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ne tenait rien de ce qui avait été promis. Cependant je ne conspirai point contre l'Empereur, et je n'ai pas conspiré davantage contre le Roi. J'ai usé du droit de parler qui doit appartenir à tout citoyen; mais je n'en ai pas moins fait profession, dans tous les temps, de me soumettre au Gouvernement établi. C'est ce que Napoléon savait: sous son règne il y a eu bien des conspirations contre sa personne, et jamais ses courtisans n'ont manqué de m'y comprendre, croyant servir sa passion en lui offrant l'occasion de me nuire; mais Bonaparte m'a toujours effacé lui-même de dessus les listes: il a toujours soutenu que j'étais incapable de trahison.

la parcourir, pour être convaincu qu'en plusieurs endroits, au contraire, il y est extrêmement maltraité; tandis que le Roi y est qualifié de Prince légitime, que j'y exprime le vœu de voir sa dynastie se perpétuer, qu'il y est dit en termes formels, que la Charte constitutionnelle contient assez de garanties pour nous sauver tous, que chacun doit s'y rallier; et qu'enfin je rejette toutes les infractions commises à cette Charte, non sur le Prince lui-même, mais seulement sur les agens de son pouvoir.

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Le retour de Napoléon devait donc me donner plus d'inquiétude que d'espoir, et si, depuis, les éditeurs du Mémoire ont eu la mauvaise foi de le mutiler et de le falsifier, ce fait m'est absolument étranger, et n'a pu d'ailleurs contribuer en rien au retour de Bonaparte.

On me demandera sans doute pourquoi, n'ayant contribué en rien au rétablissement de l'Empereur, j'ai cependant accepté la place qu'i m'a offerte à son retour? Mais moi, je deman¬ derai pourquoi je suis le seul des Ministres auquel on fasse ce reproche? tous les autres n'étaient-ils pas nommés et en exercice avant moi? j'étais loin de m'attendre à cette nomination, bien plus loin encore de la desirer. Ce fut seulement le lendemain de son arrivée, à onze heures du soir, que l'Empereur m'envoya chercher, et qu'il m'ordonna d'entrer sur-le-champ en fonctions. Fallait-il refuser? fallait-il s'exposer à passer dans l'opinion pour un mauvais citoyen ; ou bien, fallait-il, investi de la confiance de celui qui était de fait Chef de l'État, travailler à le précipiter du trône où il venait de remonter sans obstacle?

Mais ici j'irai plus loin; je dirai franchement, que j'ai accepté sans peine cette place qui m'a été proposée par l'Empereur, parce que j'ai eu l'espoir d'y faire le bien. J'ai cru, et je crois encore, que l'Empereur était venu avec le desir sincère de conserver la paix et de gouverner paternellement. J'ai cru que les Alliés ne voudraient pas rapporter de nouveau la désolation dans un pays dont le vœu était si fortement

prononcé pour la tranquillité de l'Europe. La persuasion générale, était que l'Empereur n'avait pu quitter l'île d'Elbe, qu'avec l'assentiment d'une partie des membres du Congrès de Vienne, et que sous peu de jours, nous reverrions l'Impératrice et son fils. On ne doutait pas que les. Puissances ne nous laissassent, comme elles l'avaient tant de fois protesté, choisir le Gou-> vernement qui nous conviendrait, pourvu que nous demeurassions fidèles aux stipulations du Traité de Paris. Au lieu de cela, Napoléon s'est vu tout-à-coup assailli par les Puissances réunies; obligé de se préparer en toute hâte à soutenir une guerre terrible; contraint de lever sur-lechamp, des hommes et de mettre en œuvre toutes les ressources de l'État. De là ces mesures extraordinaires et forcées qui ont commencé à le faire dévier de la ligne qu'il s'était tracée; de ce système de modération qu'il avait annoncé d'abord, et que dans mon opinion, il avait annoncé de bonne foi. ·

Souvent me trouvant seul avec lui, je l'ai entendu déplorer cette manie de conquêtes qui l'avait entraîné à de si fatales erreurs, et gémir de voir le sort de la Patrie exposé à de nouvelles chances. Il ne pouvait concevoir que Marie-Louise et son fils ne fussent pas des

gages assurés d'une alliance qui n'avait pu, disait-il, être rompue que par une exaspération momentanée. Oui, j'en conviens, j'ai partagé ces sentimens, je me suis flatté de voir nos désastres finis; de pouvoir faire tourner désormais les ressources de l'Etat aux progrès de l'industrie, au soulagement de la classe indigente, au perfectionnement de l'instruction publique. J'ai joui en moi-même, dans la pensée qu'en ma qualité de Ministre de l'Intérieur, je pouvais devenir l'un des agens principaux de ces heureux changemens.

Mais, peut-on me dire, vous avez dû être bientôt désabusé des vaines promesses de Bonaparte, lorsque vous l'avez vu reprendre sa marche dictatoriale; et alors, pourquoi ne pas donner votre démission, comme vous Paviez déjà fait étant Ministre de la Guerre ? Je réponds que je n'ai pas été entièrement désabusé par cette marche dictatoriale, à laquelle, il est vrai, l'on pouvait ne pas s'attendre. d'après les maximes qu'il venait de proclamer, mais qui tenait principalement aux mesures extraordinaires qu'il se voyait forcé de prendre avec tant de précipitation. Je fus blâmé autrefois par beaucoup de personnes très-bien intentionnées, d'avoir abandonné le Ministère de

la Guerre, pour une cause à peu près semblable on prétendait qu'en restant, j'aurais pu au moins diminuer le mal par mes conseils : c'est ce que j'ai tâché de faire dans cette nouvelle période ; j'ai profité de la confiance que l'Empereur paraissait m'avoir accordée, pour le détourner des actes arbitraires auxquels il était si naturellement porté. Je lui ai parlé avec mon indépendance accoutumée; j'ai employé autant que je l'ai pu, l'influence de ses frères, qui annonçaient des idées très-libérales. Je lui ai fait au Conseil des Ministres, sur son nouveau plan de constitution, les représentations les plus fortes, qui n'ont pas été écoutées, et dont il a bientôt reconnu la justesse, quand il a vu le facheux effet qu'elle avait produit. Je lui suis demeuré fidèle jusqu'à son abdication; je l'ai défendu avec un zèle extrême, parce que je ne sais pas défendre autrement, et qu'en le défendant, j'ai cru défendre la Patrie ; mais je n'ai point fait auprès de lui le rôle d'un flatteur, et je ne lui ai jamais rien demandé pour moi-même.

Ne m'avait-on pas reproché mon ambition, pour lui avoir offert mes services, lorsqu'il jugea à propos de m'envoyer à Anvers, en qualité de Gouverneur ? comme si c'était la même chose d'offrir ses services dans le mo

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