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Oser dénoncer le vertueux, l'incorruptible ROBESPIERRE, était un acte d'audace que personne ne pouvait concevoir. On dit et l'on imprima qu'un homme seul n'aurait pas osé le faire, et qu'il devait se sentir appuyé par l'Angleterre. La lettre fut dénoncée à la commune par des députations de toutes les sections, après avoir été brûlée dans plusieurs; et le renvoi du secrétaire fut demandé au conseil-général, qui se contenta de le réprimander, Robespierre n'étant pas présent à la discussion que cette demande avait élevée.

Tel était le genre de popularité et de faveur dont jouissait alors le sieur MÉHÉE auprès de ceux dont on veut le faire complice, lorsqu'il a toujours été leur victime.

Le journal d'Etienne Feuillant imprima à cette époque une lettre plus que républicaine, dont le signataire s'offrait pour

poignarder le premier roi qui reviendrait en France. Cette lettre était signée Méhée. Bien des gens la crurent de l'auteur de cet écrit, quoiqu'il y eût alors plusieurs Méhée dont aucun au reste n'eût voulu la faire (c). Méhée se transporta au bureau du journaliste; mais on ne put jamais lui présenter l'original que l'on défie bien encore de produire. Au reste le prétendu signataire ne crut pas prudent de réclamer contre cette insertion. Une réclamation de ce genre aurait exposé très-inutilement; et l'effet de cette lettre pouvait

(c) Cette ignorance de l'existence de plusieurs MÉHÉE (qui cependant étaient alors au nombre de trois) ou peut-être le parti pris de s'attacher plus particulièrement à celui qui résistait davantage, a fait faire à la Biographie moderne d'assez plaisans quiproquo. Elle attribue à l'auteur de cet écrit des ouvrages de chirurgie et d'autres faits assez indifférens, mais qui ne lui conviennent pas davantage.

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être utile du moins à couvrir les liaisons qui s'étaient multipliées entre le secrétaire de la commune et des royalistes de nom (d).

M. le chevalier Bertrand, frère de l'ancien ministre de la marine, ayant été arrêté et amené à la commune, MÉHÉE ne put pas lui être utile, mais il eut occasion de lui témoigner tout l'intérêt qu'il lui portait, et combien il eût desiré de le servir. M. BERTRAND, sorti de prison, s'expliquait alors en termes fort honorables sur le compte de MÉHÉE. Ils fréquentérent assez long-temps la même maison, ainsi que M. l'abbé BERTRAND; et

(d) On jugera d'ailleurs si cette lettre d'une espèce de Brutus peut être jugée convenablement. à la rentrée des Bourbons, et si l'homme qui rendait alors d'aussi grands services aux royalistes n'eût pas été excusable de prendre un ton qui pouvait servir à masquer sa conduite réelle. Au reste si MinÉE l'eut signée, il l'avouerait.

comme il n'y était pas question de politique, ils n'eurent jamais occasion de s'appercevoir de la différence d'opinion. M. le ministre Bertrand de Molleville ayant jugé alors, et sans doute avec raison, qu'il n'était pas en sûreté; MÉHÉE fut consulté sur les moyens de le faire échapper, entreprise que son nom et sa taille rendaient difficile; il porta, dans un rendez-vous qui lui fut donné chez l'ambassadeur des Etats-Unis, un passe-port en blanc, qui fut rempli sous la direction de MÉHÉE, de la main de Mme. de Flahaut et de M. BERTRAND; chacun des assistans signa, comme témoin, un nom en l'air, et le passe-port fut ainsi confectionné. Les circonstances et la nature des dangers anoblirent, aux yeux des fabricateurs, ce que cette opération aurait d'odieux dans d'autres temps. M. Bertrand passa en Angleterre ; il parait, par ses Mémoires, que d'autres personnes lui avaient

déjà procuré d'autres passe - ports, qui lui coûtèrent un peu plus cher que le

nôtre.

On n'a fait mention de tout ce qui précède que pour expliquer comment le sieur MÉHÉE fut chargé d'une négociation autrement importante, et pour mettre à même de vérifier les détails qui vont suivre, en citant ceux des personnes qui · les connaissent, et qui existent encore.

M. le comte de Flahaut était venu, comme beaucoup d'autres, trouver le sieur MÉHÉE; il lui avait demandé un passeport, et l'avait obtenu. Revenu d'Angleterre, il venait souvent voir sa nouvelle connaissance, et essayait tous les moyens possibles de la faire entrer dans les intérêts du Roi : la réponse de MÉHÉE avait toujours été la même; ses principes l'attachaient au parti contraire à la Cour : il ne pouvait prendre connaissance de rien de ce que l'on entrepren

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