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reur de M. de Guife, l'Avocat General du Parlement de Roüen qui étoit M. Thomas, fe fut préparé depuis le mois d'Avril jusqu'en Septembre, & fait un long Plaidoié, s'attachant à combattre contre fon ombre, les Commiffaires donnerent deffaut, pour le profit duquel ils firent deffenses à toutes fortes de perfonnes d'alléguer à l'avenir la Coûtume Locale du Comté d'Eu; & que de cette Sentence injufte & extraordinaire M. de Guife déclaroit interjetter appel, demandant qu'il fût dit qu'il avoit été mal, nullement, & incompetemment jugé, & qu'en émendant il fût ainfi que tous les Habitans du Comté maintenus dans leurs droits où la Cour avoit bien voulu les conferver par une infinité de ses Arrêts.

Qu'inutilement M. le Prince oppofoit que le Comté d'Eu étoit dans les limites de la Normandie bornée par la Riviere de Sarte, & qu'en certaines chofes on y gardoit la Coûtume Generale de la Province; que cette circonftance ne concluoit rien pour donner pouvoir à ces Commiffaires, parce que le privilege de la Pairie paffoit par deffus toutes ces confidérations: ce qui avoit été expressément décidé par les deux Chartres d'Henry II. des mois de Mars & d'Avril 1551 avant Pafques, verifiées au Parlement de Paris les 30 Mars & 3 Mai ensuivans, par lefquelles le Roy avoit déclaré que fon intention étoit que le Comte d'Eu qui étoit feu M. de Nevers pere de Madame la Ducheffe de Guife joiît pleinement & paisiblement de l'effet de sa Pairie d'Eu, & en confequence que Lui, fes Vaffaux & Sujets de fon Comté reffortiffent en toutes caufes & affaires en la Cour des Pairs, au Parlement de Paris comme à la Cour naturelle des Pairs de France, interdisant au Parlement de Rouen, & à tous autres Juges toute Cour,

Jurifdiction, & Connoiffance de ce qui concernoit le Comté d'Eu, & impofant filence à fon Procureur General au Parlement de Rouen prefent & à venir; qu'il étoit à remarquer que la verification portoit ces mots, Audito id requirente Procuratore Generali Regis ; & que ces Chartres & verifications avoient été fignifiées plufieurs fois au Procureur General de Normandie.

Que cela fervoit de réponse à tout le long difcours que M. l'Avocat General Thomas avoit fait en presence des Commiffaires, où il avoit foûtenu que le Comté d'Eu étoit Pairie Masculine, & par conféquent éteinte plusieurs fois; que fon érection montroit le contraire, & qu'elle fubfiftoit encore en fa pleine force & vigueur; que M. Thomas avoit été contraint de confeffer que les Pairies pouvoient être feminines, en quoi il n'y avoit nulle difficulté; que fi la condition de mafculinité n'y étoit appofée, nullo discrimine sexûs, elles sub. fiftoient toûjours; que la fonction d'affiftance aux Jugemens n'étoit pas fans exemple; qu'il avoit encore été forcé de reconnoître ceux des Comteffes de Flandre & d'Artois; mais que la continuation de la dignité de la Pairie n'avoit pas de doute ni de difficulié, & que d'alléguer comme il avoit fait qu'il y avoit quelques nouvelles Pairies qui n'avoient point apporté la distraction de reffort, la conclufion qu'on en tiroit n'étoit pas jufte; parce que c'étoient des loix, des conditions, & des modifications que le Souverain pour divers refpects pouvoit imposer par fa toute-puissance, & qui ne préjudicioient en rien aux droits des anciennes & principales. Pairies comme celle du Comté d'Eu qui fe trouvoit aùjourd'hui la plus ancienne de toutes les Pairies non Ecclefiaftiques.

Qu'elle ne reconnoiffoit donc que le Parlement de Paris; mais que cela ne changeoit pas fes Coûtumes; que le Comté d'Eu étoit gouverné par la Coûtume Generale de Normandie,& par fa Coûtume Locale & Particuliere; que la Coûtume Generale de Normandie y avoit lieu en tant qu'il n'y étoit point dérogé par la Locale comme il étoit au fait du droit de Viduité; qu'on n'avoit jamais dit qu'il fût regi par la Coûtume d'Abbeville, & que former cette objection à fon efprit, ç'étoit feindre des monftres pour les combattre ; mais que le Parlement ou autres juges de Normandie n'avoient aucun pouvoir fur lui, ni fur fa Coûtume Locale, & ne pouvoient aucunement s'en m'êler; que ç'étoit à Meffieurs du Parlement de Paris qui en jugeoient les procès, qui interloquoient, & qui informoient de cette Coûtume, à la recueillir, & à la rediger par écrit, & non à ceux qui par les Lettres d'Henry II. dont la verification avoit été faite en cette Cour, étoient privés de connoître de ce qui concernoit ce Comté.

a

Qu'on voyoit par là la nullité manifefte de la Sentence du 10 Septembre 1586, par laquelle les Commiffaires de Rotien avoient entrepris de priver les Habitans du Comté d'Eu de leur Coûtume Locale; & que ces mots y compris le Comté d'Eu avoient été fubreptissement gliffés dans les Lettres obtenues en 1577 par le Syndic des Etats de Normandie, qui s'étoit toûjours efforcé d'envelopper ce Comté dans la Jurifdiction de fon Pays par attentat à l'autorité du Parlement de Paris; mais qu'il fuffifoit de s'y opposer comme on avoit toûjours fait, & comme faifoit encore M. le Duc de Guife, & pareillement à la verification generale de la Coûtume de Normandie en tant qu'on vouloit s'en prévaloir contre

lui qui n'y avoit point été prefent, & qui d'ailleurs fupplioit la Cour de fe fouvenir que le Confeil de M. le Prince avoit mis en avant que les Coûtumes Particu lieres du Bailliage de Caux avoient été registrées au Comté d'Eu (ce qui n'avoit jamais été fait) au lieu de dire en la Vicomté d'Arques, ainfi qu'il étoit exprimé par le procès verbal; qu'on n'avoit eu garde de faire enregistrer au Bailliage d'Eu n'y d'y faire fignifier cette Sentence du 10 Septembre 1586, ni les articles de la Coûtume Locale de Caux; que fi on l'avoit entrepris, M. de Guife & les Habitans du Comté n'auroient jamais fouffert cet enregistrement, ne reconnoiffans autorité fuperieure que celle du Roy, & de fon Parlement de

Paris.

Enfin que M. le Duc de Guife rapportoit une piece qui prouvoit nettement le premier point qu'il avoit fait plaider, c'eft à dire qu'il y avoit une Coûtume Locale à Eu, & qui juftifioit combien le fait qu'il avoit avançé que le droit de Viduité n'y avoit point lieu étoit recevable & pertinent; que cette piece étoit un Arreft du 15 Avril 1570 donnée en la caufe de David Turpin quatre ans auparavant le decès de Madame la Princeffe de Condé, & dans un tems qu'on ne pouvoit pas prévoir le procés qui étoit à juger; que le difpofitif en étoit remarquable & conçû en ces termes : Notredite Cour par fon fugement & Arrest, avant que proceder au jugement dudit Procez, pour le regard du premier chef d'icelle Sentence concernant l'ufufruit prétendu par ledit Turpin durant fa Viduité, ordonne qu'il fera informé d'Office & fait deux turbes en ladite Ville d'Eu fur certains articles extraits dudit Procez de la commune observance & ufage dudit Comté d'Eu, & quant aux autres chefs &c. & que celui qui prétendoit ce droit, & qui avoit

V.

paffé par deffus le dégré de la Jurifdiction du Bailly, Içachant qu'il infirmeroit la Sentence du Vicomte qui étoit dans fes interêts n'ofa jamais poursuivre, voyant la preuve du fait en conteftation admife, & fe defista de la prétention.

Et à l'égard de M. l'Avocat General Servin, il fit voir que le droit de Viduité du pere étoit un droit special établi & autorisé par l'ancienne Coûtume de Normandie, & qu'ilétoit fondé fur de très grandes confiderations; qu'il n'étoit pas moins favorable que le Doüaire des femmes, comme on l'apprenoit de l'ancien Coûtumier où aprés le Chapitre 118. où il étoit traité d'Enquefte de Douaire, fuivoit immediatement celui de Vefveté d'homme, & parle Coûtumier qui avoit été redigé en 1577, 1578, 1582, 1583, & 1585, où l'on avoit mis conjointement fous un même titre le Douaire des femmes & le Veuvage des maris; qu'il étoit facile de reconnoître par cet arrangement que la Coûtume ancienne & la nouvelle avoient toûjours fait marcher d'un pas égal la faveur des peres & des meres; & que par cette raison il ne falloit pas oppofer la garde Seigneuriale à ce droit deViduité,puifqu'elle ne pouvoit pas préferer leDoüaire. Ce qu'il foutint par une infinité de moyens folides, de remarques curieufes, & d'observations fçavantes tirées du Droit & de l'Hiftoire, en refutant au même tems les objections que l'Avocat de Monfieur de Guise avoit faites.

Qu'on n'avoit pas eu raifon de consommer, comme on avoit fait, le tems à parler de plufieurs articles de nouvelle Coûtume dont il n'étoit nullement queftion pour tâcher d'infinuer que les Commiffaires qui l'avoient redigée s'étoient plus propofé pour objet leur interêt particulier

que

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