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nemment. Pour donner une idée de l'esprit dans lequel cé discours fut composé, j'en citerai deux ou trois lambeaux.

Sur l'accusation d'avoir été vu dans les rangs du régiment de Flandres, un sabre nud sous le bras, le comte de Mirabeau s'écria : << Eh bien! l'action de porter un sabre nud, n'est ni un crime de lèze-majesté, ni un crime de lèze-nation: ainsi tout pesé, tout examiné, les dépositions qui attestent ce fait n'ont rien de vraiment facheux ».

La déposition du comte de Virieu étoit une de celles qui chargeoient le plus Mirabeau. Voici de quelle manière il repoussa cette déposition: « Il est étrange, ce M. de Virieu! Mais fut-il jamais un zélateur si fervent de la révolution actuelle? s'est-il en aucun tems montré l'ami si sincère de la constitution qu'un homme dont on a tout dit, excepté qu'il soit une bête, l'ait pris ainsi pour son confident? >>

On me reproche, dit ailleurs Mirabeau d'avoir tenu à M. Mounier ce propos: Et qui vous dit que nous ne voulons pas un roi? Mais qu'importe que ce soit Louis XVI ou Louis XVII? Qu'avons-nous besoin de ce bambin pour nous gouverner? Eh bien! Messieurs, ce propos que je déclare ne pas me rappeller, est tel que tont itoyen pourroit s'en honorer, et non-seulement il est justifiable à l'époque où on le place, mais il est bon en soi, mais il est louable.... Trouveriez-vous étrange que l'a

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mi du trône et de la liberté voyant l'horison se rembrunir, la tendance des opinions. l'accélération des circonstances., les dangers de l'insurrection, dît à son collègue trop confiant: Et qui vous nie que le françois soit monarchiste? Qui vous conteste que la France n'ait besoin d'un roi, et ne veuille un roi? Mais Louis XVII sera roi comme Louis XVI; et si l'on parvient à persuader à la nation que Louis XVI est fauteur et complice des excès qui ont lassé sa patience, elle invoquera un Louis XVII.

On ne pouvoit révéler avec plus d'insolence tout le secret de la conjuration de d'Orléans. Je n'insisterai pas plus long-tems sur cette apologie de Mirabeau; elle étoit entièrement écrite dans ce sens; il est à croire que les juges du Châtelet, s'il l'eût prononcée devant eux, n'eussent pas manqué de s'écrier: Habemus confitentem reum, nous avons un coupable qui confesse son crime.

On s'attendoit qu'après Mirabeau, le duc d'Orléans s'empareroit de la tribune aux harangues, mais le duc de Biron y parut au nom et à la place du prince. Voici le discours qu'il y prononça:

« M. d'Orléans a été un des premiers sectateurs de la liberté, il la professe hautement; ses instructions envoyées dans les provinces, ont peut-être le mérite d'avoir contribué à la révolution dont nous devons tous attendre le bonheur. La conduite de M. d'Orléans, j'ose le dire, s'est soutenue de

puis; car après avoir donné sés instructions, il a marqué la modération qui devoit être l'apanage de l'homme qui le premier de sa famille avoit eu une si auguste idée. Lors des troubles du 13 juillet, lorsqu'on promenoit si criminellement le buste de M. d'Orléans, puisque c'étoit lui qui, disoit-on, le faisoit p.omener, M. d'Orléans ne voulut point se montrer au peuple, il n'avoit point de désagrément à en attendre, il en eût été bien reçu; mais il se cacha, et il eut quelque mérite à se cacher, car il ne vouloit point passer pour être le chef d'une insurrection qui pût inquiéter le roi. Lorsque le roi donna à l'Assemblée la marque respectable de confiance de la venir consulter, de venir mettre entre ses mains le destin de cet Empire; lorsqu'une députation de l'Assemblée fut annoncer à la capitale la résolution généreuse du roi, M. d'Orléans ne voulut pas venir à Paris, M. d'Orléans ne s'exposa pas à cette popularité qu'on lui reproche d'avoir sans cesse recherchée, et à laquelle il n'a jamais permis la moindre publicité; car j'avoue qu'un de ses torts est de l'avoir trop souvent négligée. Il est beau d'être aimé d'un grand peuple; il est peut - être blamable de se refuser toujours à ses emipressemens. Si j'osois parler de moi, je dirois que ce même jour je fus indiqué par quelques-uns de mes camarades, les gardesfrançoises, pour les commander; je n'oses pas prendre pour moi ces voeux honorables,

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je les attribue tous à un nom qui leur fut cher, au nom d'un homme qui les commanda pendant quarante ans, et qui quarante ans leur servit de père; mais je résistai à cet empressement, et je ne crus pas devoir sans la permission du ror, sans son ordre, accepter le commandement d'un corps encore destiné à sa garde. Les larmes aux yeux; je remerciai mes camarades, et jamais il n'en fut plus parlé.

« Permettez-moi, Messieurs, d'ajouter que vous jugerez facilement cette importante question, si vous vous rappelez quelle a été la conduite modérée de M. d'Orléans, quelles sont les dépositions contre lui, quels sont les assignés. Y voit-on le nom d'un défenseur de la liberté ? Et peut-on supposer que tous gardassent le silence, si quelqu'un d'entre eux l'avoit cru coupable? Mais je m'engage au nom de M. le duc d'Orléans, à ce qu'il vous donne des éclaircissemens qui ne laisseront aucun doute ni sur sa pureté, ni sur les motifs des calomnies dont il a été l'objet. »

S'il n'y avoit pas dans cette harangue autant d'insolence que dans celle du comte de Mirabeau, il n'y avoit du moins pas plus de logique. Dire que d'Orléans avoit été le premier sectateur de la liberté, c'étoit reconnoître que dès les premiers jours de nos troubles, ce prince avoit ambitionné d'être chef de parti.

Comme on étoit prêt à décider cette grande

question, il fut demandé qu'avant de fermer la discussion, d'Orléans donnât les éclaircissemens dont Biron avoit parlé ; mais celuici qui savoit que le prince n'avoit point d'éclaircissemens à donner, cria qu'on pouvoit aller aux voix, que M. d'Orléans plein de confiance dans la justice de l'Assemblée, n'avoit rien à ajouter.

On alla donc aux voix, et la majorité rendit ce honteux décret : « L'Assemblée nationale, après avoir ouï le compte qui lui a été rendu par son comité des rapports, et les charges contre M. de Mirabeau l'aîné, et M. Joseph-Louis - Philippe d'Orléans décrète qu'il n'y a pas lieu à accusation. »

Que les orléanistes ayent prononcé cette infâme absolution contre des assassins dont l'Europe entière avoit horreur, cela se conçoit; mais du moins n'auroient-ils pas dû dans la suite, s'étonner et se scandaliser de l'impunité accordée aux scélérats qui comblèrent de cadavres la glacière d'Avignon, et à ceux qui dans les premiers jours de septembre 1792, firent couler des ruisseaux de sang dans les rues de Paris.

Le lendemain du jour où ce décret fut rendu, d'Orléans parut à la tribune de l'Assemblée nationale. La plupart des députés et des spectateurs s'attendant qu'il alloit donner les éclaircissemens dont avoit parlé le duc de Biron, on prêta la plus grande attention. Le prince parla ainsi :

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