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tures actuelles par la réunion de tous les titres provenant des intendances, cours des comptes, bailliages, évêchés, monastères, châteaux,. etc., constituent un vaste et magnifique ensemble de documents authentiques, comparable en richesse et de beaucoup supérieur en nombre à l'important dépôt des Archives centrales de l'Empire. - Si ce dernier dépôt renferme le Trésor des Chartes royales et les actes émanés des anciennes administrations établies au siége même du gouvernement, les archives départementales comprennent, de leur côté, toutes les collections de nature analogue que possédaient nos provinces, c'est-à-dire la France entière à l'exception de Paris. Elles contiennent donc d'abord, d'une manière spéciale et complète, ce qui se rapporte à l'histoire des provinces, des communes et des propriétés particulières, ainsi qu'aux intérêts des familles qui les ont habitées.

Elles offrent, en outre, un grand nombre de titres précieux pour l'histoire générale, et notamment les actes promulgués par les souverains dans le royaume pour notifier leur avénement, annoncer leurs plans de réforme, demander adhésion à leur politique, etc. Telles, par exemple, les lettres de Philippe le Bel réclamant l'appui de ses vassaux dans la lutte contre le Saint-Siége, organisant les élections générales des représentants du pays, prescrivant l'arrestation des Templiers et justifiant cette mesure, telles aussi ces circulaires dans lesquelles Charles IX décline la responsabilité de la Saint-Barthélemy, etc.

« A un autre point de vue, les archives départementales fournissent encore à l'étude de l'histoire générale et de l'administration publique d'innombrables matériaux. Avant l'organisation uniforme de la France en départements, chacune de nos provinces avait conservé plus ou moins son autonomie, et, à mesure qu'on remonte dans le passé, les individualités provinciales prennent un caractère plus indépendant de l'action du pouvoir central. Ce ne sont plus alors des parties d'un empire, mais de véritables Etats souverains (Bourgogne, Provence, Lorraine, Bretagne, etc.), qui traitent parfois d'égal à égal avec le roi de France, possèdent une administration propre, une représentation en quelque sorte nationale, une cour princière protectrice des sciences et des arts, et entretiennent des relations diplomatiques séparées, soit avec la France, soit avec l'étranger.

« On comprend, dès lors, que les éléments de l'histoire générale et de l'administration publique de notre pays soient aussi divisés que le pays l'était lui-même, et que l'étude de nos provinces dans leurs rapports entre elles et avec Paris, puisse seule donner l'intelligence complète et la juste appréciation de l'ensemble des faits. >>

Comme exemples qui peuvent servir à « démontrer cette solidarité d'intérêt historique, » M. le ministre ajoutait :

« La précieuse correspondance de Charles le Téméraire, indiquant jour par jour la marche de ses armées et révélant ses projets (documents conservés aux archives de Dijon), n'intéresse-t-elle pas autant l'histoire du règne de Louis XI que celle de la Bourgogne elle-même? Et, pour descendre à une époque plus rapprochée de nous, comment se rendre compte de l'importance de la Ligue, sans en avoir étudié les nombreuses ramifications provinciales, dont les archives de nos départements nous livrent aujourd'hui le secret?

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Enfin, si nous abordons l'histoire des sciences et des arts, de l'agriculture, du commerce, de l'industrie, de toutes les branches, en un mot, des connaissances humaines ou de l'administration, l'étude particulière des documents que recèlent nos provinces ne sera pas moins féconde. N'est-ce pas dans les archives de leur patrie ou des villes qu'ils ont habitées que l'on rencontre, sur nos grands hommes, le plus de renseignements? Peut-on faire l'histoire du droit, de la médecine, de la littérature, de la sculpture, de la peinture, etc., sans consulter les titres que nous ont conservés Valence et Toulouse sur Cujas, Montpellier sur Rabelais, Rouen sur Corneille, Marseille sur Puget, Nancy sur Callot, etc.; et, pour des questions que l'on pourrait croire toutes modernes, qui se douterait, par exemple, si les archives des Bouches-du-Rhône n'en fournissaient la preuve, que déjà au quinzième siècle la France et le Piémont projetaient de concert le percement des Alpes? »

Depuis la publication de ce rapport l'impression ne s'est point ralentie. Le premier volume des archives de la Côted'Or est presque achevé; celui des archives des Basses-Pyrénées, qui contiendra les Comptes de Navarre, et dont l'impression n'était pas encore commencée en août 1862 ou du moins qui n'a rien fourni aux deux volumes dont nous avons parlé, celui de la Seine-Inférieure, et quelques autres, pour

ront paraître vers le mois de juillet ou d'août. Comme on le voit, les premiers volumes des inventaires de trois des plus importants dépôts des archives départementales seront de ceux qui inaugureront la collection.

On peut prévoir, dès maintenant, que cette collection contiendra plus de six cents volumes. Outre les inventaires d'archives départementales, elle comprendra ceux des dépôts de plusieurs administrations communales et hospitalières : l'inventaire des archives communales de Lyon et celui des archives des Quinze-Vingts de Paris, par exemple, sont sous presse, ainsi que celui des précieuses archives de l'Assistance publique du département de la Seine.

La collection est imprimée dans le format in-4°, à deux colonnes de cinquante lignes chacune. Les inventaires ont été faits suivant l'ordre de classement qu'avait prescrit M. le comte Duchâtel, ministre de l'Intérieur, dans sa circulaire du 24 avril 1841, et commencent par le catalogue des archives civiles (1). Chaque article est précédé de sa lettre de série, de son numéro d'ordre, de sa désignation (carton, liasse ou registre), de la mention du nombre de pièces qu'il contient, et de la date ou des deux dates extrêmes qui s'y trouvent. Mention y est faite des familles ou des lieux qui y sont principalement indiqués.

Cette immense collection sera tirée à 400 exemplaires dont 200, présume-t-on, seront livrés au commerce. Bien que l'étendue de chacun des inventaires doive restreindre le nombre des acquéreurs, plus d'un érudit sans doute regrettera qu'il n'ait pas été fait de l'inventaire qui l'intéresse un tirage plus considérable. Indépendamment des tables qui devront terminer chaque inventaire, il sera dressé, par les soins du ministère de l'Intérieur, une table générale, utile complément de la collection; nous exprimons le vœu que du moins cette table générale soit imprimée à un plus grand nombre d'exemplaires : il nous semble, en effet, très-désirable que toutes les bibliothèques publiques et qu'un grand

1. Voici les principales divisions du classement des archives civiles antérieures à 1690: A. Actes du pouvoir souverain et du domaine public. - B. Cours et juridictions. C. Administrations provinciales. — D. Instruction publique, sciences et arts. - E. Féodalité, communes, bourgeoisie et familles. F. Fonds divers se rattachant aux archives civiles.

nombre de bibliothèques particulières puissent contenir le travail qui sera en même temps le résumé et la clef de cette importante publication.

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III.

BIBLIOGRAPHIE.

1. — Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet, surintendant des finances, d'après ses lettres et des pièces inédites conservées à la Bibliothèque impériale, par A. Chéruel, inspecteur général de l'instruction publique, 2 vol. in-8, xv-1090 p. Paris, Charpentier.

Ces deux volumes ne sont pas simplement une biographie, ce sont des mémoires qui, depuis le commencement de la Fronde, dont les moindres incidents sont familiers à M. Chéruel, jusqu'à la détention de Fouquet, nous font passer en revue la plupart des événements de l'histoire intérieure de la France et la plupart des personnages qui y ont été mêlés. Au premier plan, à côté de Nicolas Fouquet, apparaît naturellement son frère l'abbé Fouquet. Cet important ouvrage, dont, grâce au titre qu'il lui a donné, l'auteur pouvait à son gré étendre ou restreindre le cadre, sera désormais l'un de ceux qu'il faudra tout d'abord consulter sur la première partie du règne de Louis XIV.

Comme procureur général et surtout comme surintendant, Fouquet a rendu de grands services à Mazarin; mais le travail de M. Chéruel permet d'en peser la valeur. Plus habile que le ministre, au lieu d'effrayer et de menacer les gens d'affaires, il leur offrit l'occasion de gains considérables; ne se faisant aucun scrupule d'engager l'avenir, il emprunta à gros intérêts et livra les fermes à vil prix par des baux de longue durée : c'est là le secret qui permit au surintendant Fouquet de trouver et de fournir l'argent que lui demanda Mazarin. Aux imprévoyances d'une telle administration s'ajoutaient de graves abus : l'emploi immodéré des ordonnances au comptant, c'est-à-dire des fonds secrets; le prélèvement au profit du surintendant de sommes considérables sur les fermes des impôts; les fermes de quelques-uns des impôts prises pour le surintendant lui-même sous des noms supposés; l'avance de sommes énormes faite au Trésor par le surintendant aux intérêts qu'il lui plaisait de déterminer ; la dissimulation du chiffre vrai des emprunts, que l'on augmentait mensongèrement pour concilier à l'apparence et les exigences de la cour des comptes, qui ne permettait point que l'on empruntât au-dessus du taux legal, et celles des gens d'affaires qui demandaient des intérêts usuraires, etc. Pour couvrir les irrégularités de son administration, Fouquet achetait, en même temps que bien d'autres complicités, celle des trésoriers de l'épargne, auxquels il faisait inscrire des dépenses fictives, et celle des contrôleurs

des finances, qu'il faisait consentir à ne point tenir exactement le compte des sommes reçues et des sommes dépensées. Sa toute-puissance, au surplus, ne venait pas seulement de la prise que lui donnait sur les consciences le pouvoir de les acheter; sa bienveillance était nécessaire à tous ceux qui avaient quelque somme à recevoir de l'État, car il importait d'obtenir que les mandats fussent assignés sur un fonds intact et non sur une branche de revenu déjà épuisée: si l'on n'était pas assez puissant pour faire, quand il était besoin, réassigner un mandat sur un meilleur fonds, il ne restait d'autre ressource que celle de les vendre à vil prix aux habiles qui savaient, grâce à leurs relations, d'une mauvaise créance en faire une excellente.

Maître de distribuer la richesse et les faveurs, Fouquet se crut tout permis; son pouvoir l'aveugla. Mais peut-être ses irrégularités de toute sorte, ses dilapidations, ses dépenses effrénées et son luxe imprudent n'eussent point encore suffi à déterminer la catastrophe qui le perdit, s'il n'eût poussé à bout la patience du roi par le peu de sincérité avec laquelle il obéit, lorsque Louis XIV, après la mort de Mazarin, voulut être instruit par lui des moindres détails de l'administration présente et passée, et devenir le premier, le véritable administrateur de son

royaume.

On trouve dans l'ouvrage de M. Chéruel tout ce que l'histoire a livré sur le procès du surintendant. L'auteur s'est particulièrement appliqué à mettre en lumière ce que l'on connaît le moins de la vie de Fouquet, les causes de son élévation et ses relations avec Mazarin; mais c'est sur sa chute, quelles que soient les obscurités qui persistent, que les documents abondent, et l'intérêt du récit devient plus vif à mesure que l'on approche de la catastrophe.

A côté de l'histoire politique et administrative de la vie de Fouquet, M. Chéruel a placé, comme il était indispensable, celle de ses intrigues et de ses amours, et celle des magnificences du château de Vaux, cette merveille que chacun voulait voir'. L'un des points que M. Chéruel devait éclaircir était l'histoire de la célèbre cassette qui contenait les lettres d'amour, et parmi elles quelques lettres d'amitié qu'avait reçues le surintendant. Le fonds de Baluze à la Bibliothèque impériale contient un certain nombre de lettres qui proviennent des cassettes de Fouquet, et M. Chéruel en a tiré le parti qu'il devait.

Par malheur, il ne s'est pas trouvé de lettre de Mme de Sévigné dans cette correspondance.

4. Nous trouvons dans le portefeuille 274 de la collection Godefroy (Bibliothèque de l'Institut) le billet suivant, qui est sans doute du fils du grand de Harlay . « A Beaumont, le 5 novembre 1658.

« Je prie monsieur Courtois de me faire l'amitié de faire voir la maison de Vaux à M. Godefroy, qui est de mes bons amis, et il obligera son plus affectionné serviteur, DE HARLAY.

<< En l'absence de M. Courtois, je demande la mesme grâce à monsieur le curé de Moisseré, en cas qu'il s'y rencontre. »

G. SERVOIS.

Paris. Imprimerie de Ch. Lahure et Cie, rue de Fleurus, 9.

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