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des relations politiques, trop long-temps différé, fut réclamé avec fermeté et réglé en huit jours (1). Lafayette fit, peu de temps après, une visite aux États-Unis; son passage dans les villes et les campagnes présenta le spectacle d'une fête continuelle (1): on lui demanda d'assister à un traité avec les sauvages, sur lesquels on connaissait son influence. Reçu en cérémonie dans la salle du congrès, il répondit par un discours dont les derniers mots furent : : «Puissent la prospérité et le bonheur des États-Unis attester les avantages de leur gou« vernement! Puisse ce temple immense que nous « venons d'élever à la liberté présenter à jamais « une leçon aux oppresseurs, un exemple aux opprimés, un refuge pour les droits du genre << humain, et un objet de jouissance pour les mânes « de ses fondateurs!» L'État de Virginie, en plaçant le buste de Lafayette dans son Capitole, fit présent d'un buste semblable à la ville de Paris qui

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(1) Les négociations diplomatiques des États-Unis, dans les premières années de leur indépendance, tirées des archives du congrès, ont dernièrement été publiées en Amérique. Celles de Lafayette tiennent un tiers de volume; on reconnaît dans la manière franche mais hautaine dont il parle avec succès, au nom de cet État naissant, aux cours de Madrid et de Vienne, le ton qu'il avait voulu imprimer à notre diplomatie dans les premiers temps de la révolution de 1830.

(1) Voyez les publications du temps, et spécialement le 3o volume du Cultivateur américain, par M. de Creve

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l'installa dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville, devenue depuis la salle des électeurs de 1789.

En 1785, Lafayette alla visiter les cours et les armées d'Allemagne, et, quoiqu'il y apportât l'esprit et les professions de republicanisme qui le singularisaient à la cour de France, et qui n'empêchaient pas alors qu'il ne fût traté avec distinction et bienveillance, il fut reçu partout de la manière la plus flatteuse, particulièrement par Joseph II, et surtout par le grand Frédéric qu'il accompagna dans ses revues. C'est là qu'il vit de l'artillerie à cheval, et qu'il se promit d'introduire cette arme en France aussitôt qu'il le pourrait.

Rentré dans sa patrie, il s'occupa avec Malesherbes du sort des protestans, dans l'intérêt desquels, dès 85, il avait fait un voyage à Nîmes; et, de l'aveu du ministre maréchal de Castries, il consacra une somme considérable à l'essai de l'affranchissement graduel des noirs. Ces hommes, achetés à Cayenne pour être rendus à la liberté, furent, malgré les réclamations de madame de Lafayette, vendus comme esclaves par le parti qui triompha au 10

août 1792.

Lafayette avait secondé l'ambassadeur Jefferson dans la formation d'une ligue contre les Barbaresques, ligue que les cours de Versailles et de Londres déjouèrent, en prenant ces pirates sous leur protection.

Plus tard, lorsque la Hollande fut menacée par la Prusse, on voit dans l'ouvrage de M. de Ségur, et

par une lettre de M. de Saint-Priest, que Lafayette allait être appelé par les patriotes bataves, si la lâcheté du ministère français n'avait précipité leur ruine. L'indignation que Lafayette témoigna dans cette circonstance fut la même que celle qu'il a récemment manifestée à la tribune, lorsque le gouvernement actuel s'est conduit envers l'invasion autrichienne de l'Italie, comme celui de l'archevêque de Sens l'avait fait à l'égard de l'invasion prussienne en Hollande. Ce dévouement ne fut point oublié par les Hollandais qui, pendant la longue et cruelle proscription de Lafayette, ne cessèrent de lui témoigner l'affection et la gratitude les plus vives.

En 1787, il fit partie de l'Assemblée des Notables; il y dénonça plusieurs abus, proposa la suppression des lettres de cachet et des prisons d'état, obtint un arrêté favorable à l'état civil des protestans, et fit, seul, la demande formelle de la convocation d'une Assemblée nationale. « Quoi! lui dit le comte d'Artois, vous faites la motion des ÉtatsGénéraux ?» « Oui, répondit-il, et même mieux que cela.»

Lafayette fut membre de l'assemblée provinciale d'Auvergne ; il fut le premier, comme propriétaire en Bretagne, à signer les protestations de cette province contre des actes arbitraires. A la seconde assemblée des notables, il insista vivement pour obtenir la double représentation des communes.

Député aux États-Généraux, Lafayette appuya

la motion de Mirabeau demandant l'éloignement des troupes, et en obtint l'adoption immédiate. Le 11 juillet, au milieu de l'assemblée, alors entourée de troupes et fortement menacée, il proposa sa fameuse déclaration des droits; la voici :

«La nature a fait les hommes libres et égaux; « les distinctions nécessaires à l'ordre social ne sont « fondées que sur l'utilité générale.

« Tout homme naît avec des droits inaliénables « et imprescriptibles; tels sont la liberté de toutes << ses opinions, le soin de son honneur et de sa vie, « le droit de propriété, la disposition entière de sa « personne, de son industrie, de toutes ses facul«tés, la communication de toutes ses pensées par << tous les moyens possibles, la recherche du bien« être et la résistance à l'oppression.

« L'exercice des droits naturels n'a de bornes que « celles qui en assurent la jouissance aux autres << membres de la société.

<< Nul homme ne peut être soumis qu'à des lois « consenties par lui ou ses représentans, anté«rieurement promulguées et légalement appliquées.

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« Le principe de toute souveraineté réside dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut avoir « une autorité qui n'en émane expressément.

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« Tout gouvernement a pour but unique le bien «< commun. Cet intérêt exige que les pouvoirs légis«< latif, exécutif et judiciaire, soient distincts et dé« finis, et que leur organisation assure la repré

<< sentation libre des citoyens, la responsabilité des «< agens, et l'impartialité des juges.

« Les lois doivent être claires, précises, unifor<< mes pour tous les citoyens.

« Les subsides doivent être librement consentis « et proportionnellement répartis.

« Et comme l'introduction des abus et le droit « des générations qui se succèdent nécessitent la ré« vision de tout établissement humain, il doit être possible à la nation d'avoir, dans certains cas, << une convocation extraordinaire de députés, dont « le seul objet soit d'examiner et corriger, s'il est « nécessaire, les vices de la constitution. >>

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Cette déclaration, la première de toutes en Europe, et la plus simple, servit de base à celle de l'Assemblée constituante. A la même époque, cette assemblée s'étant déclarée en permanence, créa un vice-président et nomma Lafayette. Il la présida en cette qualité pendant les nuits du 13 et du 14 juillet, et fit décréter la responsabilité des conseillers de la couronne. Envoyé, le 15, à Paris, comme chef d'une députation de soixante membres, il y fut proclamé commandant général de la garde bourgeoise : le lendemain, il fit publier l'ordre de détruire la Bastille. Le 17, il reçut le roi à la tête de près de deux cent mille hommes diversement armés (1).

(1) Lafayette, dit Toulongeon, en parlant de cette époque, Lafayette dont le nom et la réputation acquise en Amérique, étaient liés à la liberté même, Lafayette était à la tête de la garde nationale parisienne; il avait à la fois

TOME I.

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