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suite dans les harangues officielles, dans les adresses des premiers corps de l'État à Napoléon, dans les rapports du Conseil-d'État, dans fes actes des autorités constituées? Ce serait donc parce que j'aurais parlé le premier, lorsqu'il pouvait y avoir quelque courage à le faire, lorsqu'il pouvait être utile au Gouvernement que cela fût fait, que je me serais rendu coupable?

Certes, ce n'est pas cette Brochure qui a tiré Napoléon de son ile; il n'y est pas assez bien traité pour cela ce n'est pas cette Brochure," qu'à peine on pouvait se procurer dans Paris, qui a remué toute la population des Alpes, qui l'a fait voler au devant de lui, lorsqu'il marchait presque sans escorte. Dira-t-on qu'il n'y avait en mouvement qu'un petit nombre d'individus," et que le reste n'osait manifester ses vrais sentimens? Ce serait supposer à la grande masse des citoyens, bien de la lâcheté, ou bien peu de zèle pour le Souverain légitime.

Pourquoi chercher à se tromper soi-même et faire prendre encore le change au Roi, sur le véritable principe d'un événement si extraordinaire? pourquoi s'en prendre à des causes. secondaires, lorsque les premières, les vraies causes sont connues de tout le monde? Ne sontce pas les atteintes continuelles portées à la Charte;

Charte; les inquiétudes jetées parmi les acquéreurs de domaines nationaux; les menaces, les sorties sans cesse renouvelées contre tout ce qui avait pris part à la révolution? et ne voiton pas encore aujourd'hui renaître de nouveaux germes de troubles dans l'intérieur? sera-ce encore un délit d'avertir les agens du pouvoir, que des causes semblables peuvent produire de semblables effets? sera - ce manquer aux justes égards qu'on leur doit, de leur dire que ceux qui leur succédèrent n'eurent point à se faire de pareils reproches ? Je dois le dire pour me justifier moi-même, puisque j'étais un de ces agens, puisque j'ai participé aux efforts heureux qui se sont faits pour éviter toute réaction, dans des circonstances aussi difficiles pour. le moins, que celles qui existent aujourd'hui.

J'affirme que, ni directement ni indirectement, je n'ai pris aucune part aux tentatives qui ont pu être faites pour le retour de Napoléon; que je n'ai entretenu aucune correspondance

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ce sujet, et que je n'ai eu connaissance d'aucune correspondance entretenue par d'autres; que je n'ai assisté à aucune réunion particulière,

aucun conciliabule; qu'enfin j'ai partagé l'étonnement universel, lorsque j'ai appris sa des

cente sur les côtes de France: mais voyant une crise se préparer, et n'ayant aucune fonction publique à remplir, j'ai cru nécessaire à ma sûreté, de me soustraire aux recherches de la police, qui faisait observer mon logement, et d'aller m'établir dans une autre maison, où des amis m'ont recueilli, et où j'ai demeuré constamment jusqu'à ce que Napoléon fût installé au Palais des Tuileries, où je n'ai été le voir que le lendemain à midi (1).

(1) Je citerai à cette occasion une particularité qu'on peut vérifier auprès de la personne recommandable qu'elle

concerne.

Peu de jours après l'arrivée de Bonaparte à Cannes, et lorsqu'il pouvait être près de Lyon, M..de Roman, l'un des Commandans de la Garde Nationale de Paris, et Officier dans les Mousquetaires, après s'être plusieurs fois présenté chez moi sans me rencontrer, vint un soir, lorsque je m'y trouvais avec deux de mes parens. Il parut avoir quelque chose de secret à me communiquer; je l'engageai à me parler avec la même ouverture que si j'étais seul. Il me dit qu'il était fort inquiet sur les événemens qui semblaient se préparer; qu'il était royaliste, qu'il avait une fortune considérable qu'il craignait fort de perdre en suivant le Roi, comme il était de son devoir de le faire et que cela était dans son inclination, si S. M. se voyait obligée de quitter Paris. Je crois, Monsieur, lui répondis-je, que s'il n'y avait que des royalistes comme

Voilà le fait tout entier. Maintenant, de quof suis-je accusé? c'est ce que j'ignore; c'est ce que l'Ordonnance du 24 juillet ne dit pas. Elle parle d'un attentat sans exemple, mais elle ne particularise aucun fait, dont soient prévenus ceux qui composent la seconde liste où je me trouve porté. Voici donc, ce que je tâche de deviner pour ce qui m'est personnel. J'imagine que mes ennemis auront jugé par les persécutions qu'ils m'avaient fait essuyer sous le Gouvernement royal, que je devais être mécontent, qu'ainsi je devais desirer un changement, que par con

vous et des républicains comme moi, on ne se battrait pas pour des opinions. Mais enfin, me dit M. de Roman qu'est-ce que tout ceci va devenir? apercevez-vous quelques moyens d'éviter les malheurs dont nous sommes menacés? Je lui répondis que je ne connaissais pas bien l'état des choses, mais que je croyais qu'il était encore possible d'y remédier; qu'il fallait pour cela que le Roi s'empressât d'annoncer qu'il était dans la ferme résolution de maintenir désormais les Autorités dans la ligne constitutionnelle, et qu'il renvoyât les Ministres qui ne travaillaient visiblement qu'à l'en écarter; que si l'on était une fois rassuré sur les véritables intentions de S. M., je croyais que Bonaparte ne trouverait aucun appui en France, et que je ne doutais pas qu'il n'échouât complètement dans son entreprise.

séquent il était indubitable que j'eusse participé à celui qui avait eu lieu.

Que je fusse mécontent, c'est ce que j'accorderai volontiers, et ce qui, je crois, était trèspardonnable dans ma situation; mais qu'à cause de cela, j'aye conspiré pour faire revenir Napoléon; c'est ce que je nie, et ce qui est de toute fausseté.

Long-temps auparavant, et sous le Gouvernement de Napoléon lui-même, j'avais eu beaucoup de sujets de mécontentement; je m'étais élevé avec toute l'énergie dont j'étais capable, contre son projet déclaré de monter sur le trône, après avoir promis si solennellement de défendre la liberté; et l'on sait qu'au Tribunat, j'avais manifesté mon opinion à ce sujet (1), aussi franchement que je l'ai fait ensuite sous le Gouvernement royal, lorsque j'ai vu qu'on

(1) Comment peut-on présumer que j'aye voulu favori ser le retour de Bonaparte, et contribuer à rappeler sur le trône celui contre l'élévation duquel je m'étais si fortement prononcé, lorsqu'il y monta pour la première fois ; celui duquel j'avais dit, dans l'ouvrage même dont on se plaint, tant de choses qui paroissaient me fermer la porte à toute réconciliation ?

Loin que cette Brochure ait pu, en aucune manière, disposer les esprits en faveur de Napoléon, il ne faut que

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