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tionnel, Lafayette combattit le projet qui interdisait pour trente ans à la nation le droit de modifier la constitution; lorsqu'elle fut achevée, il fit décréter l'abolition immédiate des procédures relatives à la révolution, de l'usage des passeports et de toute restriction à la liberté de voyager dans l'intérieur et hors de la France.

Le 8 octobre, il prit congé de la garde nationale, par une lettre affectueuse, dans laquelle il lui retrace ses principes de liberté et d'ordre public. Voici le texte de ce document remarquable.

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« Messieurs,

« Au moment où l'Assemblée nationale consti<< tuante vient de déposer ses pouvoirs, où les << fonctions de ses membres ont cessé, j'atteins également le terme des engagemens que je con«< tractai, lorsque placé par le vœu du peuple à la «< tête des citoyens qui, les premiers, se dévoué« rent à la conquête et au maintien de la liberté, je promis à la capitale, qui en donnait l'heureux signal, d'y tenir élevé l'étendard sacré de la « révolution, que la confiance publique m'avait

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« remis.

Aujourd'hui, messieurs, la constitution a été << terminée par ceux qui avaient droit de la faire; « et après avoir été jurée par tous les citoyens, par <<< toutes les sections de l'empire, elle vient d'être légalement adoptée par le peuple tout entier, et

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<< solennellement reconnue par la première assem

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« blée législative de ses représentans, comme elle « l'avait été, avec autant de réflexion que de « loyauté, par le représentant héréditaire qu'elle a chargé de l'exécution des lois. Ainsi les jours de « la révolution font place à ceux d'une organisa«tion régulière, à ceux de la liberté, de la pros« périté qu'elle garantit. Ainsi, lorsque tout con« court à la pacification des troubles intérieurs, <«<les menaces des ennemis de la patrie devront, à «la vue du bonheur public, leur paraître à eux« mêmes d'autant plus insensées, que, quelque << combinaison qu'on parvînt jamais à former contre « les droits du peuple, il n'est aucune ame libre « qui pût concevoir la lâche pensée de transiger <«< sur aucun de ses droits, et que la liberté et l'égalité une fois établies dans les deux hémis« phères, ne rétrograderont pas.

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« Vous servir jusqu'à ce jour, messieurs, fut le <«< devoir que m'imposèrent et les sentimens qui << ont animé ma vie entière, et le juste retour de « dévouement qu'exigeait votre confiance. Remet<< tre actuellement, sans réserve, à ma patrie tout « ce qu'elle m'avait donné de force et d'influence « pour la défendre pendant les convulsions qui <«< l'ont agitée, voilà ce que je dois à mes résolu<«<tions connues, et qui satisfait au seul genre « d'ambition dont je sois possédé.

་ Après cet exposé de ma conduite et de mes « motifs, je ferai, messieurs, quelques réflexions «< sur la situation nouvelle où nous place l'ordre

«< constitutionnel qui va commencer. La liberté « naissait entourée de signes de paix, lorsque ses << ennemis, provoquant les défenseurs du peuple, « nécessitèrent la naissance inattendue des gardes << nationales, leur organisation spontanée, leur al«liance universelle, enfin ce développement de « forces civiques qui rappelait l'usage des armes à « sa véritable destination, et justifiait cette vérité qu'il m'est doux de répéter aujourd'hui, que pour « qu'une nation soit libre, il suffit qu'elle le « veuille. Mais il est temps de donner d'autres exemples, et ceux-là, qui seront encore plus im<< posans, sont d'une force irrésistible qui ne s'exerce « que pour le maintien des lois.

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« J'aime à rappeler ici, messieurs, comment, « au milieu de tant de complots hostiles, d'intri«gues ambitieuses, d'égaremens licencieux, vous « avez opposé à toutes les combinaisons perverses « une infatigable fermeté; aux fureurs des partis, « aux séductions de tous les genres, le pur amour <«< de la patrie; comment enfin, au milieu des orages « de vingt-sept mois de révolution, vous n'avez << calculé les dangers que pour multiplier votre vigilance, et leur importance, qu'autant qu'ils pouvaient compromettre ou servir la liberté. « Sans doute, nous avons eu trop de désordres à déplorer, et vous savez quelle impression dou«loureuse et profonde ils ont toujours faite sur moi; sans doute nous-mêmes nous avons eu des « erreurs à réparer; mais quel est celui qui, en se

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« rappelant non-seulement les grandes époques de «la révolution où la chose publique vous doit «tant, mais encore ce dévouement de tous les «< instans, ces sacrifices sans bornes d'une portion << des citoyens pour la liberté, le salut, la prospé«< rité et le repos de tous; en réfléchissant surtout « à cet état provisoire qui ne fait que cesser pour « vous, et où la confiance devait sans cesse suppléer à la loi ; quel est, dis-je, parmi ceux mêmes qui vous provoquaient, et que vous protégiez, <«< celui qui oserait blâmer aujourd'hui les hom<«<mages que vous doit un ami sincère, un général «juste et reconnaissant?

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<< Gardez-vous cependant de croire, messieurs, « que tous les genres de despotisme soient détruits, « et que la liberté, parce qu'elle est constituée et <«< chérie parmi nous, y soit déjà suffisamment éta« blie. Elle ne le serait point, si d'un bout de l'em<< pire à l'autre tout ce que la loi ne défend pas n'était pas permis; si la circulation des personnes, « des subsistances, du numéraire, éprouvait quel« que résistance; si ceux qui sont appelés en ju«gement pouvaient être protégés contre la loi; si « le peuple, négligeant ses plus précieux devoirs et sa dette la plus sacrée, n'était ni empressé « de concourir aux élections, ni exact à payer les «< contributions publiques; si des oppositions arbi<«< traires, fruit du désordre ou de la méfiance, pa«ralysaient l'action légale des autorités légitimes; << si des opinions politiques ou des sentimens per

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<< sonnels si surtout l'usage sacré de la liberté de « la presse pouvaient jamais servir de prétexte à << des violences; si l'intolérance des opinions reli<«<gieuses, se couvrant du manteau de je ne sais quel patriotisme, osait admettre l'idée d'un culte «< dominant ou d'un culte proscrit; si le domicile « de chaque citoyen ne devenait pas pour lui un << asile plus inviolable que la plus inexpugnable « forteresse; si, enfin, tous les Français ne se « croyaient pas solidaires pour le maintien de leur <«< liberté civile, comme de leur liberté politique, « et pour la religieuse exécution de la loi; s'il n'y « avait pas dans la voix du magistrat qui parle en << son nom, une force toujours supérieure à celle des millions de bras armés la défendre. « Puissent tous les caractères, tous les bienfaits « de la liberté, en consolidant de plus en plus le « bonheur de notre patrie, récompenser dignement « le zèle de toutes les gardes nationales de l'empire, armées pour la même cause, réunies par

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pour

« un même sentiment! et qu'il me soit permis de « leur exprimer ici une reconnaissance, un dé<< vouement sans bornes, comme le furent, pen«< dant cette révolution, les témoignages de con<< fiance et d'amitié dont elles m'ont fait jouir.

<< Messieurs, en cessant de vous commander, à «< cet instant pénible de notre séparation, mon cœur, pénétré de la plus profonde sensibilité, recon<< naît plus que jamais les immenses obligations

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qui l'attachent à vous. Recevez les voeux de l'ami

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