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naient rendre foi et hommage aux Rois de France comme à leurs Snzerains; mais Louis XVIII, au contraire, a déclaré au prince régent d'Angleterre que c'était à lui, et à sa nation, qu'il attribuait, après la divine Providence, le rétablissement de sa maison sur le trône de ses ancêtres et lorsque ses compa triotes volaient à sa rencontre pour lui décerner la couronne, d'un vœu unanime, on lui a fait répondre qu'il ne voulait pas la recevoir de leurs mains, qu'elle était l'héritage de ses pères ; alors nos cœurs se sont resserrés, ils se sont tus.

C'est ainsi qu'on a fait débuter Louis au milieu de nous, par le plus sanglant des outrages que put recevoir un peuple aimant et sensible. Cependant nous n'avions pas calculé nos sacrifices pour recouvrer le fils de Louis IX et de

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Henry IV; 'nous lui avions applani le chemin du trône, en nous empressant d'adhérer aux mesures peut-être un peu inconsidérées du gouvernement provi soire. Dans notre vive satisfaction, nous avions spontanément abandonné nos conquêtes; nous avions renoncé à nos limites naturelles, à cette florissante Belgique qui joignait ses vœux aux nôtrés pour sa réunion à la France; un trait de plume a suffi pour nous faire quitter ces superbes contrées, jue toutes les forcés de l'Europe n'auraient pu nous arracher en dix ans. Louis avait-il donc besoin d'imiter les usurpateurs qui, ne pouvant être Rois par l'assentiment de leurs peuples, se font Rois par la grâce de Dieu? Ne savait-il pas que nous avions eu Napoléon par la grace de Dieu, que c'était par la grace de Dieu que nous ne l'avions plus, que c'est par la grâce de

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Dieu qu'on a toujours vu es qu'on verra toujours régner les plus forts?

Louis s'était fait précéder par des proclamations qui promettaient l'oubli du passé, qui promettaient de conserver à chacun ses places, ses honneurs, ses traitemens: comment ses conscillers lui ont-ils fait tenir ses promesses? En lui faisant chasser du Sénat tous ceux qui auraient pu paraitre en effet coupables à ses yeux, s'il n'eût promis de tout oublier; mais aucun de ceux contre lesquels s'élevait l'opinion publique; aucun de ceux qui, par le poison de leurs flatteries envers Napoléon, avaient amené les Français au dernier degré d'avilissement. Ainsi l'adulation parut être de plus en plus le premier besoin des princes, sous quelque titre qu'ils règnent.

On exclut pareillement, avec une diligence extrême, des emplois secondaires

ceux qu'avait pu égarer un amour excessif de la liberté. Il est vrai qu'ils ne sont point encore formellement proscrits, ils ne sont point encore livrés aux tribunaux mais ils sont signalés, par le fait même de leurs démissions, dans leurs communes, à l'animadversion de leurs concitoyens, comme suspects, comme indignes de la confiance du Gouvernement; ils sont marqués du sceau de la réprobation : et si les militaires sont en.. core un peu ménagés, si l'on veut bien paraître leur pardonner leurs victoires qu'on se contente d'appeler impies, la raison s'en devinc aisément. Oh! combien de faits héroïques sont condamnés à l'oubli, s'ils ne sont pas mis au nombre des forfaits!

Les promesses d'un Roi devraient rassurer tous les citoyeus, et cependant l'inquiétude plane sur eux de plus en

plus; elle plane sur leur existence sur leur honneur, sur leurs propriétés. On se défie de l'arrière-pensée d'un prince, auquel, en si peu de temps, on a déjà fait éluder tant de fois ses promesses; on aime à croire cependant que ces fausses mesures ne viennent pas de lui, mais elles n'en portent pas moins atteinte à la dignité royale. Pardonner n'est point oublier, car l'oubli gagne les cœurs, et le pardon les ulcère. Si la personne des Rois est justement sacrée, leur parole ne l'est pas moins et doit se montrer pure de tous subterfuges. Estce-là cette loyauté qu'on se plùt toujours à regarder comme le plus noble apanage du sang des Bourbons?

Lorsque l'on compare la puissance d'un Roi sur son peuple à celle d'un père sur sa famille, c'est une heureuse fiction, mais qui est bien loin de la vê

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