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un voyage tous les deux ans ; & à chaque voyage ils y féjournoient quelques mois.

Nicole Pitbou étant revenu à son ordinaire à Troyes en 1598. y mourut au mois de Juin, fans poftérité. Il laiffa une Bibliothèque nombreufe & bien choifie. On garde à la Bibliothèque du Roi une grande partie des Lettres que Pierre Pitbou, & lui s'écrivoient, principalement pour des emplettes de Livres.

Jean Pitbou furvécut quatre années à fon cher frère. Il mourut à Laufanne, le 18. Février, 1602. Il avoit eu comme ainé, dans la fucceffion de fon père, fa Bibliothè que, fes Recueils, & toutes les Collections. qu'il avoit formées fur la Jurisprudence, la Littérature & l'Hiftoire. L'agitation & le mouvement presque continuels, dans lesquels lui & fon frère paffèrent la meilleure partie de leur vie, ne leur permit pas de mettre à profit les richeffes amaflées par leur père. Ces richeffes confervées par leurs foins trouvèrent depuis dans Pierre & Fran fois Pitbou, deux hommes qui fçurent les faire valoir.

Parmi les MSS. de la compofition de Nicole Pitbou, il y avoit un morceau très inté reflant, qui fe conferve auffi à la Bibliothè que du Roi. C'eft une Hifloire Jéculière & ecclefiaftique de la Ville de Troyes en Cham pagne, & de la reflauration du pur Service ce Dieu, & de l'ancien Minifière dans la ditę Eglife. L'Auteur avoit raffemblé dans cette Hiftoire tous les faits qui ont rapport au

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progrès, à la décadence, & à l'extinction du Calvinisme à Troyes; & il avoit eu luimême beaucoup de part à une partie des cvènemens qu'il rapporte. Mais hâtons-nous. de venir au grand perfonnage dont M. Grosley a fait fon premier objet.

PIERRE PITHOU nâquit à Troyes le 1. Novembre, 1539. Il étoit, comme on l'a vù, l'ainé des enfans que Pierre Pithou eut de fon fecond mariage. Une fanté extrèmement délicate, de fréquentes maladies, firent longtems craindre pour fon enfance. La vivacité de fon efprit ajoûtoit à ces craintes; elle ne laiffoit point de repos à fon corps, & l'expofoit à tous les accidens que la pétulance du premier âge fait csfuyer aux enfans. Le père fut pourtant cap tiver l'extrème vivacité de fon fils; il culti- .va les dispofitions qu'il montroit dès l'en. fance pour l'étude: dans l'âge où les enfans ordinaires fçavent à peine lire, le jeune Pithou poffédoit déjà les premiers élémens du Latin, du Grec, & même de l'Hébreu. Après des leçons domeftiques il fuivit les exercices de Troyes, & alla enfuite achever fes études à Paris, au Collège de Boncourt, dont Pierre Galland, êtoit alors Principal. Turnebe y fut le maître, & devint bientôt l'ami de M. Pithou, qui puifa dans fes leçons ce goût pour la faine Antiquité, qu'il répan dit depuis dans toutes fes productions.

De retour à Troyes, il fe détermina pour le Barreau. Cujas enfeignoit alors à

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Bourges. Pitbou s'y rendit; & l'étude qu'il fit des Loix Romaines fous ce grand Maître, un travail opiniâtre & fans relâche, un efprit auffi vafte que jufte, le mirent bientôt au niveau de fes Condisciples, c'eft-à-dire, de cette foule de grands Magiftrats, & de Juris confultes éclairés, qui fortoient tous les jours de l'Ecole de Cujas. Antoine Loyfel de Beauvais fut celui qu'il fe choifit particulièrement pour ami; & leur union, formée par une petite avanture que le hazard fit naître, deint inféparable.

En 1559. Pitbou étant prêt à quitter Valence, où Cujas avoit transporté fon domiçile, foutint une Thèse, où il avoit réduit en quarante Axiomes une partie des matières de Droit les plus intéreffantes, & les plus difficiles. Il étoit encore fur les bancs, lorsqu'il découvrit l'Ouvrage d'un ancien Juris confulte, qui avoit entrepris de conférer les Loix de Moife avec les Romaines; ouvrage, qui indépendamment de fon objet, étoit intéreffant, par les lumières qu'il donnoit fur Ja Jurisprudence du fiècle où avoit vécu fon Auteur. M. Pithou fit hommage à Cujas de cette première découverte; & celui-ci, en l'employant dans le x111. Livre de fes Obfervations, faifit cette occafion d'inftruire le Public des rares talens de fon digne Disciple.

Prévenu par une réputation déjà brillante, M. Pitbou âgé de 21. ans, fe préfenta en 1560. au Barreau du Parlement de Paris. Il écouta longtems avant que de vouloir par

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ler, & fe forma dans le filence, à tous les ufages de la procédure. Il travailloit en même tems en grand dans fon Cabinet fur toutes les matières qu'embraffe la profesfion d'Avocat ; fur lesquelles perfonne n'a jamais formé des Recueils plus exacts & mieux fournis. La plaidoirie n'eut point d'attraits pour lui: il avoit une timidité na turelle, incompatible avec l'exercice de la parole. Mais le Public regagnoit avec ufure dans fes Confultations ce qu'il perdoit au Barreau: il ne fortoit rien que de fini du' Cabinet de M. Pitbou.

Joignant comme il le faifoit, aux talens de fa profeffion, l'amour des Belles Lettres, le goût de l'Hiftoire, & une vraye paffion pour les Monumens de l'Antiquité, il réü. nit tous ces genres dans le premier Ouvrage qu'il donna au Public fous le titre d'Adverfaria fubfeciva; imprimé d'abord en 1565. à Paris chez Jean Borelli, enfuite avec des corrections à Bâle chez Parna, en 1575. Ces Mêlanges partagés en deux Livres renferment quarante Differtations fur différentes matières de Jurisprudence, de Littérature, de Critique & d'Hiftoire. Les Coryphées de la Littérature, les Turnebes, les fuflesLipfes, les Scaligers, &c. admirèrent dans. cet Effai le chef-d'œuvre d'un Maître confommé dans la connoiffance de l'Antiquité. Cujas fut ravi de ce fuccès; & il en parle dans fa Dédicace de l'Edition du Code Théodofien qu'il donna en 1566. où il encadra N 4

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l'Eloge de M. Pithou, de fon frère, de fon père, & de toute fa famille; éloge dicté par Ï'eftime & par la plus tendre amitié.

Les feconds troubles de Religion qui éclatèrent en 1567. engagèrent M. Pithou à quit ter Paris, où il ne retourna qu'en 1570. Ce fut pendant cet intervalle que le Duc de Bouillon le chargea de la reduction des Coû tumes de Sedan; commiffion qui l'élevoit au rang des Légiflateurs. La Coûtume qui régit encore aujourd'hui la Ville & le Balliage de Sedan, ett fon Ouvrage. De Troyes, où il s'étoit d'abord téfugié, M. Pitbou paffà en 1568. à Bâle, où il demeura deux ans. Il y infpira à Perna, célèbre Imprimeur, le desfein de raffembler en un corps, & de donner au Public, toutes les Pièces Latines qu'il feroit poffible de raffembler fur l'Hiftoire moderne d'Allemagne, depuis le Règne de Fréderic premier. En effet l'Histoire de cet Empereur, écrite en Latin par Othon de Frifingue, Auteur contemporain, parut en 1569. ornée d'une Epitre Dédicatoire, par laquelle M. Pitbou s'empreffa de s'acquitter envers Cujas, des éloges dont il venoit d'être comblé de fa part. On fut encore redevable au féjour de M. Pitbou à Bâle, & au loifir dont il y jouiffoit, d'une Edition de l'hiftoire de Paul Diacre, beaucoup plus ample & plus correcte que toutes celles qui avoient paru jusqu'alors. 11 la fit faire fous fes yeux fur un MS. de la Bibliothèque du fçavant Bafile Amerbach, à qui l'Editeur la dédia.

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