DORANTE. J'obtiendrai son aveu; rien ne m'est plus facile. LUCILE, tirant des vers de sa poche. L'auteur seul de ces vers a su toucher mon cœur : DORANTE, apercevant Damis. On nous écoute. LUCILE. Eh! c'est monsieur de l'Empyrée. Lisons-les lui ces vers : il en sera charmé. DORANTE, à part. Est-ce lui, juste ciel! ou moi qu'elle a nommé? Venez, monsieur, venez, pour qu'en votre présence, DORANTE. Madame, on fait grand tort à messieurs les poëtes, Et détournons nos pas de cet autre côté. DAMIS. Le plus grand tort, monsieur, que l'on puisse nous faire, Quelque distraction, dont je ne réponds pas, LUCILE. Votre façon d'écrire élégante et fleurie Allons, messieurs, passons sous ce feuillage épais, DORANTE, seul. Est-ce un coup du hasard, ou de leur perfidie? La plus grande où peut-être on ait jamais été. FIN DU SECOND. ACTE. ACTE TROISIÈME. SCÈNE I. DORANTE, seul, et ramassant des tablettes. QUELQU'UN regrette bien les secrets confiés A ces tablettes-ci que je trouve à mes pieds. (Il les ouvre.) ÉPITH ALAME. Ah! ah! j'en reconnois le maître. J'y pourrois bien aussi développer un traître... Lisons. SCÈNE II. DORANTE, LISETTE. LISETTE. SUIS-JE une fourbe? ai-je trahi vos feux? Le seul qu'on veut exclure, est-il si malheureux? Dès que je vous ai vu prêt d'aborder Lucile, Je me suis éclipsée, en confidente habile; Et je vous ai laissé le champ libre à l'instant. Eh bien! quelle nouvelle? En êtes-vous content? DORANTE. Ah! qu'elle est ravissante! et que ce tête-à-tête Oui, ce qu'en elle on nomme indolence et froideur, Redouble de mes feux la tendresse et l'ardeur. LISETTE. La dédaigneuse enfin s'est-elle humanisée? DORANTE. Tu me vois dans un trouble... LISETTE. Eh! vivez en repos. DORANTE. Ses grâces m'ont charmé; mais non pas ses propos. LISETTE. A-t-elle, avec rigueur, fermé l'oreille aux vôtres? DORANTE, Non. Mais j'aurois voulu qu'elle en eût tenu d'autres. LISETTE. Quoi? qu'elle eût dit: Monsieur, je suis folie de vous, DORANTE. Ayant fait de ma flamme un libre et tendre aveu, Dont le succès me rend de moins en moins tranquille, LISETTE. C'est qu'elle a cru parler à l'auteur. DORANTE Je ne sais. Mais elle a mis mon âme à de rudes essais. LISETTE. Les honnêtes soupçons! Rendez grâce, entre nous, Sans les ménagements qu'on doit à leur caprice, DORANTE. L'auteur seul de ces vers a su toucher son cœur! Un mérite étranger est cause que l'on m'aime; LISETTE. Que la délicatesse est folle en ses excès! Eh! monsieur, y faut-il regarder de si près? DORANTE. Tout ce que j'entrevois, de plus en plus m'effraie. Mais il est mon rival, et mon rival heureux. Théâtre. Com. en vers. 10. 6 |