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Dans les coutumes où la Banalité eft attachée au fief ou à la justice, peut-on aliéner cette Banalité fans aliéner en même temps la feigneurie? On dit que pour exercer une Banalité, il faut avoir droit de commander, & que ce droit ne peut appartenir qu'au feigneur fur fes fujets. Cette raison eft bien foible, mais il eft pourtant vrai de dire qu'il eft de maxime reçue que la Banalité ne peut fe féparer de la feigneurie. L'article 48 de la coutume de Poitou contient à ce fujet

pas

s'eft mis en devoir de faire faire lefdites réparations, le requérant prendra fon inaction pour un refus, & qu'en conféquence il fe donnera la liberté d'en faire construire un ( à tel endroit) pour fon ufage particulier, proteftant d'employer la préfente fommation & tous moyens de droit contre les empêchemens qu'on pourroit apporter à ladite construction, & afin qu'il n'en ignore, &c.

S'il s'agifoit de faire conftruire un moulin en entier ; voici le changement qu'il faudroit faire à la fommation.

Je lui ai déclaré qu'en fa qualité de feigneur de.... il a droit d'y avoir un moulin banal pour le fervice de fes cenfitaires, que cependant comme il ne paroît pas avoir envie de faire ufage de ce droit puifqu'il n'y a fait conftruire aucun moulin, il eft de l'intérêt des habitans & notamment du requérant qui eft fort éloigné des moulins étrangers de favoir à quoi s'en tenir, parce que dans le cas où il ne plairoit point audit feigneur d'en faire conftruire dans sa seigneurie, le requérant y en feroit conftruire un pour fon ufage particulier à ces caufes je lui ai fait fommation de s'expliquer à ce fujet, & lui ai déclaré que fi dans l'efpace de trois mois il ne s'eft point expliqué, ou qu'il ne fe foit pas mis en diligence de commencer cette conftruction, le requérant prendra fon filence ou fon inaction pour une renonciation à fon droit, & qu'en conféquence il fe donnera la liberté d'en, &c.

:

Si plufieurs habitans ont le même intérêt, ils peuvent fe réunir dans la fommation.

une difpofition particulière. M. l'évêque de Poitiers avoit arrenté la Banalité d'une feigneurie moyennant dix fetiers de blé. Une fentence du juge des lieux avoit adopté cet arrentement mais la fentence fut infirmée en 1636 par arrêt du parlement de Paris.

De Richebourg obferve dans fes notes fur l'article 311 de la coutume de la Marche où la Banalité eft un attribut du fief, que ce droit ne peut être vendu féparément de la directe : il cite à ce fujet une fentence de la fénéchauffée de Guéret du premier mars 1624 qui annulle la vente d'un droit pareil faite fans aliénation du fief; à la fuite de fa note eft une mention de l'arrêt du parlement de Paris qui a confirmé cette fentence le 6 septembre de l'année fuivante.

Lorsque la vente de la Banalité s'eft faite fans l'aliénation de la feigneurie, les habitans font-ils tellement déchargés du droit que le feigneur ne puiffe plus l'exercer? On diftingue: fi la Banalité étoit un attribut inhérent au fief par la force de la coutume le feigneur reprendroit fon droit fans la moindre difficulté, ou pour mieux dire il fuffiroit qu'il fût toujours feigneur pour qu'il ne pût le perdre. Mais fi la Banalité n'étoit qu'un droit conventionnel, Guyot dans fon traité des fiefs prétend qu'il en feroit autrement, parce que le feigneur auroit fait plus qu'il ne pouvoit faire. Cette raifon ne fauroit nous décider pour fon fentiment. Une fauffe aliénation en pareil cas ne peut qu'intéreffer le vendeur & l'acquéreur & non les habitans auxquels le contrat ne peut nuire ni profiter. Si un feigneur perdoit la Banalité pour avoir voulu faire plus qu'il ne pouvoit en l'aliénant féparément de fa directe, il fau

droit dire qu'il la perdroit également dans les coutumes où elle eft un attribut effentiel de la feigneurie; c'eft cependant ce qu'on n'oferoit foutenir.

Quoique la Banalité ne puiffe s'aliéner fans la directe, on convient pourtant que lorsqu'il s'agit du partage d'un fiéf entre co-héritiers, on peut mettre le moulin dans un lot & les vaffaux fujets à la Banalité dans un autre lot. Celui qui a le moulin peut s'en fervir pour fon ufage particulier; & celui qui a pour lui les vaffaux peut faire conftruire un moulin & les y affujettir. Dans la coutume de Paris, le droit de Banalité qui dépénd d'un fief appartient à l'aîné des enfans en récompenfant les autres.

Fréminville prétend que la Banalité feule n'est même pas fufceptible d'un bail emphitéotique à longues années, attendu qu'un bail de cette nature emporte une efpece d'aliénation, mais fon opinion ne nous paroît foutenue d'aucun moyen folide. Un bail emphitéotique eft à la vérité regardé comme un contrat emportant aliénation : mais cette aliénation n'eft pas incommutable; elle ne porte d'ailleurs que fur la propriété utile & non fur la propriété directe. Le feigneur refte toujours feigneur comme auparavant; toute la différence d'un bail emphitéotique à un bail ordinaire, eft que l'un eft pour un temps plus confidérable que l'autre. D'ailleurs il eft à propos qu'un feigneur qui ne fe trouve pas en faculté de faire rétablir un moulin ait la facilité d'y parvenir par un bail à longues années; parce qu'ordinairement par un bail pareil le preneur eft chargé des conftructions & réparations né

ceffaires pour rendre les chofes en bon état à fin de bail.

Lorfque le droit de Banalité eft en commun entre deux feigneurs, & qu'il furvient des réparations à faire, l'un peut faire faire fommation à l'autre d'y contribuer pour fa portion, & fur le refus de celui-ci, le premier peut ordonner ces réparations, & recevoir à fon profit les revenus de la Banalité, jufqu'à ce qu'il foit entièrement rembourfé de fes avances, fans être tenu d'aucune reftitution de ce que l'autre auroit pu gagner en contribuant plutôt à ces mêmes réparatious. C'eft ce qui eft clairement décidé par une ordonnance des établiffemens de Saint Louis (*). L'article 20 de la nouvelle coutume

(*). » Si aucun avoit moulin commun auquel il faudroit » des meubles, pourquoi il ne pourroit moudre, il doit » avertir fon perfonnier devant la juftice, de contribuer » à cette réparation, & s'il ne le fait & que l'autre mette » en état le moulin, il aura toute la mouture jusqu'à ce » que l'autre lui ait rendu fa part des coûts & dépens ; & » s'il n'a pas averti & fommé fon perfonnier, il lui rendra » compte des moutures en payement de fa portion, & s'il » a plus reçu il lui rendra le furplus «. ( Établissement de faint Louis, chapitre 108).

Formule d'une fommation en pareil cas.

...

L'an.... le.... du mois de.... à.... midi à la re quête de.... demeurant à.... où il fait élection de domicile en fa maison, je.. huiffier, reçu & immatriculé à.... demeurant à.... fouffigné, me fuis tranfporté à.... au domicile de.... où étant & parlant à.... je lui ai déclaré que le moulin de.... fitué à.... dont il eft propriétaire pour une moitié avec le requérant, a befoin de telles & telles réparations qu'on détaillera, & qu'à défaut de ces réparations ceux qui font dans le cas d'aller moudre à ce moulin fe difpenfent d'y envoyer ou apporter leurs

d'Anjou paroît tiré de cette ordonnance: il renferme à ce fujet les mêmes difpofitions..

Comme on met toutes les actions qui ont trait à des droits feigneuriaux dans la claffe des actions réelles, on tient pour maxime qu'elles ne peuvent point être portées devant des juges de privilèges, fur-tout depuis le fameux arrêt rendu le 25 avril 1746 au rapport de M. Gilbert de Voifins maître des requêtes, contre MM. les dacs de Luynes & de Chevreufe qui vouloient faire ufage de committimus du grand fceau contre différens poffeffeurs de fiefs qu'ils prétendoient dépendre d'eux à caufe de leur comté de Noyers

grains, ce qui caufe un préjudice au requérant qui offre de contribuer à ces réparations pour la moitié qui le coneerne; mais comme ces réparations ne peuvent point se faire en partie fans fe faire en même-tems pour le tout j'ai fait fommation audit fieur.... d'y contribuer pour Pautre moitié qui le regarde, & de convenir de marché & d'ouvriers avec le requérant, & à cet effet je lui ai donné affignation à comparoir par devant M. le juge de la juftice de.... à heure d'audience dans les délais de l'ordonnance (ou même à plus court délai s'il y a péril daņs la demeure) pour voir dire que faute par lui de convenir d'ouvriers & de marché, le requérant fera autorifé à faire feul les avances defdites réparations qui lui feront allouées fur les fimples quittances qu'il retirera defdits ouvriers, & que jufqu'à ce qu'il foit pleinement remboursé de tout ce qu'il aura pu lui en couter pour la moitié qui est à la charge dudit fieur.... il fera les fruits fiens des revenus dudit moulin fans aucune reftitution aux termes des ordonnances, le tout avec dépens. Et afin que l'affigné n'en ignore je lui ai laiffé copie du préfent exploit en parlant comme deffus & lui déclarant que me. ... procureur en ladite justice

occupera pour le requérant.

Cette formule peut fervir pour les autres espèces de

Banalités.

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