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celle qui alors brillait à la cour et dans les salons élégants, était

irréligieuse.

De nos jours au contraire, les représentants de ces mêmes familles sont en général religieux, ils forment une partie de la société que les adversaires de la religion accusent constamment de « cléricalisme. » A-t-on vu, à la fin du siècle dernier, des individus en grand nombre, qui par haine de la révolution auraient changé de sentiments? Non! ceux qui étaient partis en émigration avec les idées irréligieuses à la mode dans la société élégante, ne se sont pas convertis en foule, et nous savons même qu'ils ont maintefois scandalisé les étrangers par leur frivolité et leur scepticisme. Ce ne sont pas davantage les enfants élevés par ces esprits forts, qui ont eu spontanément de pieux sentiments tout opposés à ceux de leurs parents; on a pu le voir, mais bien rarement. La transformation des idées dans le sens où elle s'est accomplie, est difficilement explicable avec l'hypothèse d'une filiation directe; elle s'explique tout naturellement par la suppression presque complète de la descendance directe des sceptiques du siècle dernier. Leurs familles ont eu le sort de celles de Voltaire et de Rousseau, leurs maîtres en morale. Beaucoup de noms se sont éteints, et pour les autres ils se sont perpétués, soit par la minorité, qui à la cour même avait échappé à la contagion, soit par des collatéraux obscurs, perdus dans le fond des provinces, qui y avaient conservé avec d'anciennes traditions, les idées religieuses sans lesquelles les familles ne se perpétuent guère.

L'irréligion a fait son œuvre il y a cent ans dans la classe aristocratique de la nation. Elle n'exerce plus là ses ravages, c'est plus bas qu'elle continue son œuvre, et aujourd'hui, se développant dans la classe la plus nombreuse de la société, elle tarit dans sa source même la population de la France.

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CHAPITRE PREMIER.

Existence, chez tous les hommes, de l'instinct d'imitation. Nécessité de l'imitation irraisonnée eu égard à l'imperfection de notre nature, aux bornes de notre intelligence, à l'impossibilité matérielle de réflechir sur toutes nos actions.

L'instinct d'imitation, ce titre étonnera peut-être ; car on n'est pas habitué à accorder à cette tendance, contre laquelle il semble facile de réagir, une grande influence dans les événements de l'histoire. J'ai déjà dit quelques mots à ce sujet dans un des premiers chapitres, et indiqué les raisons qui devaient faire considérer l'instinct d'imitation comme un mobile de grande importance; il est temps d'entrer dans quelques détails.

Quand nous trouvons certains faits, auxquels ont participé un très grand nombre d'hommes, peut-on toujours, pour expliquer ces faits, trouver un raisonnement, ou plusieurs raisonnements, par lesquels tous ces hommes auraient été conduits? C'est fort souvent impossible; tous ont agi, mais tous n'ont pas raisonné; il faut bien admettre alors, que plusieurs ont seulement « imité. >>

Une première objection se présente : les imitateurs, dira-t-on, peuvent avoir les mêmes raisons d'agir que leur modèle; il n'est donc pas nécessaire de faire intervenir une cause distincte, cet instinct d'imitation, pour motiver leur conduite. On voit plus clairement son chemin, on le suit avec plus de décision quand on est précédé par un guide, mais en suivant ce guide,

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on prétend arriver au même but et non pas seulement s'attacher

à ses pas.

Sans doute cette explication est souvent suffisante : que, par exemple, dans un désastre général, une inondation, un incendie, la foule affolée voie un homme trouver une issue et échapper au danger, ou même courir dans une certaine direction, si elle se précipite derrière lui, elle obéit simplement comme lui, en suivant son exemple, à l'instinct de la conservation personnelle. C'est un même fait répété mille fois si l'on veut, ce n'est pas un fait différent; il n'y a pas deux causes. Mais s'il est possible que la foule dont je parle n'ait aucune raison pour se précipiter à la suite de cet homme, aucune crainte, aucun désir, et qu'elle se précipite cependant par cela seul qu'elle le voit courir, quelle cause assignera-t-on à son mouvement, sinon un instinct d'imitation? Je prétends qu'il en est très souvent ainsi, et qu'un certain nombre des actions collectives des hommes n'ont aucune cause personnelle à chacun des individus de la collection.

Ne puis-je dire d'abord, avant d'examiner les faits, que cette théorie de l'imitation irraisonnée, peu flatteuse peut-être pour le genre humain, est à priori vraisemblable?

Je m'adresserai, pour commencer, à une certaine catégorie de gens qui doivent nécessairement être de mon avis je veux parler des partisans de l'évolution, de ceux qui voient en nous un singe perfectionné. Il est juste de commencer par eux, puisque leur doctrine est devenue, en France, la religion d'État. Je leur dirai donc : Vous ne pouvez contester mon principe, et nier la puissance de l'exemple, car voyez notre ancêtre, ou si son histoire est perdue pour nous, examinez ceux de sa lignée, qui n'ont pas évolué comme nous; l'anthropomorphe, le singe, pour parler français, resté plus près de la simplicité de son état primitif, imite manifestement pour imiter; quelque geste que vous fassiez devant lui, il s'efforce de le répéter. A-t-il pour agir, les

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