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CHLOÉ.

Ma mère est la maîtresse, il lui faut obéir;
Puisse-t-elle, à ce prix, cesser de me hair!

LISETTE.

Doucement, s'il vous plaît, l'affaire n'est pas faite,
Et ma décision n'est pas pour la retraite :

Je ne suis point d'humeur d'aller périr d'ennui.
Frontin veut m'épouser, et j'ai du goût pour lui :
Je ne souffrirai pas l'exil qu'on nous ordonne.
Mais vous, n'aimez-vous plus Valère, qu'on vous donne?
CHLOÉ.

Tu le vois bien, Lisette, il n'y faut plus songer!
D'ailleurs, long-temps absent, Valère a pu changer:
La dissipation, l'ivresse de son âge,

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Une ville où tout plaît, un monde où tout engage,
Tant d'objets séduisants, tant de divers plaisirs,
Ont loin de moi sans doute emporté ses désirs.
Si Valère m'aimoit, s'il songeoit que je l'aime,
J'aurois dû quelquefois l'apprendre de lui-même.
Qu'il soit heuret du moins! pour moi j'obéirais
Aux ennuis de l'exil mon cœur est préparé,
Et j'y dois expier le crime involontaire
D'avoir pu mériter la haine de ma mères

A quoi rêves-tu donc? tu ne m'écoutes pas.

LISETTE.

Fort bien..... Voilà de quoi nous tirer d'embarras...

Et sûrement Florise......

Théâtre. Com. en vers. 10.

14

CHLOÉ

Eh bien ?

LISETTE.

Mademoiselle,

Soyez tranquille; allez, fiez-vous à mon zèle :
Nous verrons, sans pleurer, la fin de tout ceci.
C'est Cléon qui nous perd et brouille tout ici:
Mais, malgré son crédit, je vous donne Valère.
J'imagine un moyen d'éclairer votre mère

Sur le fourbe insolent qui la mène aujourd'hui ;
Et nous la guérirons du goût qu'elle a pour lui:
Vous verrez.

CHLOÉ.

Ne fais rien que ce qu'elle souhaite. Que ses vœux soient remplis, et je suis satisfaite.

SCÈNE VII.

LISETTE, seule.

Pour faire son bonheur je n'épargnerai rien.
Hélas! on ne fait plus de coeurs comme le sien:

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L

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FIN DU PREMIER ACTE:

ACTE SECOND.

SCÈNE I

CLEON, FRONTIN

CLÉON.

QU'EST-CE donc que cet air d'ennui, d'impatience?

Tu fais tout de travers, tu gardes le silence!
Je ne t'ai jamais. vu de si mauvaise humeur.

Chacun a ses chagrins.

FRONTIN

CLEON.

Ah!..... tu me fais l'honneur

De me parler enfin! Je parviendrai peut-être
A voir de quel sujet tes chagrins peuvent naître.
Mais, à propos, Valère?

FRONTIN.

Un de vos gens viendra

M'avertir en secret, dès qu'il arrivera.

Mais pourrois-je savoir d'où vient tout ce mystère? Je ne comprends pas trop le projet de Valère : Pourquoi, lui qu'on attend, qui doit bientôt, dit-on, Se voir avec Chloé l'enfant de la maison,

Prétend-il vous parler sans se faire connoître,?

CLÉON.

Quand il en sera temps, je le ferai paroître.

FRONTIN.

Je n'y vois pas trop clair : mais le peu que j'y voi
Me paroît mal à vous, et dangereux pour moi.
Je vous ai, comme un sot, obéi sans mot dire ;
J'ai réfléchi depuis. Vous m'avez fait écrire
Deux lettres, dont chacune, en honnête maison,
A celui qui l'écrit vaut cent coups de bâton.

CLÉON,

Je te croyois du coeur. Ne crains point d'aventure; Personne ne connoît ici ton écriture;

Elles arriveront de Paris. Et pourquoi

Veux-tu que le soupçon aille tomber sur toi?

La mère de Valère a sa lettre, sans doute;

Et celle de Géronte?

FRONTIN.

Elle doit être en route:

La poste d'aujourd'hui va l'apporter ici,

Mais sérieusement tout ce manège-ci

M'alarme, me déplaît, et, ma foi, j'en ai honte.
Y pensez-vous, monsieur? Quoi! Florise et Géronte
Vous comblent d'amitiés, de plaisirs et d'honneurs,
Et vous mandez sur eux quatre pages d'horreurs!
Valère, d'autre part, vous aime à la folie ;
Il n'a d'autre défaut qu'un peu d'étourderie;

Géronte en va voir le portrait

Comme d'un libertin et d'un qolifichet.

Et, grace à vous,

Cela finirá mal.

CLÉON.

Oh! tu prends au tragique

Un débat qui pour moi ne sera que comique;
Je me prépare ici de quoi me réjouir,

Et la meilleure scene, et le plus grand plaisir.....
J'ai bien voulu pour eux quitter un temps la ville:
Ne point m'en amuser, seroit être imbécille;
Un peu de bruit rendra ceci moins ennuyeux,
Et me paîra du temps que je perds avec eux.
Valère à mon projet lui-même contribue :
C'est un de ces enfants dont la folle recrue
Dans les sociétés vient tomber tous les ans,
Et lasse tout le monde, excepté leurs parents.
Croirois-tu que sur moi tout son espoir se fonde?
Le hasard me l'a fait rencontrer dans le monde:
Ce petit étourdi s'est pris de goût pour moi,
Et me croit son ami, je ne sais pas pourquoi.
'Avant que dans ces lieux je vinsse avec Florise,
J'avois tout arrangé pour qu'il cût Cidalise :
Elle a, pour la plupart, formé nos jeunes gens :
J'ai demandé pour lui quelques mois de son temps,
Soit que cette aventure, ou quelque autre l'engage.....
Voulant absolument rompre son mariage,

Il m'a vingt fois écrit d'employer tous mes soins
Pour le faire manquer, ou l'éloigner du moins

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