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LA RÉVOLUTION DE 1830.

Lafayette (M.-P.-J.-R.-Y. Gilbert Motier), naquit à Chavaniac, en Auvergne, le 6 septembre 1757. Quoique sa famille se fût illustrée par les armes les lettres, et qu'elle comptât, parmi les siens, un grand nombre de guerriers morts au champ d'honneur, la route, ouverte à tous, qu'embrassa Lafayette, le classe au rang des hommes qui n'ont dû leur élévation qu'à eux-mêmes. Son oncle, jeune encore, fut tué en Italie; son père, à Minden. Il perdit de bonne heure sa mère. Après avoir fait ses études au collège du Plessis, il épousa, à seize ans, la fille du duc d'Ayen, mademoiselle de Noailles, plus jeune que lui, et qui depuis est devenue si justement célèbre par ses vertus, son courage et sa tendresse conjugale (1). Le crédit que les Noailles avaient à la cour y assu

(1) Les renseignemens qu'on trouve ici ont été presqu'entièrement pris dans l'histoire d'Amérique, par le docteur Ramsay; dans la vie de Washington, par M. Marshall, et dans les ouvrages de MM. de Ségur, de Toulongeon, de Châteauneuf, Ticknor, etc.

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rait une place brillante à Lafayette; elle lui fut offerte, mais il la refusa obstinément. Ce refus dans un âge si accessible aux séductions du pouvoir, était la conséquence d'un sentiment de liberté né avec lui; et, peut-être, ne paraîtra-t-il pas puéril de rappeler ici une anecdote caractéristique, dont son professeur de rhétorique, depuis proviseur d'un lycée de Paris, M. Binet, aimait à parler. Appelé à une composition où il s'agissait de peindre le cheval parfait que l'ombre de la verge rendait obéissant, le jeune Lafayette peignit le cheval renversant, à cette menace, son cavalier, et recouvrant sa liberté.

La nouvelle de l'insurrection américaine contre l'oppression britannique marqua sa vocation. Les mesures prises dans l'intérêt de cette cause, par Lafayette, alors âgé de dix-neuf ans, furent conçues et conduites avec beaucoup de prudence et d'habileté.

« Mais, dit le docteur Ramsay (1), avant qu'il «< eût pu exécuter son dessein, on reçut en Eu<«< rope la nouvelle que les insurgés américains, « réduits à deux mille combattans, fuyaient à tra« vers le New-Jersey, devant trente mille hommes « de troupes régulières envoyées par l'Angleterre. « Ces rapports désavantageux étouffèrent si complè<< tement le peu de crédit que l'Amérique avait en Europe au commencement de l'année 1777, que

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(1) Histoire de la révolution d'Amérique.

« les commissaires du congrès américain à Paris, «quoiqu'ils eussent d'avance encouragé le projet « de M. Lafayette, ne parent se procurer un vais«seau pour en hâter l'exécution. Dans de telles «< circonstances, is crurent que la loyauté exigeait « d'eux qu'ils le dissuadassent du dessein de pour« suivre, pour le moment, sa périlleuse entreprise. « Ce fut envain qu'ils agirent d'une manière sí fran«che: l'ardeur que la cause de l'Amérique avait <«< allumée dans le cœur de Lafayette ne pouvait être « éteinte par des revers. Jusqu'ici, leur dit-il avec « la véritable énergie du patriotisme, je n'avais « fait que chérir votre cause, mais à présent je « cours la servir; plus elle est tombée dans l'opi«nion publique, plus l'effet que peut faire mon départ sera grand : puisqu'il vous est impossi«ble d'avoir un vaisseau, je vais en acheter et en équiper un à mes frais, et je me charge de por« ter vos dépêches au congrès.

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«En effet, Lafayette arriva à Charleston au « commencement de 1777; le congrès ne tarda' << pas à lui donner le rang de major-général, qu'il << accepta, mais sous deux conditions qui mon«< traient l'élévation de son ame; l'une, qu'on lui << permettrait de servir à ses propres dépens, et << l'autre, qu'il ne débuterait dans la carrière des << armes qu'en qualité de volontaire. »

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Les cours de Londres et de Versailles, dont il avait bravé les plaintes et les défenses, tentèrent envain d'intercepter son passage, qui s'effectua

avec autant d'audace que de bonheur. Arrêté au port du Passage, où son vaisseau fut obligé de relâcher, il réussit à repasser la frontière et à se remettre en mer. Puis, sachant que des avisos étaient partis pour les stations des Antilles avec ordre de s'emparer de lui, il risqua la route directe vers la côte des insurgens, alors infectée de croiseurs anglais, et il justifia ainsi la devise cur non? qu'il avait prise en partant.

Lafayette fut blessé à la première bataille (Brandiwyne), ce qui ne l'empêcha pas de rendre, dans cette mémorable affaire, un grand service à la cause de l'indépendance, en ralliant les troupes au pont de Chester. Peu de temps après ce premier échec, il rejoignit le général Greene dans les Jerseys, où il battit, avec quelques milices, un corps d'Anglais et de Hessois. Ce succès lui valut le commandement d'une division. Nommé, dans le courant de l'hiver suivant, commandant en chef dans le nord, commandement qu'une cabale ourdie contre Washington avait rendu indépendant de ce grand homme, Lafayette n'accepta qu'à la condition expresse de lui rester subordonné (1). Forcé, faute de moyens, d'abandonner l'attaque du Canada, le dévouement et le zèle dont il avait fait preuve dans cette circonstance, lui valurent les remercîmens

dans ce

(1) On voit dans les historiens américains que, moment de crise contre Washington, la fidélité de son jeune ami fut à la fois très-prononcée et très-utile.

du congrès; puis il défendit, avec une poignée d'hommes, une vaste frontière, combattit, dans un grand conseil de nations sauvages, l'influence anglaise, et reçut dans l'étendue de son commandement, le serment, alors prescrit, de renonciation au roi de la Grande-Bretagne et de fidélité aux États-Unis.

Appelé par Washington à l'ouverture de la campagne, Lafayette parvint, par ses manœuvres, à dégager, sans perte, un corps de deux mille quatre cents hommes avec ses canons, que l'armée anglaise, commandée par les généraux Howe et Clinton, avait cerné à Barenhill. Il commanda dans la bataille gagnée à Montmouth, d'abord une avantgarde, et ensuite la seconde ligne de l'armée; de là il conduisit un détachement destiné à seconder le mouvement du comte d'Estaing, conformément au traité d'alliance que le vœu national, à la manifestation duquel le départ de Lafayette n'avait pas peu contribué, détermina le cabinet de Versailles à conclure avec les insurgens. On voit, en effet, dans les relations contemporaines, à quel degré fut excité cet intérêt pour le jeune Lafayette, et l'effet qu'il produisit sur l'opinion publique. Aussi, lorsque les ambassadeurs des États-Unis, accompagnés de tous les Américains présens dans la capitale, parurent pour la première fois à la cour, tout le cortége crut devoir se porter chez la jeune épouse de Lafayette, pour lui rendre un hommage solennel.

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