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Jusqu'ici de paroître, et je doute qu'il vienne:
Ce qu'on voit à travers son petit air boudeur,
C'est qu'elle sera fausse, et qu'elle a de l'humeur :
On la croit une Agnès; mais comme elle a l'usage
De sourire à des traits un peu forts pour son âge,
Je la crois avancée; et, sans trop me vanter,
Si je m'étois douné la peine de tenter.....

Enfin, si je n'ai pas suivi cette conquête,

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La faute en est aux dieux, qui la firent si bête:
VALÈRE.

Assurément Chloé seroit une beauté,

Que sur ce portrait-là j'en serois peu tenté.
Allons, je vais partir, et comptez que j'espère
Dans deux heures d'ici désabuser ma mère:
Je laisse en bonnes mains.....

CLÉON.

Non; il vous faut rester.

VALERE.

Mais comment! voulez-vous ici me présenter ?

CLÉON.

Non pas dans le moment; dans une heure.

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Il faut que vous alliez retrouver votre chaise :

Dans l'instant que Géronte ici sera rentré

(Car c'est lui qu'il nous faut), je vous le manderai;

Et vous arriverez par la route ordinaire,

Comme ayant prétendu nous surprendre et nous plaire. VALÈRE.

Comment concilier cet air impatient,

Cette galanterie, avec mon compliment ?·

C'est se moquer de l'oncle, et c'est me contredire :
Toute mon ambassade est réduite à lui dire

Que je serai (soit dit dans le plus simple aveu-)
Toujours son serviteur, et jamais son nevcu.

CLÉON.

Et voilà justement ce qu'il ne faut pas faire :
Ce ton d'autorité choqueroit votre mère :
Il faut dans vos propos paroître consentir,
Et tâcher, d'autre part, de ne poiut réussir.
Écoutez: conservons toutes les vraisemblances;
On ne doit se lâcher sur les impertinences
Que selon le besoin, selon l'esprit des gens;
Il faut, pour les mener, les prendre dans leur sens:
L'important est d'abord que l'oncle vous déteste;
Si vous y parvenez, je vous réponds du reste.
Or, notre oncle est un sot, qui croit avoir reçu
Toute sa part d'esprit en bon sens prétendu ;
De tout usage antique amateur idolâtre,
De toutes nouveautés frondeur opiniâtre ;
Homme d'un autre siècle, et ne suivant en tout

Pour ton qu'un vieux honneur, pour loi que le vieux goût;
Cerveau des plus bornés', qui, tenant pour maxime
Qu'un seigneur de paroisse est un être sublime,

Vous entretient sans cesse avec stupidité
De son banc, de ses soins, et de sa dignité :
On n'imagine pas combien il se respecte;
Ivre de son château, dont il est l'architecte,
De tout ce qu'il a fait sottement entêté,
Possédé du démon de la propriété,

Il règlera pour vous son penchant ou sa laine
Sur l'air dont vous prendrez tout son petit domaine.
D'abord, en arrivant, il faut vous préparer

A le suivre partout, tout voir, tout admirer,
Son parc, son potager, ses bois, son avenue;
H ne vous fera pas grace d'une laitue.

Vous, au lieu d'approuver, trouvant tout fort commun
Vous ne lui paroîtrez qu'un fat très importun,
Un petit raisonneur, ignorant, indocile;

Peut-être ira-t-il même à vous croire imbécile

VALÈRE.

Oh! vous êtes charmant..... Mais n'aurois-je point tort? J'ai de la répugnance à le choquer si fort.

CLÉON.

Eh bien.... mariez-vous.... Ce que je viens de dire
N'étoit que pour forcer Géronte à se dédire,
Comme vous désiriez : moi, je n'exige rien;
Tout ce que vous ferez sera toujours très bien;
Ne consultez que vous.

Je cherche à m'éclairer.

VALERE

Ecoutez-moi, de grace;

CLÉON.

Mais tout vous embarrasse,

Et vous ne savez point prendre votre parti.
Je n'approuverois pas ce début étourdi
Si vous aviez affaire à quelqu'un d'estimable,
Dont la vue exigeât un maintien raisonnable;
Mais avec un vieux fou dont on peut se moquer,
J'avois imaginé qu'on pouvoit tout risquer,
Et que, pour vos projets, il falloit sans scrupule
Traiter légèrement un vieillard ridicule.

VALÈRE.

Soit..... Il a la fureur de me croire à son gré :
Mais, fiez-vous à moi, je l'en détacherai,

SCÈNE VIII.

FRONTIN, CLÉON, VALÈRE.

FRONTIN.

MONSIEUR, j'entends du bruit, et je crains qu'on ne vienne.

CLÉON.

Ne perdez point de temps; que Frontin vous remène,

SCÈNE IX.

CLEON, seul.

MAINTENANT éloignons Frontin, et qu'à Paris

Il porte le mémoire où je demande avis
Sur l'interdiction de cet ennuyeux frère.
Florise s'en défend; son foible caractère

Ne sait point embrasser un parti courageux :
Embarquons-la si bien, qu'amenée où je veux
Mon projet soit pour elle un parti nécessaire.
Je ne sais si je dois trop compter sur Valère.....
Il pourroit bien manquer de résolution,
Et je veux appuyer son expédition :

C'est un fat subalterne; il est né trop timide :
On ne va point au grand si l'on n'est intrépide.

FIN DU SECOND ACTE.

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