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observations que nous avons placées avant les tableaux statistiques de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique, de l'Amérique et de l'Océanie. Cette imperfection de la statistique générale est une conséquence naturelle du petit nombre de travaux spéciaux que l'on a publiés jusqu'à présent, et du peu de critique que l'on a mis, à quelques exceptions près, dans la rédaction de tous les résumés de la science. Il est temps que les personnes qui cultivent cette branche si importante et si ramifiée des connaissances humaines, s'imposent la loi d'une critique judicieuse. La méthode la plus simple serait de se vouer d'abord à des monographies, à des spécialités. On sait combien les sciences naturelles ont fait de progrès depuis que les naturalistes ont adopté cette marche. Pour se convaincre de ce que pourrait en attendre la science qui nous occupe, il suffit de jeter un coupd'œil sur les travaux des statisticiens spéciaux des divers états de l'Europe. La liste de ces écrivains utiles se trouve dans l'introduction des éditions précédentes. Nous n'avons pas cru devoir la répéter dans celle-ci : des faits nouveaux à enregistrer nous rendent l'espace de plus en plus précieux.

Ces travaux préliminaires étant achevés, lorsque, chacun de leur côté, ces hommes laborieux se seront mis en rapport avec ceux qui étudient les spécialités du même genre, chez plusieurs nations étrangères; lorsque les uns et les autres se seront bien compris sur les observations, les dates, les mouvemens à recon

naître; lorsque ceux qui se sont voués à l'étude de la superficie et de la population absolue des principaux états de la terre, auront apprécié l'étendue des plaines, les montagnes, les lacs, les rivières, les canses physiques ou morales qui retardent ou accélèrent les progrès de l'agriculture, et enfin toutes les anomalies qu'offre la population; lorsque ceux qui ne craignent pas d'aborder les finances, en auront examiné avec attention et persévérance les diverses parties, auront étendu leurs investigations aux divers systèmes monétaires et les auront soumis à une évaluation uniforme, etc., alors, des auteurs de résumés réuniront en un même faisceau les faits reconnus par les statisticiens spécialistes. Alors aussi cesseront les doutes; alors plus de chances pour des interprétations mensongères où hasardées; alors nous ne verrons plus à la tribune, ou dans le conseil des rois, des hommes d'état se discréditer par les plus grossières erreurs; alors le négociant, mieux instruit, pourra combiner plus sûrement ses opérations; alors enfin les chefs des armées, plus éclairés sur les ressources des états, feront les préparatifs convenables pour assurer la subsistance de leurs troupes, et ne frapperont pas le pays conquis de contributions hors de toute proportion avec ses ressources. Grâces à cette marche la statistique s'assurera un rang distingué parmi les sciences positives et d'observation, et répandra des bienfaits réels dans toutes les classes de la société.

§ III. Difficultés d'un travail géographique. Moyen de les surmonter.

Le géographe ne doit emprunter les documens qu'il met en œuvre, qu'aux auteurs les plus dignes de foi, à ceux qui ont pu voir par leurs propres yeux les choses qu'ils ont décrites. Nous démontrerons plus loin que nous n'avons rien négligé sous ce rapport. Mais il ne suffit pas d'avoir recours aux meilleures sources, il faut savoir y puiser avec discernement. Cet art dépend de connaissances positives et surtout d'une longue expérience. Sans ces deux guides, on s'expose à donner comme actuel un ordre de choses qui, depuis long-temps n'existe plus; à reproduire d'anciennes conjectures, ad

missibles, à la vérité, lorsque la science était moins avancée, mais qui doivent être remplacées par les faits positifs dont elle s'est enrichie depuis; à répéter enfin de vieilles erreurs, que le zèle éclairé ou les longues recherches de quelques savans ou bien les efforts courageux de quelques voyageurs sont parvenus à déraciner de nos jours. Il faut posséder à fond l'histoire de la géographie, pour savoir choisir les meilleurs ouvrages à consulter dans la description de chaque pays, et l'art difficile de la critique, pour savoir apprécier le mérite différent des auteurs, par fois si nombreux, qui ont décrit la

même contrée, ou qui en ont parcouru une partie, soit aux mêmes époques, soit à des époques plus ou moins éloignées les unes des autres. Il faut avoir le moyen de discerner le vrai du faux, de réduire à leur juste valeur les ridicules prétentions des auteurs nationaux, les préjugés vulgaires reçus comme des vérités incontestables dans le pays, la prévention de certains voyageurs contre le peuple qu'ils visitent, ou la partialité qui leur fait admirer toutes choses. Il faut avoir le talent, si rare, de concilier le jugement quelquefois diamétralement opposé, que deux voya geurs ont prononcé sur une meme nation, sur un même pays, sur une même ville, tantôt à des époques différentes, tantôt presque dans la même année. Il faut connaître enfin les sciences accessoires de la géographie, pour n'admettre parmi la multitude de données si diverses dont son cadre se remplit, que des faits sanctionnés par des juges compétens; car il ne suffit pas d'être sur les lieux pour apprécier l'exactitude de certains jugemens ou de certaines propositions, il faut encore posséder la science mème à laquelle ils appartiennent.

« Rien, dit l'auteur spirituel des souvenirs du golfe Persique, rien n'est plus remarquable que la fausseté des différentes descriptions que l'on a faites de ces rivages, sans cependant qu'on puisse accuser les auteurs de ces descriptions d'inexactitudes volontaires. Moore, dans sa belle exposition de Lalla Rookh, ne mentionne pas une seule pierre précieuse, ou une seule fleur, sans s'appuyer de l'autorité de quelque voyageur digne de foi, et il est probable que tout ce qu'il décrit existe en effet; mais, après l'avoir trouvé on aurait bien de la peine à le reconnaltre. Ce sont des bancs de perles et des iles de palmiers, des bosquets de vignes et de grenadiers; mais une triste différence existe entre la peinture et le modèle. Dans le récit, tout est brillant, frais, embaumé; dans la réalité, les bancs de perles sont des tas infects de coquillages d'huîtres; les bosquets de palmiers sont de hideuses et chétives plantations, dont le vert påle et fané se détache à peine de la couleur des rochers nus qui les entourent, et du sol brûlé qui les porte; les grenadiers sont constamment couverts d'une poussière blanche; les zéphirs sont étouffans; le cristal des fontaines est une

eau saumâtre, et les flacons où brille le rubis liquéfié sont des bouteilles bouchées avec un chiffon et contenant du vin de Schiraz, qu'on prendrait pour du mauvais Porto, mèlé avec de la bierre. Rien ne ressemble moins à la mer verte des voyageurs et des poètes, parsemée d'îles enchantées, étincelante de l'éclat des perles et rafraichie par des brises parfumées, que le véritable golfe Persique, avec ses rives sauvages et stériles, desséchées par une atmosphère qui semble menacer de destruction tout ce qui existe. >>

Des voyageurs modernes ont réduit à leur juste valeur les pompeux éloges que, sur l'autorité des auteurs persans, on prodiguait à l'excellence du climat de Schiraz; et M. Képhalide a trouvé que la vallée de Noto en Sicile, qu'on représente comme un jardin, est au contraire très montueuse et remplie de vastes landes et de déserts rocailleux. Les récentes explorations, faites dans l'intérieur de l'Afrique, ont fait disparaître les immenses populations qu'on accordait aux villes de Tombouctou, de Haussa et de Bornou; cependant SidiHamet, natif de cette dernière ville, assurait à Ritchie qu'elle surpassait le Caire en grandeur! Le judicieux auteur de l'East India Gazetteer réduit à 50,000 le nombre moyen annuel des pélerins qui de 1817 à 1822, ont visité la pagode de Djaggernáth, nombre 24 fois moindre que celui qui était donné par Carey. Quoique, selon les recherches de l'abbé Grégoire, il n'existe plus de Samaritains en Europe, et que leur nombre en Asie ne dépasse pas 200 individus, ces sectaires juifs croyaient et assuraient aux voyageurs, il y a quelques années, que leurs co-religionnaires de Gènes étaient au nombre de 127,960! D'après un ancien usage, les Birmans comptent dans tout l'empire 4600 myos ou arrondissemens, nombre, dit M. Klaproth, qui très certainement est exagéré. Dans le Pégou, l'expression trentedeux paraît être d'un usage banal; car chacune des provinces de cet état (Henzavati, Martaban et Bassein) est donnée comme renfermant ce nombre de myos; cependant une investigation exacte a démontré qu'il n'y en avait que la moitié dans les provinces d'Henzavati et de Martaban, et que le quart dans celle de Bassein.

« La vanité nationale, dit M. de Humboldt, en parlant des Mexicains, se plaît à

agrandir les espaces, à reculer, sinon dans la réalité, du moins dans l'imagination, les limites du pays occupé par les Espagnols. Dans les mémoires qui m'ont été fournis sur la position des mines mexicaines, on évalue l'éloignement d'Arispe au Rosario à 300 lienes marines, d'Arispe à Copala à 400, sans compter que toute l'intendance de Sonora n'en a pas 280 en longueur. Par la même canse, et surtout pour se concilier la faveur de la cour, les conquistadores, les moines missionnaires et les premiers colons, ont donné de grands noms à de petites choses. Nous avons décrit le royaume de Léon, dont toute la population n'égale pas le nombre des moines franciscains en Espagne. Quelques cabanes réunies prennent souvent le titre pompeux de villes. Une croix plantée dans les forêts de la Guyane, figure sur les cartes des inissions, envoyées à Madrid et à Rome, comme un village habité par des Indiens. Ce n'est qu'après avoir vecu long-temps dans les colonies espagnoles, après avoir reconnu de près ces fictions de royaumes, de villes et de villages, que le voyageur se forme une échelle propre à réduire les objets à leur juste valeur. »

Trois mois de séjour à Constantinople ou à St-Pétersbourg, huit jours au Caire ou à Odessa, ne donnent pas aux voyageurs qui publient leurs observations, le droit de juger des pays où se trouvent ces villes et encore moins celui de renverser les opinions émises par leurs prédécesseurs, qui y ont demeuré pendant longtemps, et qui en possèdent la littérature et en parlent la langue. Pour le géographe qui est à la hauteur de la science, les contradictions les plus grandes surle même pays, sur la même ville, sont loin d'offrir des problèmes insolubles. Il sait à quoi s'en tenir sur la citadelle de Traunick en Bosnie, qu'un militaire, M. Pertusier, dit être susceptible d'une longue défense, et que M. Desfossés trouve insignifiante. Il n'accepte point légèrement le jugement favorable porté sur Damieta par madame Minutoli, et sur Bombey par Heber, en opposition avec ceux du capitaine Light et de Forbes. Il sait concilier les étonnantes contradictions qu'on remarque parmi les voyageurs qui ont visité Tir, depuis Pococke jusqu'à M. Buckingham et à M. Connor. Il n'est pas non plus embarrassé des contradictions qu'on trouve relativement aux obélisques dans Pococke, Shaw et Ri

chardson, et il prononce facilement entre Ali-Bey, qui dit qu'Ak-Cheher, dans la Caramanie, est une petite ville, et Mac-Kinneir qui lui accorde 15,000 maisons, c'està-dire, au moins 60,000 âmes. Il n'hésite pas à rejeter comme inexacte l'assertion des journaux de Calcutta, qui publiaient, il y a quelques années, que la langue tibétaine était l'idiome parlé depuis l'Hymalaya jusqu'à la frontière de la Sibérie; et il range parmi les erreurs reconnues l'assertion du Canton-Register, qui confondait naguère les Bourouts établis au nord de Kachghar, avec les tribus mongoles des Bouriats ou Bouretes qui, soumises à la Russie, occupent les rives du lac Baikal, éloigne de plus de 1300 milles de Kachghar. Il sait que l'estimation de 11,000 pieds de profondeur que les nationaux, d'après une erreur de calcul de Pontoppidan donnent au trou qui se trouve en Norwège dans le district de Rake, près de Friederiks-Hall, devait être portée au moins, jusqu'à 39,866 pieds de Paris; car M. Parrot a démontré que cette profondeur est nécessaire pour qu'on puisse compter un intervalle de 90 secondes, entre l'instant où l'on a jeté une pierre et le moment où le bruit qu'elle fait en touchant le fond de l'abime vient frapper l'oreille de l'observateur. Il sait déjà que le capitaine Beechey a détruit le charmant roman composé par le capitaine Basile Hall sur les habitans de LieonKhieou. Il ne peut plus ignorer que de célèbres orientalistes nous ont mis à même d'envisager les Chinois, les Japonais, les Indiens et les autres nations civilisées de l'Asie sous leur véritable point de vue. Il sait enfin réduire à leur juste valeur les fables débitées sur l'ignorance et les vices prétendus des Espagnols, des Portugais, des Italiens, des Hollandais et de tant d'autres nations.

L'hypothèse suivante, relative à la France, achevera de faire sentir à quel point les relations des voyageurs les plus véridiques peuvent différer entre elles.

Supposons qu'un Siamois, ignorant la langue française et, par conséquent, obligé de s'en remettre à un interprète, séjourne quelque temps en France, vers le milieu du XVIIIe siècle; puis qu'à son retour dans sa patrie, il publie une des-cription de cet état. Qu'un autre, au bout d'un certain nombre d'années, et lorsque la révolution de 89 a déjà renversé le gouvernement et modifié l'étendue de la

France, vienne visiter le ci-devant royaume, et, à l'instar de son prédécesseur, publie aussi une relation en revenant à Siam. Cette relation sera presque entièrement opposée à la première: le chef de l'état sera, selon ce nouveau voyageur, non plus un roi, mais un premier consul nommé Bonaparte. Un troisième, venu plus tard, dira que la France est un empire, dont le souverain, nommé Napoléon, étend sa domination gigantesque du Nord au

§ IV. Exclusion de

:

La géographie est une science de faits et non de spéculation le géographe doit donc se borner à décrire les traits principaux qu'offre la terre. Qu'il n'essaie pas de remonter jusqu'aux causes et d'expliquer la configuration des côtes, l'étendue des mers, la distribution des lacs et des îles, ou la direction des principales chaines de montagnes: ce sont là, sans doute, des spéculations scientifiques de la plus haute importance, mais elles sortent du domaine de la géographie pour s'encadrer spécialement dans celui de la géologie. Que l'on ne s'y trompe point: la géographie et la géologie ont beau se toucher, ce sont deux sciences entièrement distinctes, et c'est à tort que quelques savans naturalistes se sont essayés de nos jours, à faire de celle-ci une des parties intégrantes de la première. Fidèle à ce principe, nous avons exclu de cet abrégé tout système, toute hypothèse, malgré les belles pages dont nous eussions pu l'enrichir en nous aidant de plusieurs productions remarquables qui ont été publiées depuis quelques années. Notre manière de voir sur ce point est partagée par un naturaliste distingué M. Lesson cite un exemple si piquant de l'abus des systèmes que nous croyons faire une chose agréable au lecteur en le reproduisant :

:

« Les premiers Européens philosophes et naturalistes qui explorèrent les rivages de la Nouvelle-Hollande, dit M. Lesson, furent frappés des singularités sans nombre que les productions naturelles leur offraient à chaque pas tout leur parut bizarre et paradoxal, sol, aspect, aussi bien que végétaux et animaux. Ce caractère d'étrangeté qu'affectait la nature sur les terres australes, parut éminemment curieux; on voulut s'en rendre compte, et bientôt on tomba dans des ex

Sud, depuis la mer Baltique jusqu'à l'extrémité de l'Italie sur la mer Méditerranée, et de l'Est à l'Ouest, depuis un empire, nommé Turquie, jusqu'à un Océan, dit Atlantique. Enfin un quatrième, venu après tous les autres, et se prétendant mieux instruit et plus véridique que ses deux prédécesseurs immédiats, affirmera que le premier narrateur a seul raison contre les deux autres, puisqu'il a vérifié son exactitude.

l'esprit de système.

trêmes qui vicièrent l'opinion. Il est de fait, que bien peu d'auteurs ont, sur la Nouvelle-Hollande, des idées fixes et arrétées, et ceux qui les possèdent ne les doivent qu'aux relations des dernières expéditions et surtout aux écrits des Anglais établis à la Nouvelle-Galles. On ne connaissait que la lisière du pays, on voulut juger de l'intérieur. Des marins n'ont visité que les dunes littorales, où ils ne trouvèrent point d'eau douce: aussitôt les géographes sédentaires en prirent acte, et bientôt on accrédita l'opinion que la Nouvelle-Hollande n'avait point de rivières, suivant les uns; que son intérieur était nu, pelé et stérile; que les habitans buvaient de l'eau salée. D'autres prétendirent que tout l'intérieur est occupé par de vastes marécages; quelques-uns supposèrent que ce sont des déserts sablonneux, et qu'on devrait en tenter la découverte en y transportant des tentes, des chameaux; un grave auteur a proposé d'en faire la découverte avec des ballons! Enfin, trouva des arbres pétrifiés sur une partie peu étendue ; vite on en conclut qu'il semblait qu'on eût porté sur ces lointains rivages la tête de Méduse, pour pétrifier les ètres qui y vivent. De ces versions, laquelle croire? car elles sont toutes aussi fondées les unes que les autres, et l'on peut admettre, au centre de la NouvelleHollande, sans compromettre sa conscience, aussi bien des volcans que des marais ou des fleuves majestueux et navigables. »>

on

Nous verrons, dans la description de cette partie de l'Océanie, comment tous ces systèmes se sont écroulés devant les explorations récentes, et tout ce que cette prétendue terre de désolation promet à l'activité européenne.

SV. Methode, divisions, proportions

La géographie étant une science positive, les objets qu'elle embrasse doivent être classés, non d'une manière pittoresque propre à flatter l'imagination, mais d'une maniere logique, qui eclaire l'intelligence et aide la mémoire. La méthode pittoresque, employée avec le plus rare talent par un illustre géographe, est tolérable, peut-être, dans un traité étendu sur la science, mais elle doit être rejetée d'un ouvrage élémentaire.

L'ordre dans lequel les faits se présentent aux regards de l'observateur n'admet en réalité aucune classification: les plus rapproches par l'analogie se trouvent disseminés de loin en loin sur la route du voyageur; les plus opposés, ceux qui s'éelairent le moins l'un par l'autre, s'offrent, au contraire, en même temps; partout de brusques transitions, des distractions qui égarent le jugement et troublent les souvenirs. Certes, dans la nature meme, ce désordre a son charme et, peutetre, son côté instructif; mais dans une narration, une partie de l'intérêt doit se perdre déjà Segnius irritant animos demissa per aurem... Que sera-ce donc d'un traité élémentaire avec sa sécheresse inévitable? La méthode pittoresque y paraltra ce qu'elle est en effet, l'absence de toute méthode. Là, pour que l'attention se fixe à quelque chose, il faudra tracer de larges divisions; puis dans chacune d'elles grouper les faits analogues, et encore suivre une certaine loi, toujours la même, pour passer d'un groupe à un autre. On ne craindra pas de multiplier les titres et les indications, d'établir dans chaque chapitre un même ordre de paragraphes; car de cette symétrie résultera la clarté, de cette uniformité naîtront des rapprochemens utiles. Telle est cette méthode logique, grâce à laquelle l'exposition de la science devient plus suivie, plus succincte, plus claire et plus substantielle.

Quant aux divisions que demande l'emploi de cette méthode, nous croyons qu'elles ne doivent être déterminées par

1 aucune idée exclusive.

Bien que la géographie physique serve de base à toutes les autres parties de la science, il nous paraît contraire à une bonne méthode, d'y assujétir, dans la par

tie descriptive, la géographie politique, au point de morceler celle-ci. En effet, le lecteur ne pourrait se former qu'une idée confuse d'un état dont on aurait réglé la description, soit sur les grandes divisions physiques, soit sur les grandes divisions ethnographiques de la terre. Par la manière dont nous avons traité la géographie générale de chacune des cinq parties du monde, par la réunion que nous avons faite de certains états en un groupe compacte, et enfin par l'enchainement que nous avons établi dans la description du cours des fleuves, nous croyons avoir concilié la classification naturelle et la classification politique.

Mais quelle que soit l'uniformité que prescrit la méthode logique, plusieurs causes obligent le géographie de dévier de ce principe. En effet, les cinq parties du monde offrent trop de différences dans la distribution des diverses contrées qu'elles embrassent, et dans leurs divisions politiques, il y a trop de disproportion dans l'étendue et le degré de certitude des connaissances que nous possédons sur chacune d'elles, pour qu'il soit possible d'assujétir leur description à un seul et même plan. Si d'un côté nous connaissons bien l'Europe, et s'il nous reste peu de chose à, découvrir en Amérique, de l'autre côté, de vastes espaces en Asie, tout l'intérieur de l'Australie (Nouvelle-Hollande), la plus grande partie des contrées centrales de l'Afrique, ainsi que la surface presque entière de Bornéo, de la Papouasie et des autres grandes îles de l'Océanie, ou nous sont complètement inconnues ou ne sont encore explorés que d'une manière très imparfaite. Qui oserait, par exemple, remplir les cadres de la géographie de l'intérieur de l'Afrique, des vastes solitudes de l'Amérique, des grandes contrées qu'aucun pied européen n'a encore foulées dans l'Arabie, dans le Turkestan, dans l'Inde transgangétique, et dans ces les magnifiques qui forment les grandes terres du Monde-Maritime? En attendant que des voyageurs intrépides ou quelque expédition scientifique, ou même quelque évènement politique, soulèvent le voile qui couvre la géographie de ces régions, il vaut encore mieux laisser une lacune dans l'article

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