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moulins particuliers, il faut qu'ils foient banaux ou par des titres ou par la coutume.

Banalité de four. Ce que nous avons établi au fujet de la Banalité d'un moulin, s'applique à bien des égards à ce qui concerne le four. Le feigneur qui a droit d'avoir un four banal, doit l'établir dans le milieu du bourg de la feigneurie afin qu'il foit également à la portée de tout le monde: c'est ce qu'exige l'article 29 de la coutume d'Angoumois qui eft en celá conforme à l'ufage reçu.

Le feigneur doit tenir fon four en bon état, fournir le bois néceffaire, avoir des prépofés pour le fervice du four afin que les habitans n'aient d'autre peine que de porter leur pâte & de retirer leur pain. Mais la Banalité de ce four peut-elle s'étendre auffi loin que celle du mou lin, c'eft-à-dire, tous ceux qui font dans la banlieue font-ils obligés d'aller au four comme au moulin? Taifand fur la coutume du duché de Bourgogne, dit que les fujets du feigneur de fainte-Colombe éloignés d'une lieue du four banal étoient en poffeffion depuis 40 ans d'avoir chez eux des fours particuliers, que néanmoins par arrêt du parlement de Dijon du 5 mars 1580, ils furent condamnés à les démolir, fi mieux ils n'aimoient demander permiffion au feigneur de les conferver & d'en user comme par le paffé moyennnant une redevance modérée. Ce préjugé ne femble pas devoir faire une loi générale dans les provinces où rien n'eft décidé à cet égard par la coutume ou par les titres. Il n'eft pas auffi facile d'aller à une lieue de diftance porter de la pâte à un four que des grains à un moulin: d'ailleurs la pâte peut fouf

frir confidérablement dans le tranfport, ou par le trop grand froid ou par le trop grand chaud; ainfi il nous paroîtroit fuffifant de donner au four banal un quart de lieue d'arrondiffement, fi mieux n'aimoit le feigneur faire conftruire plufieurs fours dans l'étendue de fa feigneurie pour ufer plus amplement de fon droit. Au furplus P'ufage introduit peut être à cet égard d'une grande confidération, fur-tout s'il n'entraîne point d'inconvéniens.

Ceux qui font fujets au four banal ne peuvent point avoir de fours particuliers, ceci eft généralement reçu. Ceux mêmes qui font fur les limites dans la Banalité, ne peuvent point en avoir à leur portée hors de cette Banalité, de crainte qu'ils ne s'en fervent au préjudice du four banal, & le feigneur de fa propre autorité peut faire abattre ces fours. C'eft ce qui réfulte des difpofitions de la coutume de Nivernois qui feule paroît avoir prévu cet inconvénient.

A l'égard de ces petits fours que les bourgeois font construire chez eux pour la pâtifferie, il eft fans difficulté qu'on les tolère aujourdhui, pourvu qu'on ne puiffe pas en abufer & qu'ils ne foient pas affez grands pour qu'on puiffe y faire cuire à la fois plus d'un boiffeau de farine. Cependant il paroît d'après ce que dit Dunod en fon traité des prefcriptions, que dans le duché de Bourgogne on ne fouffre point de ces petits fours, & qu'il l'a vu juger pour l'abeffe de Baume contre des particuliers de la même ville. Taifand dans fon commentaire fur la coutume de cette province, cite un premier arrêt du parlement de Dijon rendu le 2 mai 1589 au profit du feigneur de Magny fur Tilles, qui femble appuyer l'affertion de

Dunod; mais il en cite enfuite un autre rendu au même tribunal le 6 juin 1671, d'après lequel il dit que l'ufage eft au duché de Bourgogne que les fujets nonobftant la Banalité des feigneurs, aient de petits fours dans leurs maifons pour y cuire des pâtes non levées. Quelle que foit à cet égard la jurifprudence du parlement de Bourgogne, il est toujours vrai de dire que les petits fours dont il s'agit ne fauroient être condamnés quand ils ne font destinés qu'à des usages pour lefquels on ne peut recourir à un four banal.

Quand le four est banal, perfonne n'en eft exempt. Il n'y a d'exception que pour les maifons religieufes, les collèges & les hôpitaux, parce qu'il leur feroit trop incommode d'aller habituellement à un four public. Cependant le seigneur n'en eft pas moins en droit d'exiger une certaine indemnité pour lui tenir lieu de fon droit de Banalité. Les religieufes tiercelines de Gray furent obligées à cette indemnité comme on le voit par l'arrêt du 9 février 1639 dont nous avons fait mention en parlant des Banalités en général.

A l'égard des boulangers publics, on trouve une ordonnance de Philippe-le-Bel de 1305, par laquelle il eft permis aux talemeliers, c'eft-àdire, aux boulangers de Paris où il y avoit des fours banaux comme ailleurs, de cuire librement chez eux le pain destiné à être vendu. Cette ordonnance a introduit l'exception pour tous les autres boulangers du royaume : ils font difpenfés aujourd'hui d'aller cuire au four banal le pain qu'ils deftinent pour le public fans qu'ils foient tenus pour cela d'aucune indemnité envers le

feigneur. Cependant fi ce feigneur avoit un titre particulier nommément contre eux, ils feroient obligés d'aller à fon four. La chofe a été ainfi jugée au parlement de Paris par un arrêt du 2 2 juillet 1760 en faveur du fieur Bon, propriétaire du four banal de Torcy, contre les boulangers de l'endroit, au fujet du pain deftiné pour la provifion de Sedan: cet arrêt eft rapporté dans la collection de jurifprudence.

La coutume de Poitou & celle de Touraine s'expliquent fur l'exception introduite en faveur des boulangers, mais en général cette excep→ tion n'eft reçue que pour les pains blancs qu'ils débitent d'un poids déterminé. A l'égard des gros pains qu'ils vendent dans leur boutique, ils font fujets au four banal, fuivant un arrêt du parlement de Paris du 9 mai 1620 rendu contre les boulangers de Vendome & cité par Leprêtre.

Il en eft de même du pain qui concerne leur ménage; ils font obligés de recourir au four banal. On trouve à ce fujet dans Bacquet un arrêt du 28 feptembre 1565 qui condamne un boulanger public à y faire cuire la pâte def tinée à la nourriture de fa famille. Un autre arrêt rendu au rapport de Leprêtre le 15 mars 1609, a jugé la même chofe contre des boulangers, fi mieux ils n'aimoient payer une indemnité au feigneur ; fur quoi nous croyons que le feigneur ne peut pas fe refufer à accepter cette indemnité lorfqu'il y a lieu de la lui offrir, quand ce ne feroit que pour obvier aux contef tations qui pourroient s'élever tous les jours à ce fujet.

Le feigneur doit-il avoir fon four habituellement prêt à cuire la pâte qu'on y porte? On ne

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peut guères donner de règles certaines à cet égard; ceci dépend du nombre des habitans fujets à la Banalité. Il y a des villes & de gros bourgs où l'on cuit tous les jours & même deux fois par jour. Dans quelques endroits c'est trois fois par par femaine, dans d'autres deux fois feulement à certains jours déterminés. Le feigneur ne doit pas être obligé de faire chauffer fon four exprès pour le plaifir & la commodité d'un fimple particulier. En cas de conteftation à ce sujet, c'est au juge à faire un règlement de police.

Mais il faut obferver qu'il eft d'ufage par-tout que le fujet prévienne le fournier dès la veille de la quantité de pâte qu'il doit faire cuire le lendemain, afin que ce fournier fache à quoi s'en tenir pour chauffer un four plus grand ou plus petit.

Le fournier de fon côté, lorfque fon four eft au degré de chaleur convenable, est obligé de le faire favoir à cri public, afin que chaque particulier apporte fa pâte à temps. On doit fur cela fe conformer à l'ufage reçu.

Les fourniers doivent s'abstenir de rien exiger au-delà du droit établi & de marquer des préférences pour les uns au préjudice des autres. Le feigneur eft refponfable de leurs délits ou de leurs fautes; s'il étoit même certain qu'il les approuvât, il y en auroit affez pour lui faire perdre la Banalité. Lorsque le pain n'est pas bien cuit, ou qu'il l'eft exceffivement au point d'être brûlé, le fujet peut l'abondonner & le faire payer. Il en eft cru fur les plaintes que peuvent lui occafionner l'humeur & la tracafferie des fourniers , parce que comme le remarque fort bien d'Argentré fur la coutume de Bretagne au

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