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en Bourgogne. Cependant quelques-uns des Auteurs qui ont parlé des Banalités, peuvent induire en erreur pour avoir dit qu'elles font perfonnelles fans s'expliquer davantage. Mais pour faire mieux faifir ce qu'ils ont voulu dire à ce fujet, nous obferverons que les Banalités ne font perfonnelles que dans ce fens que ceux qui ont leur domicile dans le district de la Banalité font les feuls qui y foient fujets; & que confidérées comme faifant partie des droits feigneuriaux d'une directe, l'action à laquelle elles peuvent donner lieu eft de la même nature que celles qui peuvent avoir pour objet toutes fortes de droits feigneuriaux en général. Auffi trouve-t-on dans Brillon un arrêt de la chambre de l'édit de Rouen du 10 juin 1665, qui a jugé qu'une instance de Banalité de moulin étoit réelle, & qu'elle ne pouvoit être évoquée aux requêtes du palais par le feigneur privilégié. Fréminville ajoute que cette décifion eft de droit commun.

Différentes efpèces de Banalités. On remarque plufieurs fortes de Banalités : Banalité de mouÎin, de four, de preffoir, de taureau, de verrat & de boucheries.

Nous allons parcourir ces différens genres de Banalités mais nous obferverons auparavant que toutes ces Banalités ne dépendent pas les unes des autres; que celle du four par exemple ne dépend pas de celle du moulin, ni celle du moulin d'aucune autre, &c. le feigneur n'a droit d'exercer que celles qui lui font attribuées par fes titres ou par la coutume.

Banalité de moulin. Anciennement le roi feul étoit en droit d'avoir des moulins banaux, mais les feigneurs par la fuite fe font arrogé le même

privilége. Le roi conferve cependant cette ancienne prérogative dans la Flandre, dans l'Artois & le Hainault; les moulins y font domaniaux, & il n'y eft permis à perfonne d'en conftruire fans une permiffion expreffe & fans payer à fa majefté une certaine redevance à titre de

cens.

Dans la Normandie les perfonnes nobles ont feules le droit de pofféder des moulins fans rien payer au roi : les roturiers qui en poffèdent font affujettis au droit de franc-fief conformément à deux arrêts du confeil, l'un du 22 juillet 1673 & l'autre du 24 juin 1721. Dans la plupart des autres coutumes il eft permis aux roturiers d'avoir des moulins fans payer aucune rétribution.

Pour être affujetti à un moulin banal, il faut que ce moulin ne foit pas à la diftance de plus d'une lieue du domicile du cenfitaire; c'eft àdire qu'il n'y a que ceux qui demeurent dans la banlieue qui puiffent être obligés d'y aller moudre. Les coutumes ne font pas uniformes pour la fixation de cette banlieue; les unes comme celles de Tours, de Poitou & de Lodunois, la règlent à deux mille pas, chacun de cinq pieds, à prendre de la huche du moulin à la porte de la maifon du fujet, ce qui fait 1666 toifes quatre pieds. Les coutumes d'Anjou & du Maine la règlent à mille tours de roue de quinze pieds de circonférence; la coutume de Bretagne à 120 cordes de 120 pieds chacune; le plus grand nombre des autres coutumes ne la déterminent pas, au moyen de quoi nous penfons que dans les coutumes muettes à ce fujet, la banlieue doit fe mefurer fuivant la lieue commune de la province où eft fituée la Banalité; en obser

vant avec Boulay fur l'article 13 de la coutume de Tourraine, que cette mesure doit fe faire par le chemin le plus fréquenté quoiqu'il ne foit pas en droite ligne.

Le seigneur eft obligé d'avoir fon moulin en bon état, fans quoi les fujets peuvent aller ailleurs jufqu'à ce qu'il foit rétabli : il eft pareillement obligé de faire enforte que les chemins pour y aborder foient pratiquables & fans danger pour ceux qui font obligés d'y porter leurs grains. Il faut auffi que dans les vingt-quatre heures, à compter du moment que le fujet arrive au moulin, on commence à moudre fes grains; autrement il lui eft libre de les conduire ailleurs. C'est l'ufage général, fi l'on en excepte quelques coutumes, en très-petit nombre, qui exigent un délai plus confidérable : telle eft la coutume de Bourbonnois, qui veut que le fujet attende trente-fix heures au lieu de vingt-quatre.

Une grande queftion qui ne paroît nulle part clairement décidée, eft de favoir file meûnier eft obligé d'aller chercher les grains des fujets pour les faire moudre, lorfque les titres & la coutume ne déterminent rien à cet égard. Guyot en fon traité des fiefs, penfe que ceux qui font fujets à la Banalité font obligés de porter ou d'envoyer leurs grains au moulin, & il appuie fon opinion fur un arrêt du premier août 1730 rendu au parlement de Paris en faveur du feigneur de Juchy en Artois, contre le fieur Bidaut curé de l'endroit. Mais cet arrêt ne paroît pas avoir décidé nettement la queftion : le fieur Bidaut fe croyoit difpenfé en fa qualité de curé de faire porter fes grains au moulin comme les autres habitans; il regardoit cette efpèce de fervitude comme in

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jurieuse à fon état, & l'arrêt a jugé fimplement qu'il n'y avoit aucune différence à faire à cet égard entre lui & les autres vaffaux.

Si nous confultons la plupart des coutumes, nous voyons ou qu'il eft dit que les meûniers font obligés d'aller chercher les grains des fujets, ou que fi ces meûniers vont quêter dans d'autres Banalités, leurs chevaux & leurs voitures font fujets à confifcation; ce qui femble indiquer qu'ils n'ont des bêtes de fomme ou des voitures que pour le fervice des vaffaux.

D'un autre côté l'on voit que ce font les meûniers qui vont par-tout chercher les grains & qui les rapportent en farine. On conçoit en mêmetemps que fi de fimples particuliers étoient obligés d'avoir des bêtes de fomme pour conduire leurs grains au moulin banal, l'affujétiffement leur feroit trop onéreux par la dépenfe que le foin & la nourriture de ces bêtes leur occafionnaroit.

Dans l'incertitude, nous penfons avec Fréminville qu'on doit fe déterminer par l'ufage qui fe pratique dans chaque Banalité, & qu'on doit fur-tout avoir égard au droit de mouture qui fe paie au meûnier: s'il eft modique il paroît que le fujet eft obligé de porter fes grains; fi au contraire il eft proportionné à la peine de les aller chercher, le meunier doit prendre cette charge fur fon compte conformément à l'efprit d'une ordonnance du 19 feptembre 1439 qui fixe ce droit de mouture à feize deniers parifis lorfque le grain eft porté au moulin, & à deux fous parifis lorfqu'on va le chercher.

Le moulin, c'est-à-dire l'endroit où le grain fe réduit en farine, doit être fermé en rond, de

crainte que s'il étoit en quarré la farine ne reftât dans les angles. Le meûnier doit prendre garde que le grain ou la farine ne reçoivent aucun dommage; le feigneur feroit lui-même tenu de le réparer fuivant une ancienne ordonnance des établissemens de Saint Louis (*) & le fujet feroit difpenfé de retourner au moulin banal avant qu'il eût été indemnifé.

Ceux qui arrivent les premiers au moulin font en droit de faire moudre avant ceux qui ne font venus qu'après eux : il n'y a que le feigneur qui puiffe avoir une préférence.

Le droit de mouture eft différent dans chaque coutume & dans chaque Banalité : il fe perçoit fuivant l'ufage où fuivant les titres du feigneur. Dans le Nivernois, le Bourbonnois & la Marche le mcûnier doit rendre d'un boiffeau ras de bled, un boisseau comble de farine, & le refte eft pour fon droit de mouture. Dans d'autres coutumes il n'eft rien dit du droit du meûnier. Dans quelques feigneuries ce même droit eft fixé à une certaine quotité comme au feizième, vingtième, vingt-cinquième du grain qu'on fait moudre. Quelquefois le droit fe paie en argent : une ordonnance de Jean I roi de France, du mois de février 1350, le fixe par fetier à douze deniers parifis, ou à un boiffeau ras du grain en nature. Lorfque les meûniers prennent leur droit en

(*) Voici ce que porte cette ordonnance: » Et où le » feigneur ne fait payer le dommage fait au fujet, le » fujet eft difpenfé d'aller moudre ou cuire au moulin & » four du feigneur, jufqu'à ce qu'il ait fait payer ce dom» mage «. (Ordonnances du Louvre premier volume page 197.)

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