DORANTE. Vous. Plus je souffrois, plus je vous voyois rire. DAMIS. De ce qu'innocemment la belle, malgré vous, DORANTE. Non. Mais de la noirceur de cette âme cruelle, DAMIS. Ah! ce mot échappé me fait enfin comprendre... DORANTE. Songez vite au parti que vous avez à prendre. Dorante! DAMIS. DORANTE. Vous voulez temporiser en vain. Renoncez à Lucile, ou l'épée à la main. DAMIS. Opposons quelque flegme aux vapeurs de la bile. DORANTE. Oh! je vois qu'un versificateur Entend l'art de rimer, mieux que le point d'uneur, DAMIS. C'en est trop. A vous-même un mot eût pu vous rendre. Je ne le dirois plus, voulussiez-vous l'entendre. M. FRANCALEU, DORANTE, DAMIS. M. FRANCALEU, prenant Dorante par le bras et ne le inchant plus. EH! venez donc, monsieur; depuis une heure Je vous cherche partout, pour vous lire mes vers. DORANTE. A moi, monsieur? M. FRANCALEU. A vous. DAMIS, à part. Autre esprit à l'envers! M. FRANCALEU. Vous désirez, dit-on, ce petit sacrifice? DORANTE. Et qui m'a, près de vous, rendu ce bon office? C'est Lisette. M. FRANCALEU. DORANTE, à Damis. C'est vous qu'elle veut servir. M. FRANCALEU. Lui! Il voudroit qu'on fût sourd aux ouvrages d'autrui. DAMIS. Loin de l'en détourner, c'est moi qui l'y convie. DORANTE, à Damis. Je lis dans votre cœur, et je vois votre envie. M. FRANCALEU. Vous dites bien; l'envie! Oui, c'est un envieux, DAMIS. Mon ami, par bonheur, est là pour me défendre. DORANTE, bas, à Dami‹. Vous osez m'attester? DAMIS, bas, à Dorante. Je songe à votre amour, Songez, si vous voulez, à faire votre cour. M. FRANCALEU. On me voudroit pourtant assurer du contraire. DAMIS. Lisez, et qu'il admire; il ne sauroit mieux faire. DORANTE, bas. Tu crois m'échapper? Mais... DAMIS, à M. Francaleu. A esoin maintenant D'autant plus que monsieur peu de belle humeur. M. FRANCALE t un gros cahier de sa poche. Ah! quelque humeur qu'il ait, il faudra bien qu'il rie : Et pour cela d'abord je lis ma tragédie. DAMIS. Rien ne pouvoit pour lui venir plus à propos. M. FRANCALEU. Pourvu que les fâcheux nous laissent en repos. Dès que vous le pourrez, songez à disparoître. Je vous attends. (Il s'en va.) M. FRANCALEU, Eh quoi! vous n'en voulez pas être ? Je ne vous quitte point. DAMIS, L. Francaleu. Monsieur, excusez-moi, J'aime et c'est un état où l'on n'est guère à soi. Par la même raison... SCÈNE XI. M. FRANCALEU, DORANTE. M. FRANCALEU, le retenant. LAISSEZ, laissez de grâce! Il en veut à ma fille et je serois charmé Qu'il parvint à lui plaire e qu'il en fût aimé. DORANTE. Oh! parbleu qu'il vous aime, et vous et vos ouvrages! M. FRANCALEU, Comme si nous avions besoin de ses suffrages? DORANTE. Le mien mérite peu que vous vous y teniez. M. FRANCALEU Je serai trop heureux que vous me le donniez. DORANTE. Prodiguer, pour moi seul, le fruit de tant de veilles? M. FRANCALEU. Moins l'assemblée est grande, et plus elle a d'oreilles. DORANT E. Si vous vouliez pour lui différer d'un moment? M. FRANCALEU. Non. Qui satisfait tôt, satisfait doublement. (Il láche Dorante pour tirer ses lunettes; Dorante s'évade, et M. Francaleu continue sans s'en apercevoir.) Et c'est le moins qu'on doive à votre politesse, (Il déroule son cahier, et lit.) LA MORT DE BUCÉPHALE. (Se retournant et ne trouvant plus Dorante.) Où diable est-il? Comment! On me fuit? Oh parbleu ! ce sera vainement. Je cours après mon homme; et s'il faut qu'il m'échappe, Et bénévole ou non, dût-il ronfler debout, FIN DU TROISIÈME ACTE. |