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difpenfés par la coutume de l'endroit comme ils le font par l'article 36 de celle du Maine. C'est auffi l'avis de la Lande fur la coutume d'Orléans & de Ricard fur celle de Paris.

A l'égard des maisons religieufes, des colléges & des hôpitaux, on dispense de la Banalité les établiffemens qui font de la fondation du feigneur fans réferve de Banalité. Dunod en fon traité de la prescription dit que la chofe a été ainfi jugée en faveur des religieux Carmes de Marnai, en Franche-Comté. Lorfque ces établissemens ne font pas de la fondation du feigneur on les tient pour fujets à la Banalité, mais on les admet à payer une certaine redevance pour les affranchir & pour tenir lieu d'indemnité au feigneur. Cela a été ainfi jugé par arrêt du 9 février 1739 entre les chanoines de la ville de Gray & les religieufes Tiercélines du même endroit.

Une question eft de favoir fi un feigneur ne peut point par convention affujétir à fa Banalité d'autres particuliers que fes cenfitaires. La raison de douter eft que ces particuliers ne dépendant de perfonne pour la Banalité, devroient avoir la liberté de faire à cet égard telle convention qu'il leur plairoit; mais on doit penfer différemment d'après un arrêt du parlement de Paris du 30 mars 1609. Il paroît par cet arrêt cité par le Grand fur la coutume de Troyes, qu'un feigeur ayant Banalité avoit donné une fomme d'argent à des habitans de Clery pour se fou mettre à sa Banalité & qu'ils s'y étoient foumis. Les feigneurs de Clery prétendirent que leurs vaffaux n'avoient pu s'affervir envers un autre feigneur fans leur confentement, & par l'arrêt

dont il s'agit le contrat paffé entre ce feigneur & les habitans de Clery fut déclaré nul & comme non-avenu.

Une autre queftion eft de favoir fi le feigneur ne pourroit pas s'abonner avec fes fujets à une certaine redevance pour lui tenir lieu de fes droits de Banalité. Malgré tout ce qu'on pourroit dire pour faire fentir que rien ne devroit être plus libre qu'une faculté pareille; cependant en remontant à l'origine des Banalités on voit que fi les cenfitaires y font aftreints, les feigneurs de leur côté font obligés à bien des dépenses pour l'entretien des bâtimens relatifs à ces mêmes Banalités, & que s'ils pouvoient s'abonner avec leurs fujets ils tireroient tout l'avantage de la chofe fans en fupporter les inconvéniens : cette confidération a fait penser à plufieurs qu'un tel abonnement ne pouvoit fe foutenir, & qu'il devoit en être de même à cet égard que des corvées pour lesquelles il eft défendu aux feigneurs par les arrêts & réglemens & notamment par celui des grands jours de Clermont du 9 janvier 1666, de compofer chaque année à prix d'argent avec leurs cenfitaires.

Il n'en feroit pas de même fi cet abonnement ne fe faifoit qu'avec quelques-uns des vaffaux: comme le feigneur n'en feroit pas moins obligé aux réparations & aux dépenses d'entretien pour les autres habitans, le prix de l'affranchiffement pour quelques-uns d'entr'eux n'auroit rien d'illicite : c'eft ce qui réfulte d'un arrêt du 12 août 1606 rapporté par Corbin, & cité par Guyot dans fes obfervations fur les Banalités : par cet arrêt le nommé Turlin fut condamné à payer au président de Lammeville, feigneur

d'Autheuil, une poule de cens au jour de Noël, pour la permiffion qu'il avoit obtenue d'ufer d'un four particulier au lieu du four banal. Le même feigneur fut encore maintenu dans la poffeffion de fe faire payer le même droit par chaque ménage de fa feigneurie; mais il у а арparence que les abonnemens ne s'étoient faits que fucceffivement, & dans ce cas la redevance pouvoit être tolérée; autrement cette dernière difpofition de l'arrêt ne nous paroîtroit conforme ni aux principes ni à l'équité; cependant ceci n'empêche pas que le fermier ne puiffe abonner pour la durée de fon bail. C'eft ce qui réfulte d'un arrêt du parlement de Paris rendu le 9 décembre 1757 entre les chanoines réguliers de faint Jean-des-Vignes de Soiffons & le prieur de faint Vulgis. Le fermier du four banal de la Ferté-Milon avoit permis à des particuliers pendant fon bail de conftruire chez eux des fours, & cette permiffion donnée moyennant une certaine fomme pour abonnement fut tolérée.

Cette queftion nous conduit à examiner fi le feigneur trouvant la Banalité trop à charge peut y renoncer malgré fes fujets? Pour décider cette queftion, on diftingue entre la Banalité conventionnelle & la Banalité coutumière. Lorsque la Banalité eft de convention, on prétend que le feigneur n'y peut pas renoncer fans le confentement des habitans, qu'il faut même des lettres patentes fuivies d'une information pour favoir fi la chofe convient ou non à leurs véritables intérêts. On cite à ce fujet un arrêt du 16 juin 1705 rapporté au journal des audiences. Il est vrai que dans l'efpèce de cet arrêt il y avoit un traité pour l'extinction de la Banalité d'un

four

four moyennant une redevance annuelle, & que ce traité fut annullé. Mais il s'agiffoit de favoir fi cette redevance étoit contraire ou non aux intérêts des particuliers; & ce fut un fait à vérifier par une enquête; de forte que cet arrêt ne décide pas exactement la queftion que nous examinons ici. Cependant lorfqu'il paroît que le prix originaire de la Banalité étoit en argent, & que par l'augmentation des efpeces ce prix ne fe trouve plus proportionné aux dépenfes qu'exige l'entretien de la Banalité, le feigneur peut renoncer à fon droit, à moins que les vaffaux ne veuillent augmenter le prix à dire d'experts. C'est ce qui a été jugé par un arrêt du parlement de Grenoble du 2 mars 1634 en faveur du propriétaire d'un four banal.

Il en feroit différemment fi le droit se payoit en nature. Comme les chofes confervent toujours entr'elles une certaine proportion, le feigneur eft cenfé recevoir en tout temps la même indemnité.

Lorsque le feigneur exerce la Banalité comme un droit attaché à fa feigneurie, les auteurs conviennent qu'il peut librement y renoncer fans entrer dans aucune difcuffion à cet égard avec fes fujets. Mais lorsqu'une fois il y a renoncé nous ne croyons pas qu'il puiffe la reprendre pour la quitter encore à fon gré : une faculté pareille entraîneroit les plus grands inconvéniens. Suppofons qu'il lui ait pris l'envie de détruire fon moulin banal ou de le laiffer tomber en ruine, les vaffaux dès ce moment doivent avoir la liberté de conftruire des moulins pour leur ufage particulier, car il faut qu'ils puiffent faire moudre leurs grains: fi ces mouTome V.

B

lins étant conftruits le feigneur jugeoit à propos de rétablir le fien & de faire abattre ceux de fes cenfitaires pour jouir de fon droit de Banalité, il eft certain qu'il leur cauferoit un préjudice confidérable. Tout ce qu'on pourroit tolérer en pareil cas de plus favorable pour le feigneur, feroit de lui permettre de reprendre fon droit en indemnifant fes vaffaux de ce qu'il auroit pu leur en coûter pour la conftruction d'un moulin particulier. Avec une indemnité raisonnable, il n'y auroit aucune difficulté à le laiffer rentrer dans un droit inhérent à fa qualité de feigneur. Mais pour obtenir cette indemnité dans le temps, nous croyons qu'avant aucune conftruction les vaffaux feroient obligés de mettre le feigneur en demeure par une fommation, ou de leur conftruire un moulin, ou de réparer celui qui exiftoit (*)

(*) Formule d'une fommation au feigneur pour l'obliger à conftruire un moulin ou à réparer celui qui exiftoit.

L'an.... à la requête de.... demeurant à........ où il fait élection de domicile, je.... huiffier, &c.... me fuis transporté à.... au domicile (ou du feigneur ou de fon procureur-fifcal) ou étant & parlant a.... je lui ai déclaré que le moulin de.... fitué à.... appartenant audit feigneur à caufe de fon droit de Banalité dans fa feigneurie de.... étant en ruine depuis quelques années fans qu'on fe foit mis en devoir de le réparer, ce qui caufe un préjudice notable aux habitans & fur-tout au requérant qui eft obligé de recourir à des moulins étrangers fort éloignés de fon domicile, j'étois chargé de lui faire comme je lui ai fait par ces préfentes fommation de faire réparer inceffamment ledit moulin de façon qu'il foit en état de moudre les grains que le requérant pourra y apporter ou envoyer, & lui ai déclaré que fi dans le délai de trois mois (plus ou moins fuivant que les réparations à faire font confidérables) il ne

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