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vingt ans de victoires sont devenus vingt ans de sacrilèges et d'attentats.

Si le système de la liberté eût prẻ valu, les choses eussent porté des noms bien différens; car, dans les annales du monde, le même fait, suivant les circonstances, est tantôt un crime, tantôt un acte d'héroïsme; le même homme est tantôt Claude et tantôt Marc-Aurèle.

Catilina n'est qu'un vil conspirateur : il eût été le bienfaiteur de Rome, si comme César il eut pu fonder un empire. Cromwel fut reconnu jusqu'à sa dernière heure, et sa protection recherchée par tous les souverains: après sa mort il fut mis au gibet; il ne lui manqua qu'un fils semblable à lui, pour établir une dynastie nouvelle. Tant que Napoléon fut heureux, l'Europe s'inclina devant lui, les princes tinrent à l'honneur de s'allier à sa famille; dès qu'il fut tombé,

on ne vit plus en lui qu'un misérable aventurier, lâche et sans talens. Pélopidas, Timoléon, André Doria, furent proclamés les libérateurs de leurs

patries; ils n'eussent été que des factieux comme les Gracques, s'ils eussent échoué dans leurs entreprises.

Puisque les vociférations sans cesse renaissantes des premiers auteurs de la mort de Louis XVI, forcent à justifier ceux qui l'ont votée comme juges, lorsqu'ils ne pouvaient d'ailleurs l'empêcher, il ne sera pas difficile à ceux-ci de faire voir que ce vote est absolument conforme à la doctrine enseignée dans nos écoles, sous l'autorisation du gouvernement, préconisée comme la doctrine par excellence; puisque c'est celle des livres saints, appuyée sur l'opinion des moralistes, que l'on considère comme les plus sages de

l'antiquité, et les plus dignes de faire autorité dans tous les temps. Cicéron, par exemple, s'exprime ainsi dans les Offices. (Liv. 2. Chap. 8.).

<< Le meilleur moyen pour conserver ce que nous pouvons avoir de crédit et de considération, c'est de se faire aimer; et le plus mauvais, c'est de se faire craindre; comme a fort bien dit Ennius On hait tous ceux que l'on craint, et on souhaite de voir périr tous ceux que l'on hait. Quand nous n'aurions pas su, d'ailleurs, qu'il n'y a ni puissance, ni grandeur qui puisse tenir contre la haine publique, ce que nous avons vu depuis peu nous l'aurait appris. Mais le meurtre de ce tyran, (César), qui a opprimé cette république par la force des armes, et qui la tient encore en servitude, tout mort qu'il est, n'est pas le seul exemple qui ait fait voir com

bien la haine des peuples est pernicieuse et funeste aux plus grandes fortunes.... Nous le voyons encore par la fin de tous les autres tyrans qui ont presque tous péri de la même manière. Il faut donc convenir que la haine est un mauvais garant d'une longue vie; et qu'aucontraire il n'y a point de gardes Si fidèles que l'amour des peuples, et qu'il n'y a même de sûreté solide et perpétuelle que celle-là.

» Laissons la dureté et la cruauté à ceux qui croient en avoir besoin pour contenir un peuple qu'ils ont opprimé par la force. Pour ceux qui vivent dans un état libre, ils ne sauraient rien faire de plus insensé que de se comporter d'une manière à se faire craindre: car, quoique les lois soient comme ensevelies sous la puissance d'un particulier, et que la liberté soit resserrée

par la crainte, elles se relèvent quelquefois, et parce que les peuples font entrevoir leurs sentimens, sans s'en expliquer, et par des concerts qui élèvent tout d'un coup à la souveraine magistrature des gens capables de tirer la république d'oppression. Or, les retours d'une liberté contrainte et interrompue, se font bien plus cruellement sentir que tout ce qu'on aurait pu souffrir si on l'avait laissé subsister 3.

On voit que la clémence connue de César n'empêcha pas Cicéron de le regarder comme un tyran, et d'approuver. l'attentat commis sur sa personne. Caton allait plus loin: il ne croyait pas qu'il pût exister un bon Roi4.

Si l'on prétend que la doctrine de ces auteurs payens doit être réprouvée parmi nous, je demanderai pourquci les livres qui en sont pleins, continuent

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