pour ce qui regarde la révocation présumée par le changement de volonté du testateur, l'appelant a observé que c'était d'autant moins le cas d'admettre cette présomption, que le testateur avait favorisé l'appelant par son dernier testament plus qu'il ne l'avait fait par le premier, et qu'il ne peut donc pas être censé avoir voulu ôter le moins à celui auquel il avait, en dernier lieu, donné le tout.

Il a conclu à l'infirmation du jugement arbitral, et à ce que la maison lui fût adjugée en vertu du testa

ment du 2 septembre 1786, sous l'offre de rapporter les 800 florins à la masse.

:

La cause présentait encore d'autres questions d'une moindre importance, entre autres celle si l'appelant pouvait réclamer plus que la côte-part de ses fréres et sœurs qu'ils n'avaient pas encore acquittée, dans la pension alimentaire du père défunt? Il avait, fait à cet égard une demande d'argent excédant de beaucoup la pension stipulée; mais les circonstances particulières de la cause et l'équité n'ont pas permis à la Cour de lui adjuger au-delà de cette même pension.

ARRÊT TEXTUEL.

« Attendu que, devant le tribunal de première ins «tance de Mayence, l'appelant avait demandé la to« talité de la succession délaissée par le père com« mun, en vertu d'un testament de celui-ci, du 19 « mai 1793; que la contestation roulait uniquement, « sur la validité dudit testament, et qu'il n'était pas « question d'un autre ; tandis que devant les juges« arbitres, l'appelant n'a demandé que la maison « paternelle, moyennant le paiement de la somme de << huit cents florins, en fondant sa demande sur un • testament antérieur du père, du 2 septembee 1786;

« D'où il résulte que, quoique le jugement du « tribunal de Mayence du 20 messidor an XI, par « lequel le testament du 19 mai 1793 a été déclaré

nul, et l'appelant condamné à délivrer aux intimés « leurs parts et portions afférantes dans la succession « du père, soit passé en force de chose jugée par « l'acquiescement des parties, il n'y a pourtant pas lieu d'accueillir l'exception de chose jugée opposée

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