SUR GRESSET. JEAN-BAPTISTE-LOUIS GRESSET, fils d'un conseiller du roi, commissaire enquêteur et examinateur au bailliage d'Amiens, y naquit en 1709. Les Jésuites de cette ville, chez lesquels il fit ses humanités, frappés de ses heureuses dispositions, désirèrent l'attacher à leur société et n'eurent pas de peine à le décider à faire son noviciat. Il n'avoit encore que seize ans lorsqu'il le commença. II vint achever ses études à Paris au collège de Louis le Grand. Tous ses moments de loisir étoient consacrés à la poésie; mais il étoit peu jaloux de montrer ses essais: enfin, à peine âgé de vingt-quatre ans, il fit paroître le charmant poëme de Vert-Vert. Les désagréments que cet ouvrage lui attira de la part de sa société, furent cause qu'il s'en sépara. Nous passerons sous silence les autres ouvrages de Gresset, notre plan se bornant à parler de sor théâtre. La première pièce qu'il fit paroître fut Edouard III, tragédie. Cette pièce, jouée pour la première fois le 22 janvier 1740, eut neuf représentations. tions; Sidney, comédie en trois actes, en vers, mise au théâtre le 3 mai 1745, obtint onze représentamais elle n'est point restée au répertoire. Le Méchant, comédie en cinq actes, en vers, parut pour la première fois le 27 avril 1747, et fut donnée vingt-quatre fois avec le plus grand succès. Gresset avoit composé deux autres comédies. Ses amis, à qui il les avoit lues, en ont fait le plus grand éloge; mais il les brûla par un scrupule religieux. Cet estimable auteur fut reçu à l'académie françoise en 1748. Il avoit toujours témoigné un grand désir de retourner dans sa ville natale. Le succès du Méchant fut presque le signal de sa retraite. Il passa à Amiens les vingt dernières années de sa vie. Au commencement de 1777, le roi le fit chevalier de l'ordre de Saint-Michel, et Monsieur le nomma historiographe de l'ordre de St.-Lazare. Il ne jouit pas long-temps de ces honneurs, étant mort le 16 juin de la même année, âgé de soixantehuit ans. Théâtre. Com en vers. 10 19 PERSONNAGES. CLÉON, méchant. GÉRONTE, frère de Florise. FLORISE, mère de Chloé. CHLOÉ ARISTE, ami de Géronte. VALERE, amant de Chloé. LISETTE, Suivante. FRONTIN, valet de Cléon. Un laquais. La scène est à la campagne, dans un château de Géronte. COMÉDIE. ACTE PREMIER. SCÈNE I. LISETTE, FRONTIN. FRONTIN. TE voilà de bonne heure, et toujours plus jolie. LISETTE. Je n'en suis pas plus gaie. FRONTIN. Eh! pourquoi, je te prie? LISETTE. Oh! pour bien des raisons. FRONTIN. Es-tu folle? Comment! On prépare une noce, une fête.... LISETTE. Oui vraiment, Crois cela; mais pour moi j'en suis bien convaincue, Nos affaires vont mal, et la noce est rompue, Pourquoi done? FRONTIN. LISETTE. Oh! pourquoi? dans toute la maison Il règne un air d'aigreur et de division Qui ne le dit que trop. Au lieu de cette aisance On se boude, on s'évite, on bâille, on parle bas; Va, la noce est bien loin, et j'en sais trop la cause: FRONTIN. Lui! bien loin qu'il s'oppose Au choix qui doit unir Valère avec Chloé, LISETTE. S'il s'en mêle, tant pis; car, s'il fait quelque bien, FRONTIN. Oh! quand on est fripon, je rabats de l'estime. |