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de Meudon; une fois retranché autour de nous, il ne nous était plus possible de déboucher ni d'exécuter aucune retraite; il fallait que Paris se rendit à discrétion et que l'armée passât sous les fourches caudines, ou qu'elle se fit exterminer. On sent bien qu'entre l'honneur et l'existence elle n'aurait pas hésité : la résolution était prise de forcer le passage à quelque prix que ce fût, et de se retirer derrière la Loire, si l'ennemi continuait à refuser une suspension d'armes ; et cependant le général Blücher avait annoncé qu'il ne traiterait d'une suspension d'armes que dans Paris même ; il voulait pour première condition que l'armée toute entière se rendit prisonnière.

Dans cet état de choses, la Commission de Gouvernement convoqua le 1er juillet, une réunion extraordinaire, à laquelle furent appelés. trois Maréchaux de France (non compris le Ministre de la Guerre, Prince d'Eckmühl, qui ne put s'y trouver parce qu'il fallait qu'il fît tête à l'ennemi), plusieurs officiers généraux, tant de la ligne que de l'artillerie et du génie; les quatre Ministres d'État; et enfin, les membres composant les bureaux de la Chambre des Pairs et de celle des Représentans. L'exposé de la situation des choses ayant été fait à peu près.

tel qu'on vient de le voir; et ce fut moi-même qui fis cet exposé, MM. les Maréchaux de France furent invités à donner leurs opinions. Tous déclarèrent qu'ils ne croyaient pas que la ville de Paris fût susceptible d'une plus longue défense. M. le Maréchal duc de Dalmatie dit que du côté de Saint-Denis, l'ennemi, maître du vil-lage d'Aubervilliers, il était très-hasardeux de tenir derrière la digue le long du canal qui joint Saint-Denis à la Villette ; que si l'ennemi venait à forcer cette digue, il pourrait sans difficulté se porter à l'instant sur le village de la Chapelle, et entrer pêle-mêle avec nos troupes par la barrière de Saint-Denis; que rien, au surplus, ne pouvant l'empêcher de communiquer d'un côté de la rivière à l'autre, il n'y avait plus de résistance praticable à lui opposer. M. le Maréchal Prince d'Esling dit que sa défense de Gênes pouvait donner quelque idée de sa ténacité à soutenir les postes qui lui étaient confiés; mais que dans la situation où se trouvait Paris, il lui paraissait impossible de le défendre plus long-temps, et qu'il ne croyait pas qu'il y eût d'autre parti à prendre que celui de renouveler les démarches déjà faites pour obtenir une suspension d'armes. M. le Maréchal Duc de Dantzick opina à peu près de la même ma

nière; ajoutant, néanmoins, qu'il ne croyait pas impossible de prolonger la défense, si l'on pouvait achever rapidement les travaux de fortification commencés dans la plaine de Montrouge, et qu'il fallait se hâter de mettre tout en œuvre pour cela. Des membres de la réunion qui n'avaient pas cru que la situation de Paris fut aussi alarmante, firent diverses observations, et demandèrent qu'avant de prononcer définitivement, on recueillît de nouveaux renseignemens, ⚫ et il fut enfin résolu que dans la nuit suivante, il y aurait au quartier-général de la Villette, un Conseil de défense, présidé par M. le Maréchal Prince d'Eckmülh, auquel seraient invités tous les Maréchaux de France qui se trouvaient à Paris, et les Lieutenans-généraux commandant les différens corps de l'armée. Les conclusions de ce Conseil furent les mêmes, quoiqu'énoncées dans le procès-verbal d'une manière un peu moins affirmative,

Il n'était donc plus possible de différer à prendre un parti décisif, et le 2 juillet, à dix heures du soir, il fut résolu d'envoyer aux Généraux anglais et prussiens, une Commission spéciale, chargée de leur proposer une Convention purement militaire, pour la remise de la Fille de Paris entre leurs mains, en écartant

toute question politique, puisqu'on ne pouvait préjuger quelles seraient les intentions des Alliés, lorsqu'ils seraient réunis. Cette Commission fut composée de M. Bignon, chargé par interim du porte-feuille des Affaires étrangères; du Général Guilleminot, Chef de l'Etat-Major général de l'armée, et de M. le Comte de Bondy, Préfet du Département de la Seine.

Dans l'intervalle, et en attendant le résultat de cette mission, aucunes précautions ne furent négligées pour la sûreté de Paris. Les.troupes qui étaient sur la rive droite filèrent toute la nuit par les ponts, pour prendre poste sur la rive gauche. Le lendemain, 3 juillet, dès le matin, elles se trouvèrent en bataille dans la plaine de Montrouge, couvrant Paris, et occupant une position avantageuse, avec la résolution de soutenir vaillamment le choc de l'ennemi, et même avec une sorte d'impatience d'en venir aux mains.

Les Prussiens occupaient le village d'Issy, à l'entrée duquel nous avions un poste, et où il s'était établi une espèce de suspension tacite d'hostilités. Ensuite leur ligne s'éloignait de la nôtre, en refusant sa droite, leur projet étant vraisemblablement de porter leur effort principal sur Vaugirard.

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L'armée ennemie était beaucoup plus forte que la nôtre; cependant nous pouvions espérer, par notre position, de lui résister avec avantage en cas d'attaque de sa part, mais non, je crois, de l'attaquer nous-mêmes avec un succès décisif. En pareil cas, il faut une victoire complète; il fallait pouvoir mettre l'armée ennemie dans une déroute absolue, ou ne rien entreprendre; autrement, comme nous étions obligés de rester après l'action, pour couvrir Paris contre ses nouveaux renforts et ses corps de réserve, elle nous aurait toujours tenus dans la même perplexité, privés par une première affaire d'une grande partie de nos moyens. Il aurait fallu que nous eussions assez de troupes pour former un corps d'observation qui eût agi sur les flancs de l'ennemi, afin de l'inquiéter et de le poursuivre, après lui avoir fait essuyer un premier revers. Mais nous étions loin de pouvoir nous détacher d'une partie de nos forces, et c'eût été une grande imprudence de nous éloigner du point qu'il fallait couvrir avant tout. L'ennemi, comme je l'ai déjà dit, avait refusé sa droite, sur laquelle nous aurions pu avoir de l'avantage, et il aurait fallu l'aller chercher : elle avait sa retraite sur les hauteurs de Châtillon et de Meudon, et pen

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