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rité. On dit ce qui devrait être, mais non ce qui peut être, et encore moins ce qui est. Un bon père n'établit point entre ses enfans d'odieuses distinctions: sa qualité réelle de père lui inspire des sentimens qui sont l'ouvrage inimitable de la nature, et ne peuvent, appartenir à un Souverain qui n'est que Souverain. Enfin, un père n'est point vindicatif, il pardonne souvent après avoir menacé; mais il ne punit jamais après avoir promis d'oublier.

Il est impossible de dissimuler que nous éprouvons cette différence d'une manière sensible; le retour des lys n'a point produit l'effet qu'on attendait ; la fusion des partis ne s'est point opérée; loin de-là, ces partis, dont il ne restait presque plus de vestiges, se sont renouvelés, ils se mesurent et s'observent. Il n'y a ni rapprochement ni abandon

de fausses tentatives, des petitesses, des pas rétrogrades, des entorses données à des engagemens solennellement contractés, ont produit l'inquiétude et la défiance le gouvernement n'a point fait usage des moyens qu'il avait à sa disposition, il en a paralysé une partie, il l'a tournée contre lui en se tournant contr'elle.

Ceux-là sont donc bien coupables ou bien aveuglés, qui ont commencé par détacher de la cause du Prince tout ce qui avait porté le nom de patriote, c'està-dire, dans les trois quarts et demi de la nation, et d'en avoir fait une population ennemie au milieu d'une autre, à laquelle ils ont indiscrètement donné une préférence éclatante. Si vous voulez aujourd'hui paraître à la Cour avec distinction, gardez-vous bien de dire que vous êtes un de ces vingt-cinq millions

de citoyens qui ont défendu leur patrie avec quelque courage contre l'invasion des ennemis; car, on vous répondra: que ces vingt-cinq millions de prétendus citoyens sont vingt-cinq millions de révoltés, et que ces prétendus ennemis sont et furent toujours des amis; mais il faut dire que vous avez eu le bonheur d'être chouan, ou vendéen, ou transfuge, ou cosaque, ou anglais, ou enfin, qu'étant resté en France, vous n'avez sollicité des places auprès des gouvernemens éphémères qui ont précédé la restauration, qu'afin de les mieux trahir et de les faire plutôt succomber: alors, votre fidélité sera portée aux nues, vous recevrez de tendres félicitations, des décorations, des réponses affectueuses de toute la famille royale.

Or, voilà ce qu'on appelle éteindre l'esprit de parti, ne plus voir partout

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que

des Français, des frères, qui ont juré de ne jamais rappeler leurs anciennes querelles. Mais qui ne voit où l'on nous mène ainsi? Qui ne voit qu'on nous prépare à l'avilissement de tout ce qui a pris part à la révolution, à l'abolition de tout ce qui tient encore un peu aux idées libérales, à la remise des domaines nationaux, à la résurrection de tous les préjugés qui rendent les peuples imbécilles?

Suivant la tactique usitée de tous tems en pareil cas, on n'attaque d'abord que ceux qui ont été les plus marquans, pouren venir successivement aux autres, et finir par envelopper, dans la même proscription, tout ce qui, de près ou de loin, a pris une part quelconque à la révolution, rétrograder, s'il est possible, jusqu'au régime féodal, jusqu'au rétablissement des serfs, jusqu'à ces

beaux jours de la Sainte-Inquisition, dont l'aurore commence à luire de nouveau sur les provin es d'Espagne. La révolution française fut un composé d'héroïsme et de cruautés, de traits sublimes et de désordres monstrueux: or, toutes les familles restées en France ont été forcées de prendre une part plus ou moins active à cette révolution ; toutes ont fait des sacrifices plus ou moins sensibles; toutes ont fourni des enfans à la défense de la patrie, et cette défense a été glorieuse toutes étaient parconséquent intéressées à ce que le succès couronnât l'entreprise. Le contraire est arrivé: ceux alors, ceux qui s'étaient montrés opposés à cette révolution cherchent à la faire paraître sous l'aspect le plus défavorable. Les événemens glorieux sontoubliés ou défigurés ; on déverse un mépris affecté sur des

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