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intérêt si mince, ce qui n'est évidemment qu'une affaire d'ordre public; et la preuve que la Police l'a réellement regardée comme étant de son ressórt, c'est qu'elle a effectivement arrêté les distributeurs de cet ouvrage, et qu'elle les a ensuite relâchés, sans que j'aye eu connaissance de ses motifs.

J'ajouterai que cette affaire m'a paru toujours si pitoyable, que je n'ai pas seulement pris la peine d'en connaître le détail; que c'est dans mon exil seulement que j'ai été informé qu'il y avait eu des mutilations, des falsifications, telles qu'on a pu se les permettre, je ne sais à quelle intention, et sur lesquelles on peut interroger les libraires eux-mêmes (1).

Mais ce n'en fut pas moins, dit-on, cet écrit qui échauffa les têtes l'année dernière : sans lui personne peut-être n'aurait osé réclamer contre les mesures des agens du Gouvernement.

Ce n'était point ainsi que s'exprimaient dans le temps certains écrivains. A les entendre, il n'y avait rien de plus insignifiant que cet ouvrage, rien de moins propre à faire im

(1) Il y avait déjà dans les premières éditions, des lacunes et des contre-sens que je n'aurais sûrement pas laissé subsister si c'eût été moi qui eusse fait imprimer l'ouvrage.

pression; ce n'était qu'un tas de fausses allégations, de raisonnemens absurdes présentés de la manière la plus insipide. Qu'est-ce donc qui a pu donner ensuite tant d'importance à cet écrit, si ce ne sont les diatribes de ces écrivains eux-mêmes ? Qu'est-ce qui a pu donner envie de le lire, si ce n'est leur acharnement à le dénigrer ? Certes, s'il était des hommes à poursuivre pour les maux qu'ils ont faits par leurs écrits, ce serait bien ceux-là; ce sont bien eux qui ont multiplié les ennemis du Gouvernement et amené la crise, en exaspérant les esprits déjà inquiets, et en lui prê tant les intentions odieuses dont ils étaient seuls animés.

C'était précisément pour ne pas donner trop de consistance à cet écrit, en annonçant néanmoins des vérités importantes, que j'avais voulu garder l'anonyme, et je n'ai été connu pour auteur de Fécrit que par la dénonciation qui en fut faite à la Police. Il ne devait point porter le titre de Mémoire adresse au Roi, mais celui de Caractères d'une juste liberté et d'un pouvoir légitime ; et c'est sous ce dernier titre qu'il avait été livré à l'impression lorsqu'il fut dénoncé. Ces précautions en eussent fait disparaître ce que le mode de pu

blication a pu faire trouver inconvenant (1). Ce

(1) Les personnes qui ignorent pourquoi et comment le Mémoire fut adressé au Roi, ont dû trouver que dáns la forme il manquait aux convenances, ce qui serait sûre→ ment un tort grave. Mais lorsqu'on saura que cet ouvrage devait paraître sous un titre différent; qu'il devait rester anonyme; qu'ayant été arrêté par la Police, ce ne fut que sur l'invitation de M. le Directeur de la Police générale qu'il lui fut adressé pour être remis à S. M. ; qu'alors même, par respect pour sa personne, j'en supprimai plusieurs passages qui me parurent pouvoir être retranchés, sans qu'en pût m'accuser d'avoir changé le caractère de l'ouvrage ; on sera convaincu que ce manque de convenance est l'effet de circonstances indépendantes de ma volonté. Si j'eusse écrit ce Mémoire dans l'intention de l'adresser effectivement au Roi, personne, je pense, ne peut douter que je ne l'eusse revêtu des formes qu'impose son auguste caractère. On pourra juger de mes dispositions à cet égard, par la lettre ci-jointe que j'écrivis à M. le Directeur de la Police générale, en lui envoyant le Mémoire qu'il m'avait demandé pour le remettre à S. M.

MONSIEUR LE COMTE,

Paris, 25 juillet 1814.

Le but que je me suis proposé dans l'Écrit dont Votre Excellence me demande la copie, pour la mettre sous Jes yeux du Roi, et que j'ai l'honneur de vous adresser, a été d'instruire S. M. de l'inquiétude générale qui règne dans les esprits, et de lui en faire connaître la véritable Votre Excellence n'est sans doute pas à s'aper

cause.

n'était que la réunion de quelques fragmens d'un écrit plus considérable que j'avais voulu

-

cevoir que cette inquiétude est le résultat nécessaire de la crainte très-naturelle de voir renaître de leurs cendres, nos discordes civiles. L'enthousiasme qui eut lieu dans toutes les classes de la société, l'élan de tous les cœurs vers le Roi, lors de sa rentrée en France, semblaient être de sûrs garans de la réunion de tous les esprits. - Monsieur, Comte d'Artois, avait préparé cet heureux événement, par l'assurance qu'il avait donnée, au nom du Roi, que tout était oublié ; que S. M. ne vou lait voir que des enfans dans tous les Français ; que toutes les places, que tous les honneurs seraient conservés à ceux qui en jouissaient.-S. M. avait elle-même confirmé ces promesses par son Ordonnance du 2 mai. Tous les Français crurent que l'on pouvait compter sur un oubli généreux qui leur avait été si solennellement promis; aussi la joie publique ne fut-elle altérée par aucun nuage. Comment arrive-t-il donc qu'une inquiétude générale ait-succédé à d'aussi heureuses dispositions ? c'est que ceux qui ont pris une part plus ou moins active à la révolution, se voient, par suite des mesures déjà prises, menacés d'être dépouillés de leurs emplois, d'être rangés dans une classe proscrite, de n'être plus considérés sur leur sol natal, eux et leurs familles, que comme de véritables îlotes. — La proscription n'a pesé jusqu'à présent que sur les conventionnels, que l'on nomme votans, et sur les personnes qui leur tiennent par des liens d'amitié ou de famille; mais dès que c'est le vote qu'ils ont émis qui les fait proscrire, la proscription s'étendra nécessairement bientôt sur ceux

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entreprendre les circonstances me déterminèrent à les publier, sans chercher à y

sens,

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qui auront provoqué ce vote par leurs adresses, ou qui l'auront confirmé par leur adhésion, et ceux-ci composent au moins les trois quarts et demi des Français. — Il y a peu de Communes qui n'aient fait des adresses en ce soit pour provoquer le vote tel qu'il a été émis, soit pour en féliciter la Convention. -Toutes ces adresses étaient signées individuellement; toutes étaient menaçantes; toutes s'exprimaient dans des termes plus ou moins violens; et ces adresses existent; elles furent imprimées dans tous les papiers publics. Les signataires d'adresses, leurs enfans, leurs proches peuvent donc avoir des craintes fondées sur le sort qui les attend, et jusqu'à ce que ces craintes aient cessé, la fermentation ne peut être calmée. - Or ces craintes ne peuvent cesser, Monsieur le Comte, vous devez en être convaincu, que par la réalisation non douteuse des promesses faites par le Roi, promesses, au surplus, qui auraient été dictées par une bonne politique, lors même qu'elles n'auraient pas été dans le cœur de S. M. L'oubli seul du passé pouvait en effet concilier tous les intérêts, réunir tous les Français dans l'amour du Roi. - Comme bon Français, moi-même, j'ai dû chercher le moyen de faire parvenir la vérité jusqu'au trône; il ne dépend que du Roi de ramener la sécurité dans les esprits; il lui suffira d'assurer le maintien de sa parole sacrée. Sa Majesté verra dans l'instant même se réaliser le vœu de son cœur; tous les Français s'empresseront de lui manifester leur amour et de se dévouer à son service. - J'ai l'honneur d'être.....

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