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foible; cela dépend de la nature du Conquêt, & de fa fituation; mais ce qu'il y a de certain, eft que la femme prend cette part en qualité d'heritiere de fon mary, comme il eft prouvé par plufieurs articles de la Coûtume, & par l'arrangement qu'on a donné à celui qui fixe fon droit, lequel eft couché dans le titre des Succeffions collaterales.

L'ufage ordinaire de la Province eft de lui donner IIL la moitié en proprieté dans ceux qui font en Bourgage, & cet ufage eft fort ancien. Voyez le vieil Coûtumier Chap. XXXI. C. & CI. l'ancien ftile de proceder au païs de Normandie, titre de Conquest, & titre de Douaire, Guillaume le Rouillé fur les precedens Chapitres ; & Terrien livre 7. chapitre VII. où il cite deux Arrets des 8. Mai 1516. & 23. Août 1546. qui l'ont ainsi jugé.

Lors de la reformation de la Coûtume, les Etats ne jugerent pas à propos de donner atteinte à cette difpofition ancienne; au contraire ils la confirmerent par un Article exprés qu'ils infererent dans le cahier des Articles arreftez qui est l'article 329. la femme après la mort du mary a la moitié en proprieté des Conquets faits en Bourgage con conf tant le mariage, & quant aux Conquêts faits hors Bourgage, la femme a la moitié en proprieté au Bailliage de Gifors, & en ufufruit au Bailliage de Caux, & le tiers par ufufruit aux autres Bailliages&Vicomtez. Pour fçavoir ce que c'eft queBourgage, voyez l'ancienne Coûtume Chap. XXXI. Berault & Basnage sur ledit article 329. & Ragueau en son Indice des droits Royaux.

Cet article 329. n'eft pas pourtant univerfellement IV. fuivi dans toute l'étenduë de la Province; il y a des Villages où les femmes ont la moitié des Conquets faits

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pendant le mariage, & nous avons des Villes & des
Bourgs
où cette moitié ne leur appartient pas en pro-
friete contre la difpofition de l'article. C'est ce qui fe
reconnoit par les Ufages Locaux de la Province.

Par l'article premier des Ufages Locaux de la Vicomté de Montiervillers les femmes n'ont rien en propre dans les acquifitions qui fe font pendant le mariage aux Villes de Harfleur le Havre, Montiervillers, Fêchamp, ou en quelqu'autre Ville ou Bourgage que ce foit en la Vicomté de Montiervillers, & ce n'est que par ufufruit feulement qu'elles en ont la moitié.

La même regle a lieu pour les Conquêts faits d'heritages ou rentes affifes en la Ville de Caën, & autres lieux où il y a droit de Bourgeoisie en la Vicomté dudit Caen à l'exception toutesfois du Bourg d'Argence où les femmes ont moitié en proprieté des Conquêts. Article 1, des Usages de la Vicomté de Caën.

On Veut qu'un pareil usage fe foit introduit dans le Comté d'Eu, & que tout ce que les femmes peuvent efperer dans les Conquêts qui fe font en Bourgage eft la moitié seulement par ufufruit: mais les Commissaires nommez pour la Rédaction des Ufages Locaux de Normandie ayant par leur jugement du 10 Septembre 1586, donné deffaut contre les fieur & dame Comte & Comteffe d'Eu, & contre les Officiers, Praticiens, & autres Habitans du Comté d'Eu, & pour le profit fait deffenses à eux d'alleguer à l'avenir autres Ufages que ceux compris dans les trois articles qu'ils venoient d'arpour la Vicomté d'Arques, lefquels Ufages, fi aucuns y avoit, demeureroient reduits à la Coûtume generale, il n'y a pas d'apparence d'admettre celui-ci, & ce d'autant plus qu'il eft contraire à la Coûtume ancienne.

rêter

Auffi a-t-il été condamné par un Arreft du 23.Août

1701.

rendu en la troifiéme Chambre des Enquêtes au rapport de M. de Ribaudon du Monceau, & obtenu par Mr. André de Beaumont Avocat au Bailliage d'Eu, Lieutenant de l'Amirauté, & Procureur Fifcal du Comté & par Damoiselle Marie le Boucher son épouse, auparavant Veuve de Nicolas Verton fieur de Chiffreville Officier de feu Mademoiselle d'Orleans, par lequel il fut dit qu'elle auroit en proprieté la moitié des Conquêts qui avoient été faits dans la Ville d'Eu pendant & conftant fon premier mariage.

Cet Arrêt merite une attention toute particuliere; outre qu'il a été donné fur la propre pourfuite du Procureur Fifcal du Comté d'Eu qui n'a point fait difficulté d'en attaquer les Ufages, étant mieux inftruit que tout autre du peu d'autorité qu'ils devoient avoir, il eft conforme à l'ancien droit municipal de la Pro

vince.

Si l'on veut bien fe donner la peine de jetter les yeux fur le Chapitre XXXI. de nôtre vieil Coûtumier, on y verra qu'anciennement nos Peres donnoient à la femme une part en proprieté dans les Conquêts fituez en Bourgage, & que cette part alloit à la moitié. Sçavoir devons les femmes doivent avoir après la mort de leurs marys la que moitié des achaps qui font fais en leurs tems.

Le Chapitre C. qui eft le Chapitre où il eft traité du Brief de mariage Encombré nous apprend la même chose; en achapt que le mary faffe d'heritage, n'aura la femme point de partie, fors en Bourgage où elle a la moitié

Nous trouvons encore une femblable disposition dans Chapitre fuivant qui traite du Brief de doüaire à femme; cette disposition eft concuë dans des termes qui ne laiffent point d'équivoque; l'en doit fçavoir_qu: femme

ne peut avoir doüaire, ne partie en Conquêt que fon mary ait fait puis qu'il l'époufa, fors en Bourgage où elle aura la moitié; mais de douaire n'y aura elle point.

A l'égard du stile ancien de proceder au païs de Normandie, il y a deux titres qui font auffi mention de cet usage.

Le premier eft le titre de Conquêt qui porte expreffe ment Que la femme prend part de moitie heredital és Conquêts & Heritages qui font affis en Bourgage.

Et le fecond eft le titre de Douaire qui eft ainfi conçû. Item, femme ne peut avoir doüaire en ce qui est echû à son mary depuis les Eponfailles par fucceffion de ligne collaterale; ne mefmement de ce que durant le mariage il auroit conquefté, fe le conqueft eft affis en lieu où femme acquiert felon la Coûtume Ufage du lieu comme en Bourgage.

Guillaume le Rouillé qui eft le plus ancien Commentateur que nous ayons de nôtre viel Coûtumier, a fait mention de ce même Usage fur les Chapitres que nous venons d'indiquer ; & Terrien a fait la même chose liv. 7. chap. 7.

Voilà ce qui détermina les Commissaires & les Députez des trois Eftats de la Province à rediger l'article 329 du Cahier par eux redigé dans les termes où je l'ai rapporté cy-devant.

Il faut neanmoins obferver que par le Procès verbal de la Reformation, il paroît que cet Article fut accordé par les Députez pour Loy nouvelle en ces mots : Et le tiers par ufufruit aux autres Bailliages Vicomtez. Ce qui doit faire conclure que par la Coûtume generale les femmes ne prenoient aucune part dans les Conquefts faits hors Bourgage, & que l'ufage de leur en donner la moitié en propriété quand ils étoient dans

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le Bailliage de Gifors, & la moitié en ufufruit, lorfqu'ils étoient fous le Bailliage de Caux, étoit un Ufage qui s'étoit introduit dans ces Cantons-là, comme plufieurs autres qui s'étoient établis dans differens endroits de la Province, & qui, quoiqu'oppofez à la difpofition generale de la Coûtume, ne laiffoient pas

d'être oblervez.

Auffi Me Henry Basnage fur cet article a t'il fait la remarque, que la Coûtume de donner à la femme la moitié par ufufruit aux acquêts faits en Caux, eft fondée principalement fur un Arrêt du 8 de Mars 1517, donné pour la Dame d'Etoutteville, aprés une enquête par Tourbes de la Coûtume du Païs touchant les Conquêts.

Terrien a fait auffi mention de cet Ufage dans fon Commentaire l. 1. chap. VII. en ces mots, l'Ufage de Caux eft que la femme a la moitié par ufufruit ès Conquefts affis hors Bourgage & au Bailliage de Gifors, elle y acquiert la moitié en proprieté ès heritages affis entre les trois Rivieres de Seine, Epte, & Andelle qui eft le Vexin Normand.

:

Par Conquêts en Bourgage nous entendons communement ceux qui font fitués dans des Villes, dans des Fauxbourgs, ou dans des Bourgs.

Quant aux Bourgs, Berault fur ledit article dit 329 que felon quelques-uns cette dénomination s'applique aux lieux où il y a Marchés, ou Jurisdictions Royales, ou Haute-Justice; mais qu'à son avis ce droit de Bourgeoifie doit dépendre de l'Ufage obfervé de tout tems dans le lieu, & que c'est à cet Usage qu'il s'en faut

rapporter.

Et à l'égard de Bafnage, fur le même article il dit que la Coûtume en établiffant une efpece de biens

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