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de nouveau, & à les placer dans leur vrai "jour. Tel eft en général le système des connoiffances dans les animaux; tout y ,, dépend du même principe, le befoin; tout s'y exécute par le même moyen, la liaifon des idées.

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Si ce qu'on vient de lire étoit la defcri• ption poétique d'un rêve, peut être la pasferoit-on; mais la donner pour l'explication de la formation du fyftème des connoiffan'ces dans l'ame des bêtes, c'eft exiger que l'on fe contente de paroles, lorsqu'on s'attend à des raifons tirées, de l'obfervation. Le befoin eft le deffinateur des idées; la liaifon des idées, c'eft leur révolution de tourbillon autour du befoin, qui eft, ou un foyer des ellipfes, ou le centre des circonférences qu'elles décrivent. L'admirable hypothèse! M. de Buffon a dû fe réjouir en li fant ce paffage; il y aura vû que, quelque mépris qu'on témoigne pour fa manière de traiter les objets philofophiquement, on revient pourtant à fe modèler fur lui, lorsqu'il faut parler & que la lumière manque.

Nous ne fçaurions entrer dans les détails, quoique très intéreslans, qui concernent le talent d'invention dans les animaux, leur langage, & ce fameux inftinct, fur lequel il eft fi difficile de dire quelque chofe de fatisfaifant. M. de C. l'explique par deux moi dans chaque homme, (imitation affez marquée de l'homme double de M. de B.) un moi

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d'habitude & un moi de réflexion. L'instinct n'elt que l'habitude privée de réflexion. Ce pendant, ,, les bêtes l'acquièrent en réflé. , chiflant; il eft engendré par le moi de rés flexion; mais comme elles ont peu de be foins, le tems arrive bientôt où elles ont fait tout ce que la réflexion a pû leur ap prendre; il ne leur refte qu'à répéter tous , les jours les mêmes chofes; elles doivent donc enfin n'avoir que des habitudes, elles doivent être bornées à l'inftinct." Mais au contraire, tout ce que nous voyons exécuter aux animaux, nous apprend que l'inftinct prévient en eux toute apparence de réflexion. On en a produit des exemples ci- deffus; il eft aifé d'en augmenter le nom bre. L'antipathie des chats pour les rats eft-elle le fruit des études & des réflexions? L'abeille médite-t-elle pour apprendre à voler, à faire les différentes récoltes, à les mettre en ufage? Est-ce encore la réflexion qui apprend aux petits des quadrupèdes l'art de fucer les maminelles de leur mère, pour en tirer le lait ? Art plus compliqué qu'on ne s'imagine, & qui demanderoit de la part d'une ame chargée de l'inventer, la connoiffance d'un des plus beaux principes de Phyfique qu'on ait découvert dans le fiècle dernier.

D'ailleurs, d'où viendroit la fureté de l'in finct dans les animaux, s'il étoit le fruit d'habitudes contractées par la réflexion, car ces réflexions pourroient être bonnes, ou

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mauvaises, & l'habitude en prendroit né ceffairement la teinte; à moins qu'on ne veuille dédommager les bêtes du petit nombre de réflexions auxquelles on les borne en leur accordant la prérogative de n'en fai re que de juftes, fi l'on veut que leur inftinct ne les trompe jamais. Mais alors elles feroient des intelligences inacceffibles à l'er reur; ce qui leur donneroit un grand avan tage fur nous. M. de C. nous en accorde pourtant beaucoup fur elles, jusqu'à préten dre que nos ames différent effentiellement des leurs.

LETTRE XXXIH. C'eft de cette det nière prétention qu'il s'agit à-préfent. En quoi diffère l'homme de la bête ? N'eft ce que du plus au moins? L'Abbé, après avoir remarqué que, pour marquer les diffé rences des Etres doués de connoiffance nous n'avons que des idées vagues, & des expreffions figurées, plus, moins diftantes, &c. après avoir déclaré que l'effence des choles nous eft totalement inconnue, & que nous ne pouvons les connoitre que par leurs opé rations; il s'explique en ces termes. De la feul, (c'eft-à-dire, de ces opéra ,, tions, ) il faut conclure qu'ils différent par ,, leur effence; celui qui a le moins, n'a pas

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Jans doute dans fa nature de quoi avoir le " plus. La bête n'a pas dans la nature de ,, quoi devenir homme, comme l'Ange n'a , pas dans fa nature de quoi devenir Dieu.” Le Cenfeur trouve que le parallèle renfermé

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dans ces paroles manque de jufteffe & de décence. Il est bien démontré qu'il eft impoffible qu'un Ange devienne Dieu; mais il ne l'eft pas qu'une fubftance angélique S créée pour être unie à un corps humain, ne pût être un homme tel que nous; & s'il étoit conftant que les bêtes ont des ames, il ne feroit pas encore démontré que l'ame du ver, du coufin, étant affociées par le Créateur à un corps humain, au lieu de l'être à un animal aflé, ne fit pas une perfonne, telle que nous.

L'homme & la bête ne diffèrent que du plus au moins; & de cela on veut conclure qu'ils different par leur effence. La conféquence n'a point de liaison avec le fait dont on la tire: auffi tâche-t-on d'y en mettre une par cette réflexion; celui qui a le moins, il eut falut dire, celui qui eft borné effentiellement au moins, n'a pas fans doute dans fa Dature de quoi avoir le plus. La maxime ainfi entendue, eft indubitable; & elle est très-fauffe fans cette reftriction: autrement on en inféreroit que l'homme imbécille, réduit au moindre dégré d'intelligence, & qui paroit en avoir moins que le finge, n'aïant pas fans doute dans fa nature, de quoi avoir le plus de l'homme fenfé, ou du finge, dif fère effentiellement de l'un & de l'autre. Il faudroit dire auffi que l'ame d'un Eléphant diffère effentiellement de celle d'un Rhinocéros, ou plutôt que les ames dans deux efpèces diffèrent effentiellement. Leur effen

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će fera ainfi déterminée par les fonctions attribuées à chaque efpèce; les chats auront des ames différentes de celles des rats, en ce que les unes feront déterminées par leur nature à faire la guerre aux rats, & cellesci déterminées à craindre & à fuir de fi mortels ennemis.

Quelles font d'ailleurs les différences que M. de C. voit entre les procédés de l'homme & ceux des animaux, & fur lesquelles il établit entr'eux une diverfité d'effence? Elles paroiffent toutes accidentelles. Tout vient des difpofitions plus ou moins avantageufes de la machine, & de ce que dans les bêtes les organes du cerveau font difpofés de manière, que les occafions de leurs befoins & de leurs connoiffances font peu multipliées. Il y a plus; dans le fyftème de l'Abbé les ames des animaux font non feulement des abstractions, mais elles en font beaucoup, elles raisonnent profondément, elles font capables de rentrer en elles-mêmes, de fe connoitre, & de connoitre Dieu. On le prouve ici au long; & l'on en conclut, qu'une telle ame eft fufceptible de toutes les connoiffances qu'il plaira au Créateur de lui communiquer; qu'elle n'a rien dans fa nature, qui borne l'action du Tout - puiffant, & qu'elle ne deviendroit point un Etre contradictoire, fi on lui fuppofoit des idées de Dieu, ou des idées morales.

LETTRE XXXIII. L'Abbé de C. examine comment l'homme fe forme les idées moTom. XIV. Part. II.

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