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Le fût-il, la reconnaissance serait inefficace, parce qu'elle a précédé la naissance de l'enfant.

La première exception s'établissait sur le défaut d'enregistrement de l'acte dans les délais de la loi.

Il avait bien été présenté au bureau dans le temps utile; mais le receveur qui en avait fait la relation, l'a ensuite biffée à défaut de paiement des droits.

Il n'a été reproduit au bureau et revêtu de la formalité de l'enregistrement que le 21 avril 1806.

Or, à cette époque, Philippe-Joseph Buisseret était décédé, et il n'était plus possible de fixer une date certaine sans sa participation.

Il est donc vrai de dire, que l'acte du 29 floréal an VII ne contient pas une reconnaissance authentique, et qu'il n'a pu être considéré à la mort de Buisseret, que comme un acte sous signature privée ; c'est ce que décide la loi du 19 décembre 1790, et notamment l'article 9, ainsi conçu:

« A défaut d'enregistrement dans les délais fixés • par l'article précédent, un acte passé devant notaire ne pourra valoir que comme un acte sous << signature privée.

« Le notaire sera responsable envers les parties « des dommages qui pourront résulter de l'omission.

« Cependant l'acte, ayant reçu la formalité omise,

• acquerra la fixité de la date, et l'hypothèque, a à compter du jour de l'enregistrement. »

Ainsi, l'acte étant resté sans date fixe jusqu'au 21 avril 1806, il n'y avait pas de reconnaissance authentique au décès de Buisseret, arrivé au mois de novembre 1804.

Cependant point de reconnaissance valable, si elle n'est faite par acte authentique.

a La reconnaissance d'un enfant naturel sera faite « par un acte authentique, lorsqu'elle ne l'aura pas « été dans son acte de naissance ». Art. 334, Code Napoléon.

On a vu que l'acte de naissance de Nicolas-Philibert-Joseph ne fait aucune mention de la paternité de Buisseret; il n'a donc pas été reconnu par cet acte.

Il ne l'a pas été au vœu de lá loi, par l'acte du 29 floréal an VII, puisqu'il n'est pas authentique.

Donc la demande est destituée du titre sur la quelle on la fonde.

S'il était possible d'envisager comme authentique l'acte du 27 floréal an VII, il faudrait encore dire que la reconnaissance est nulle.

L'intérêt de la société et des mœurs veut que la qualité d'héritier ne puisse prendre sa source que dans un mariage légitime.

Si la loi accorde la successibilité irrégulière à l'enfant naturel, ce n'est qu'aux conditions qu'elle prescrit pour la validité de sa reconnaissance.

Quelles sont ces conditions? D'être reconnu par acte authentique, s'il ne l'a pas été par son acte de naissance ?

La loi pose en premier degré l'acte de naissance; c'est là que commence la faculté de reconnaître. :

Quand cette faculté n'a pas été exercée dans le premier acte, l'omission peut se réparer par un acte subséquent.

Voilà le sens de l'article 334; il ne prête à aucun autre raisonnement.

En effet, les règles admises pour les posthumes sont fondées sur la faveur due au mariage, et sur les présomptions légales de paternité; ces présomptions cessent mème d'avoir lieu, quand la naissance est ou précoce ou tardive.

En est-il ainsi des enfans naturels?

Combien de prétendus pères désavoueraient l'enfant reconnu d'avance, si l'époque de l'accouchement venait déranger les calculs de la possibilité ?

Ce n'est donc pas sans raison que le code n'ouvre le droit de reconnaître un enfant naturel qu'après sa naissance; tout autre systême serait sujet à des erreurs trop funestes.

Qui nous répondra que Buisseret aurait persévéré? Il a vécu près de cinq ans après la prétendue reconnaissance, et il n'existe aucune trace de liaisons subséquentes avec Marie-Adrienne Anthoine; n'est-il pas mort plein de regrets et de répentir?

Il est un principe consacré par la législation romaine, répondaient Maistriaux et son épouse, et reconnu textuellement par le Code Napoléon, que toutes les fois qu'il s'agit de l'intérêt d'un enfant conçu il est déjà censé avoir reçu le jour.

Qui in utero est, pro jam nato habetur, quoties de commodis illius agitur.

« Pour être capable de recevoir entre-vifs, il suffit • d'ètre conçu au moment de la donation ». Art. 909 du code civil.

Pour être capable de recevoir par testament, il suffit d'être conçu à l'époque du décès du testateur. Ibid. 2. part.

Ces dispositions sont-elles moins applicables aux enfans naturels, qu'aux enfans légitimes? Il n'y a de différence entr'eux que sur la quotité de leurs droits successifs; ne créons pas une distinction que la loi n'a pas faite.

Si l'enfant naturel, qui est encore dans le sein de sa mère, est capable de recevoir des libéralités, pourquoi lui refuserait - on le titre qui le rend capable de succéder, c'est toujours l'application du même principe, qui in utero est, etc.

En vain cherche-t-on à flétrir son origine, et à ren dre problématique l'époque de sa conception. C'est au père qui reconnaît à se juger: il est censé rendre hommage à la vérité et obéir au sentiment de la nature, quand il confesse volontairement sa paternité.

La reconnaissance d'un enfant naturel est un acte

de justice et de bienfaisance, méritoire aux yeux de la loi.

Elle fournit des moyens d'existence, soulage l'é tat, répare des torts, et place pour ainsi dire, sur le point limitrophe de la légitimité, un être que le sort allait confondre dans la classe de tant de victimes innocentes de leurs naissances.

Loin donc de la pensée du législateur moderne, la déviation du principe général, quand il s'agit des enfans nés hors mariage. Ils sont, comme les enfans nés en mariage, censés être nés, dès qu'il est question de leurs intérêts; mais on objecte principalement la rédaction de l'article 334 du Code Napoléon, c'est-à-dire, le sens grammatical.

Cet article est-il exclusif, ou prohibitif de la re connaissance d'un enfant naturel non encore né, mais déjà conçu? La négative est sans réplique.

Le Code Napoléon a donc laissé la chose dans le domaine de la règle générale.

Le législateur a rédigé la disposition de l'article 334, pour les cas ordinaires: il est impossible qu'il descende dans le détail de tous les événemens; mais, de ce qu'il s'est exprimé pour ce qui arrive le plus communément, il ne s'ensuit pas qu'il ait interdit la reconnaissance de l'enfant naturel avant qu'il soit né.

Les dispositions législatives sur les enfans naturels sont le fruit d'une idée généreuse et philantropique: elles méritent donc d'être étendues selon l'esprit de la loi qui les établit : elles ne blessent jamais le droit

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