Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]
[ocr errors]

MONDOR.

Oui je vous demande excuse.

Il est vrai que... le zèle... a manqué de... respect
Mais le passé rendoit l'avenir très suspect.

DAMIS.

Cent écus. Supposons. Plus ou moins, il n'importe.
Cà, partageons les prix que dans peu je remporte,

Les prix ?

MONDOR.

DAMIS.

Oui; de l'argent, de l'or qu'en lieux divers, La France distribue à qui fait mieux les vers. A Paris, à Rouen, à Toulouse, à Marseille, Je concourrai partout: partout ferai meryeille...

MONDOR.

Ah! si bien que Paris paiera donc le loyer;
Rouen, le maître en droit; Toulouse, le barbier;
Marseille, la lingère; et le diable, mes gages.

DAMIS.

Tu doutes qu'en tous lieux j'emporte les suffrages?

MONDOR.

Non; ne doutons de rien. Et sur un fonds meilleur
N'hypothéquez-vous pas l'auberge et le tailleur?

DAMIS.

Sans doute; et sur un fonds de la plus noble espèce.
Le théâtre François donne aujourd'hui ma pièce.
Le secret m'est gardé. Hors un acteur et toi,
Personne au monde encor ne sait qu'elle est de moi.
Ce soir même on la joue : en voici la nouvelle.
Mon talent à l'Europe aujourd'hui se révèle.
Vers l'immortalité je fais les premiers pas.
Cher ami! que pour moi, ce grand jour a d'appas!
Autre espoir...

MONDO R.

Chimérique.

DAMIS.

Une fille adorable,

Rare, célèbre, unique, habile, incomparable...

MONDOR.

De cette fille unique, après, qu'espérez-vous?

DAMIS.

Aujourd'hui triomphant, demain j'en suis l'époux.
Demain... Où vas-tu donc ? Mondor.

[blocks in formation]

Et pourquoi tout à coup suis-je indigne de l'être?

MONDOR.

C'est que l'air est, monsieur, un fort sot aliment.

DAMIS.

Qui te veut nourrir d'air? Es-tu fou?

[blocks in formation]

Ma foi, tu n'es pas sage : ch quoi? tu te révoltes
A la veille, que dis-je ? au moment des récoltes.
Car enfin rassemblons (puisqu'il faut avec toi
Descendre à des détails si peu dignes de moi),
Rassemblons, en un point de précision sûre,
L'état de ma fortune et présente et future.
De tes gages déja le paiement est certain.
Ce soir, une partie; et l'autre, après-demain.

Je réussis j'épouse une femme savante.

:

Vois le bel avenir qui de là se présente.
Vois naître tour à tour de nos feux triomphants,
Des pièces de théâtre, et de rares enfants.
Les aiglons généreux et dignes de leurs races,
A peine encore éclos voleront sur nos traces.
Ayons-en trois. Léguons le comique au premier,
Le tragique au second, le lyrique au dernier.
Par eux seuls, en tous lieux, la scène est occupée.
Qu'à l'envi cependant, donnant dans l'épopée,
Et mon épouse et moi nous ne lâchions par an,
Moi, qu'un demi-poëme; elle, que son roman :
Vers nous, de tous côtés, nous attirons la foule.
Voilà dans la maison l'or et l'argent qui roule;
Et notre esprit qui met, grâce à notre union,
Le théâtre et la presse à contribution.

MONDOR.

En bonne opinion vous êtes un rare homme,
Et sur cet oreiller vous dormez d'un bon somme;

Mais un coup de sifflet peut vous réveiller.

DAMIS, lui faisant prendre enfin le papier.

L'embarras où je suis mérite un peu d'égards.
Une pièce affichée, une autre dans la tête,
Une ou je joue, une autre à lire toute prête :
Voilà de quoi sans doute avoir l'esprit tendu.

MONDOR.

Dites un héritage et bien du temps perdu.

[merged small][ocr errors]

FIN DU PREMIER ACTE.

SCÈNE I.

M. BALIVEAU, M. FRANCALEU.

M. BALIVEAU.

L'HEUREUX tempérament! Ma joie en est extrême.
Gai, vif, aimant à rire; enfin toujours le même.

M. FRANCALEU.

C'est que je vous revois. Oui, mon cher Baliveau,
Embrassons-nous encore; et que tout de nouveau
De l'ancienne amitié ce témoignage éclate.
La séparation n'est pas de fraîche date.
Convenez-en, pendant l'intervalle écoulé,

La parque, à la sourdine, a diablement file.

En auriez-vous l'humeur moins gaillarde et moins vive?
Pour moi, je suis de tout; joueur, amant, convive;
Fréquentant, fêtoyant les bons faiseurs de vers:
J'en fais même, comme eux.

M. BALIVEAU.

Comme eux?

M. FRANCALEU.

Qui.

M. BALIVEAU.

Quel travers!

M. FRANCALEU.

Pas tout-à-fait comme eux; car je les fais sans peine.

Aussi me traitent-ils de pocte à la douzaine,

« PreviousContinue »