Page images
PDF
EPUB

qu'à prefent aucune atteinte, finan l'Arreft du 13.

par

Août 1672. dont il s'agit, & contre lequel Mademoiselle d'Orleans Comtefle d'Eus'eft pourvûë.

Les Auteurs de cet acte de Notorieté n'étoient pas apparemment informez des faits, ou fe laiffoient-ils féduire par l'amour qu'ils avoient pour leurs Ufages particuliers. Le Parlement de Paris les avoit déja condamnez par differens Arrests, & depuis il les a rejettés tant de fois en divers cas qu'il n'eft pas poffible de les faire valoir.

J'ay vû quantité de perfonnes qui m'ont assuré que dans le Comté d'Eu l'on ftipuloit fouvent par les Contrats de mariage la Communauté de biens entre les futurs Epoux, qu'on y conftituoit au denier 20.& non au denier 18. comme dans le refte de la Province; que la femme s'y pouvoit obliger conjointement avec fon mary nonobftant le Senatus Confulte Velleien & l'Autentique Si quamulier; & que ce n'étoit point le contrôle qui donnoit l'Hypoteque aux Contrats paffez pardevant Notaires; tous lefquels Usages combattent ouvertement ceux de Normandie.

Le 21. Avril 1714. on agita dans la conference qui fe faifoit au lieu où eft la Bibliotheque de M". les Avocats la Question de fçavoir fi les Habitans du Comté d'Eu eftoient obligez de fuivre la Coûtume generale de cette Province, & l'on traita cette Queftion que j'avois donnée à examiner, par rapport à l'ancienne Coutume; à la nouvelle redigée en 1583; au Reglement general fait au Parlement de Rouen au mois d'Avril 1666; & à la Jurifprudence de ce même Parlement.

Quant à l'ancienne & à la nouvelle Coûtume, toute l'Assemblée convint que ces peuples ne pouvoient fe

Refuitat de La Conference

fouftraire des difpofitions de l'un & de l'autre telles qu'elles avoient été arretées par les Etats en 1583. & qu'il n'y avoit point d'Ufage qui dût les en faire écarter. Il eft vrai que par rapport au Reglement de 1666. & à la Jurifprudence particuliere établie par les Arrefts du Parlement de Roüen, l'Affemblée ne fut pas d'un avis uniforme; mais ce n'eft pas ici le lieu d'agiter ces Questions importantes; nous les traiterons ail leurs; il fuffit quant à prefent de dire & de faire voir que la Coûtume generale de Normandie est la Loi qui doit regir & gouverner le Comté d'Eu, & qu'il faut abfolument rejetter tous les Ulages qui ne fe concilient pas avec ses dispositions,

Our ce qui regarde l'ancienneCoûtume de Normandie, l'avis uniforme a efté qu'elle doit eftre obfervée dans le Comté d'Eu, foit qu'on conda 21 Avril, fulte la Loy naturelle; les Loix Romaines; les principes du droit François; redigée par Me Mathieu l'Ufage de tous les Parlemens du Royaume ; & celui du Parlement de PaAgeard Ave ris en particulier. Tout concourt à établir que les peuples doivent eftre ju

gez fuivant la Loy du Pays dans lequel ils vivent, & non pas fuivant celle du Juge qui décide leurs conteftations. Quant à la nouvelle Coûtume, on a trouvé plus de difficulté; mais pourtant on s'eft unanimement déterminé à dire qu'on devoit la fuivre dans le Comté d'Eu.

CHAPITRE X.

Si le droit de Viduité du Mari fur les biens de fa femme a lieu dans le Comté d'Eu.

SOMMAIRE.

I. Cette Queftion s'eft prefentée en 1611 au Parlement de
Paris.

II. Articles de la Coûtume de Normandie.

III. Plaidoié de Me. de la Martiliere pour Mr. le Prince de
Condé.

IV. Plaidoié de Me. Antoine Arnauld pour Mr. le Duc de
Guife Comte d'Eu.

V. Plaidoie de Mr. l'Avocat General Servin.

VI. Arrêt du 8 Mars de ladite année 1611.

VII. Autres Arrêts qui ont decidé la question.

C

Ette Question se prefenta le 8 Mars 1611 en l'Audience de la Grand'Chambre du Parlement de Paris où elle fut folemnellement plaidée.

Les Parties étoient Henry de Bourbon, Prince de Condé, Premier Prince du Sang, & Dame CharlotteCatherine de la Trimoüille fa mere d'une part; & Dame Catherine de Cleves Ducheffe de Guife, tant en fon nom, que comme tutrice de les enfans, & Charles de Lorraine Duc de Guise, Pair de France, Gouverneur de Provence, & Comte d'Eu, d'autre part.

Mr. Pierre de la Martiliere plaida pour M. le Prince de Condé: M. Mauguin pour Madame la Duchesse

1.

II.

de Guise: M. Antoine Arnaud pour M'. le Duc de Guife: & ce fut M. l'Avocat General Servin qui porta la parole en cette caufe.

Je n'ay pû découvrir le plaidoié de M.. de la Martiliere; j'ay trouvé feulement celui de M. Arnaud qui fut imprimé en 1612. & qui eft intitulé les Gardes de Normandie, & à l'égard de celui de M'. Servin il eft énonçé tout entier dans l'Arrest qui fut rendu fur la contes tation des Parties, & qui eft parmi fes actions notables & plaidoiés qui ont été donnés au Public.

Il y avoit deux Questions principales à juger dans la cause, la premiere confiftoit à fçavoir fi par l'ancienne Coûtume de Normandie le droit de Garde devoit être préferé au droit de Viduité; & la feconde file droit de Viduité avoit lieu dans le Comté d'Eu.

Pour bien entendre ces matieres & les difcuter avec progrés, il eft bon d'observer qu'il ya dans la Coûtume de Normandie trois articles qui parlent de ce droit de viduité qui appartient au mari fur les biens de fa fem

me.

Le premier eft l'article 382 qui porte que Homme ayant eu enfant né-vif de fa femme jouit par ufufruit tant qu'il fe tient en viduité de tout le revenu appartenant à fadite femme lors de fon deceds, encore que l'enfant foit mort avant la diffolution du mariage, s'il fe marie il n'en jouira que du tiers. Le Procés verbal de la reformation de la Coûtume porte que du confentement des Députés l'on ajoûta à cet article pour difpofition nouvelle ces mots, & s'il fe remarie, n'en jouira que du riers.

il

Par le fecond qui eft l'article 383 il eft dit que Le droit de Viduité appartient au mary, non feulement au préjudice des enfans de fa femme de quelque mariage qu'ils foient fortis, mais

auffi

auffi des Seigneurs feodaux ausquels pourroient appartenir les heritages de la femme, foit à droit de confifcation, ligne éteinte & reverfion, ou droit de Garde des enfans ou heritiers mineurs d'ans de la femme. Mais il faut remarquer que le procés verbal ne dit rien au fujet de cet article, c'eft-à dire qu'il ne fpecifie point s'il étoit de l'ancienne Coûtume; s'il a été ajoûté pour Loy nouvelle; ou fi l'on y a feulement ajouté quelque chose.

Et par le troifiéme qui eft l'art. 384.LeMari doit nourrir, entretenir, & faire inftruire les enfans de fa femme, fi d'ailleurs ils n'ont bien fuffifants; méme aider à marier les filles; laquelle nourriture, entretenement, inftruction, & contribution de mariage fera arbitrée en juftice par l'avis des parens, eu égard à la valeur de la fucceffion & nombre des enfans; de toutes lefquelles charges il fera quitte en laissant aufdits enfans le tiers du re-venu de la fucceffion de leur Mere. Á l'égard duquel article le procès verbal dit formellement qu'il a été ajoûté pour Loy nouvelle.

C'étoit M. le Prince de Condé qui foutenoit que le droit de Garde ne pouvoit point l'emporter fur le droit de Viduité, & que d'ailleurs celui-ci devoit avoir lieu dans le Comté d'Eu comme dans tout le refte de la Province. Et pour établir fa prétention, il dit, fi l'on en juge par les deux plaidoiés que nous avons de M. Arnaud & de M. l'Avocat General Servin, que le droit de Viduité du Mary n'étoit pas un droit nouvellement introduit par les Etats lors de la reformation de la Coûtume de Normandie, puifqu'il en étoit parlé dans l'ancien Coûtumier au chap. 119. en ces termes, Coûtume est en Normandie despieça que se ung homme a heu femme de qui il ayt eu enfant nay vif, jaçoit qu'il ne vive mais, toute la terre qu'il tenoit de par fa femme en tems qu'elle mourut lui remaindra

M

« PreviousContinue »