DORANTE. Pourquoi? LISETTE. Si monsieur vous trouvoit? Songez donc où vous êtes! DORANTE. Bon! m'a-t-il jamais vu ni de loin ni de près? LISETTE. Vous le dirai-je? Eussiez-vous cent fois plus d'audace et de manège, Je ne sais trop comment vous pourrez l'obtenir. DORANTE. Oh! je le sais bien, moi. Mon père m'idolâtre: Il n'a que moi d'enfant : je suis opiniâtre : Je le veux. Qu'il le veuille. Autrement, (j'ai des mœurs) Je ne lui manque point; mais je fais pis. Je meurs. LISETTE. Mais si le grand procès qu'il a... DORANTE. Qu'il y renonce; Le père de Lucile a gagné. Je prononce. LISETTE. Croyez-vous donc, monsieur, vous seul avoir un père? Le nôtre y voudra-t-il consentir? Quand je t'en vois douter, tu me perces le cœur. LISETTE. Je vous l'ai dit cent fois; c'est une nonchalante Une idole du nord, une froide femelle, Qui voudroit qu'on parlât, que l'on pensât pour elle; Et sans agir, sentir, craindre ni désirer, N'avoir que l'embarras d'être et de respirer. Et vous voulez qu'elle aime! Elle avoir une intrigue! DORANTE. Enfin depuis un mois, sachons où nous en sommes. LISETTE. Elle aime éperdument ces vers passionnés, Que votre ami compose et que vous nous donnez; Que ces vers sont de vous et qu'ils sont faits pour elle. DORANT E. Qu'ils sont de moi! Mais c'est mentir effrontément. LISETTE. Eh bien! je mentirai; mais j'aurai l'agrément DORANTE. Lucile en est encore à savoir que je l'aime ! LISETTE. Eh non! vous dis-je, non; vous auriez tout gâté : Il a fallu d'abord préparer toutes choses; L'induire à se vouloir baisser pour en cueillir. D'aise, en lisant vos vers, je la vois tressaillir, Elle n'a plus l'esprit maintenant occupé Que des bords du Lignon, des vallons de Tempé, - J'ai cru devoir mener tout doucement son cœur DORANTE. C'est une églogue aussi qu'on lui prépare encore Damis! LISETTE. DORANTE. L'auteur des riens dont on fait tant de cas. Et sa rencontre ici, tout franc, ne me plaît pas. LISETTE. Celui que nous nommons monsieur de l'Empyree? DORANTE. Oui; son talent, chez nous, lui donne aussi l'entrée ; Un peu plus que ma mère, et presque autant que moi. LISETTE. Laissons là son églogue. DORANTE. Ah soit! je l'en dispense. Sur un pareil emprunt, tu sais comme je pense. LISETTE. Monsieur de Francaleu ne vous connoît pas? DORANTE. LISETTE. Non. Faites-vous présenter à lui sous un faux nom. DORANT E. Il faut lui déguiser la raison qui m'attire. LISETTE. La fureur du théâtre en est une à lui dire. Désirez de jouer avec nous. Justement Quelques acteurs nous font faux bond en ce moment.... DORANTE. Qui-dà, je les remplace, et je m'offre à tout faire. LISETTE. A la pièce du jour rendez-vous nécessaire, DORANTE. Voici notre poëte. Adieu. Retire-toi. |