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corps que par la foi. Ni la foi, ni la raifon, he rendent certains de l'existence des corps dans l'efprit de l'Abbé de Condillac. Non la railon; car nous n'appercevons l'étenduë que dans nos fenfations, & n'y en eut-il point ailleurs, tout ce que nous pourrions dire, c'eft que les corps font des Etres qui occafionnent en nous des fenfations, & qui ont des propriétés, Jur lesquelles nous ne faurions rien affarer. Quant à l'Ecriture, elle ne décide rien à ce Jujet. Elle Juppoje les corps étendus, comme elle les juppoje colorés, fonores, &c. Et certainement c'est là une de ces questions que Dieu a voulu abandonner aux Philofopbes. Mais, quand les Livres facrés nous difent que Dieu à créé le Ciel, la Terre, le Soleil, la Lune, les Etoiles, &c. ce n'eft pas de nos fenfations qu'ils nous par lent, c'eft des objets de ces fenfations, qui ont par conféquent une exiftence réelle hors de nous. Les Matérialistes peuvent tirer de grands avantages de la doctrine de M. de C. puisqu'elle met la réalité des trois dimenfions dans l'ame, ces dimenfions n'étant que les groupes de nos fenfations. Car, fi la feule étendue que notre ame conçoit, lui appar tient, l'ame elle-même est étendue, & les Matérialistes n'exigent point d'autre aveu.

LETTRE XXXI. II eft affez indifférent au Public de favoir fi l'Abbé a tiré du quatrième Tome de M. de Buffon l'idée de fon Traité des Senfations, ou s'il eft le créateur du fyftème qu'il y dévelope. Ce qu'il y a de certain, c'eft que ces deux Auteurs, mais

M.

M. de Buffon le premier, ont expliqué de même la manière dont nous formons l'idée de l'étendue. L'homme de l'un, & la ftatu de l'autre, font les mêmes épreuves. D'ail, leurs l'un & l'autre ont des reproches également fondés à fe faire; M. de C. à M. de B. de ce qu'il donne à la machine une qua lité effentielle aux efprits, la fenfibilité; & celui-ci à fon Cenfeur, de ce qu'il accorde à l'ame ce qui convient uniquement à la machine, les trois dimenfions.

: L'Abbé prouve bien que fi les animaux ont des fentations, elles font des modifica tions d'une ame fimple, & ne peuvent l'être d'aucune portion de la matière. Mais il ne prouve pas auffi évidemment que les bêtes fentent véritablement ce qu'elles paroiflent fentir. Qu'elles aient une ame néceffitée ou réduite à la fpontanéité, comme il veur que foyent les leurs, ou qu'elles n'en n'aient point, tous leurs mouvemens feront opérés par la toute puiffance du Créateur, & les occafions de ces mouvemens feront fpécifiées dans la machine. D'où s'enfuit qu'une ame, dans les animaux, feroit comme une rouë furnuméraire dans une montre.

On fonde l'exiftence de l'ame des bêtes fur la parité qu'il doit y avoir entre la perfuafion où nous fommes que nos femblables, les autres hommes, ont une ame comme nous, & celle qui nous conduit à en donner une aux bêtes. Mais cette parité n'exifte point. Tout homme qui refuferoit des ames

à

à fes femblables, pafferoit à bon droit pour extravagant; au- lieu qu'on ne qualifiera ja mais du même titre ceux qui, comme le Cardinal de Polignac, ne prennent aucun parti fur la question de l'ame des bêtes. Il eft vrai qu'on ne doit pas refufer fa créance à tout ce qui n'est pas appuyé fur quelque démonftration, & que le commerce entier de la vie roule fur des vraisemblances; mais faut-il pour cela fe livrer à toutes les vrais femblances, & eft on toujours obligé à prendre un parti? Il demeure d'ailleurs une énorme différence entre la manière dont nous jugeons des autres hommes, & les ir réfolutions que nous éprouvons, lorsqu'il faut fe déterminer fur la nature des ani. maux. L'Abbé de C. a-t-il raifon d'être fi délicat, fi circonfpect, lorsqu'il est question de croire fur le témoignage unanime, quoi. que non uniforme, de tous les fens, que fon corps a des dimensions réelles au dehors de fon ame, ainfi que tous les autres objets dont il eft environné; tandis que, fur une comparaison très exacte, fur des apparen ces de fenfations, il conclut affirmative. ment que les bêtes ont des ames fenfibles? Comment n'a-t-il pas réfléchi que, dans fon système, les corps des animaux n'étant comme tous les autres corps, que des groupes de fes propres fenfations, les apparen. ces de leurs procédés ne font que des modes de la substance, & ne démontrent rien par rapport à ce qui eft, ou à ce qui peutêtre au dehors de fon ame?

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LET.

LETTRE XXXII. Les animaux n'agise fent, suivant l'Abbé, qu'après avoir rétléchi, comparé & profondément étudié; c'elt une fuite de découvertes qui les dirige; ils apprennent fucceffivement, qu'ils ont un corps, & quels font les ufages auxquels ils peuvent en appliquer les différens organes. L'expérience paroit directement contraire à ces affertions. Un poulain à peine né fe reléve fur fes jambes; un poulet encore renfermé dans la coque fe fait avec adreffe, à coups de bec, une iffue pour entrer dans le monde; un petit chien cherche & trouve les mammelles de fa mère fans le fecours de fes yeux; une chenille nouvellement éclofe, fe promène fur la feuille d'où elle doit tirer fa fubfiftance, & fait la prendre; un coufin aïant rompu par le dos fon envelope de nymphe, en fort en ligne verticale, déploye fes afles, les fecouë, prend promptement fon vol, fans donner la moindre. marque qu'il ait fait de profondes études fur la méchanique de fes aîles, ni fur le moyen de battre l'air, ou. de s'y élever, en tai anc ufage de ces rames admirables: on le voic s'y foutenir, le traverfer, fans héfiter, fans faire d'effai, comme s'il avoit la connoiffan ce infufe de l'art de voler. En un mot, tout ce que nous voyons de la part des animaux, nous porte à penfer qu'au moment de leur naiffance leur corps ne leur eft point étran ger. Et je conçois tout auffi peu, ajoûre l'Auteur des Lettres, comment leur ame

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s'ils

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s'ils en ont une, pourroit les convainere de l'existence de leur corps, que j'ai com ,, çu comment l'admirable ftatuë du Traité des Senfations, eft parvenue à appren dre l'existence du fien. ".

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M. de C. tombe dans le défaut qu'il repro. che à M. de B. Aux preuves il fubftitue des mots, des phrafes, des images poétiques. En voici un échantillon bien fingulier.,,Les idées, dit l'Abbé, forment, pour ainfi dire, dans la mémoire, des tourbillons ,, qui fe multiplient comme les befoins. ,, Chaque befoin est un centre d'où le mou vement fe communique jusqu'à la circonférence du tourbillon d'idées. Les tour. billons font alternativement fupérieurs les uns aux autres, felon que les befoins deviennent tour à tour plus violens. Tous font leur révolution avec une variété é. tonnante; ils fe preffent, ils fe détruifent, il s'en forme de nouveaux, à me. fure que les fentimens auxquels ils doi vent toute leur force, s'affoibliffent, s'é,, clipfent; ou qu'il s'en produit qu'on n'avoit pas encore éprouvés. D'un inftant à l'autre, le tourbillon qui en a englouti plufieurs, eft donc englouti à fon tour, & tous fe confondent. Auffitôt que les befoins ceffent, on ne voit plus qu'un ca,, hos; les idées paffent & repaffent fans ordre; ce font des tableaux mouvans, qui n'offrent que des images bifarres & imparfaites; & c'eft aux befoins à les deffiner

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