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trois savans géographes, nous trouvons qu'on peut tracer le tableau suivant de la surface de la planete que nous habitons:

Ancien Monde ou Continent Ancien, subdivisé en Europe, Asie et Afrique.

Nouveau Monde ou Continent Nouveau, qui comprend l'Amérique.

Monde Maritime ou Continent Austral, qui, avec ses dépendances, forme l'Océanie.

La dénomination de Continent Austral, que nous proposons à-la-fois comme synonyme de celle d'Australie proprement dite, et pour compléter le tableau de la plus grande division du globe qu'on puisse tracer, nous parait convenir parfaitement ala grande ile que l'on nomme communément et tres improprement Nouvelle-Hollande. Qu'on examine une mappemonde, et l'on verra qu'aucune partie du globe ne se trouve entièrement placée au sud de l'équateur, et que ce n'est qu'une petite parte de l'ancien-Continent, et la moindre du Nouveau qui se trouve dans l'hémisphère austral. On peut donc, avec justesse, donner la dénominatina de Continent-Austral à cette terre qui est trop grande pour être classée parmi les iles, et qui se trouve entierement au sud de la ligne équiGo1jale.

Silon objectait que le Continent-Austral, relativement aux autres parties du Monde Maritime, est trop petit et trop peu important sous le double rapport de sa population et de ses produits, nous répondrions, pour justifier l'expression de ContiRent Austral dont nous nous servons que les grandes divisions du globe devant être fondées sur leur caractere physique plutôt que sur toute autre considération, nous trouvons, par le calcul, que l'Australie ou le Continent-Austral, ayant une surface qu'on peut évaluer d'après les meilleures carles à 2,204,000 milles carrés, et que tout le reste de 1Océanie pouvant être estimé à environ 896,000 milles carrés, le continent est, aux îles qu'on regarde comme ses dépendances géographiques, dans la proportion de 2,204,000 à 896,000, ou ap proximativement comme 551 à 224, ou comme 22 39. La partie principale surpasse donc de beaucoup la partie accessoire; et quoique cette proportion soit dans un rapport moindre que celui qu'on obServe entre le Continent Ancien et le Continent Nouveau, relativement à leurs îles respectives, ce rapport cependant est toujours assez grand pour quoa n'abandonne pas une division qui est en harmonie avec les autres, et qui complète le tableau de la principale classification de toutes les terres du globe.

Quant à ce qui concerne les limites occidentales de l'Océanie qui forment le point discuté entre les géographes français et ceux des autres nations, Gous ne ferons que répéter les raisonnemens de notre célèbre ami, qui, dans son Précis, s'exprime de la manière suivante: « En effet, il faut se décider ou à ne voir même dans la Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Zélande qu'un appendice de l'Asie, ou il faut créer une nouvelle division qui renfermera ces vastes terres. Une fois la nécessité de cette nouvelle classe admise, on a eu tort de ne pas en déterminer la circonscription d'après des principes purement scientifiques. Pourquoi couper en deux

ce grand archipel qui, sur le globe terrestre, présente un ensemble si frappant? Pourquoi chercher entre les îles Moluques et les iles des Papous une ligne de démarcation que la nature n'y a point tracée? Le nom d'Asie n'a été donné, par les anciens, qu'au continent qui le porte; les îles de Sumatra, de Java, de Bornéo, découvertes par les modernes, n'ont été attribuées à l'Asie que parce qu'on ignorait l'étendue de l'archipel dont elles font partie. Pourquoi ne restreindrions-nous pas cette exception dans les limites marquées par la nature? D'ailleurs la mer de la Chine ne sépare-t-elle pas l'Asie des terres du Grand-Océan, comme la Méditerranée sépare l'Afrique de l'Europe?»>

Mais il est d'autres parties du monde dont les limites sont encore le sujet de beaucoup de dissentimens entre les savans, et à l'égard desquelles les géographes les plus distingués sont bien loin d'être d'accord entre eux. Nous voulons parler des limites orientales de l'Europe. Malte-Brun, dès le commencement du siècle actuel, et plus tard dans son Précis, a fait voir combien il était important et convenable de donner à l'Europe la limite naturelle tracée par l'Oural et par la mer Caspienne. C'est cette limite qui a été depuis adoptée avec quelques légères modifications par presque tous les géographes français, et c'est aussi celle que nous avons admise dans notre Compendio, en 1816 et en 1819. Nous avons médité depuis sur ce sujet; et après nous en être longuement entretenu avec Malte-Brun, nous avons cru devoir reculer la frontière de l'Europe jusqu'à la chaine principale du Caucase. Plusieurs raisons, qu'il serait trop long d'exposer ici, nous ont engagé à faire cette modification, que Malte-Brun lui-même se proposait d'introduire dans l'Abrégé de géographie auquel il travaillait au moment même où la mort l'a frappé. Nous avons eu la satisfaction de voir que des géographes très distingués, MM. Walckenaer et Eyriès, dans l'Abrégé de géographie moderne de Pinkerton, et M. Denaix, dans ses Essais de géographie méthodique et comparative, ont eu la mème idée, et ont modifié de la sorte les limites orientales de l'Europe. Ces mêmes limites ont été adoptées par M. Hornschuch dans son Traité de géographie élémentaire. Nous laissons aux géographes routiniers le plaisir de conserver des divisions imaginaires, car le gouvernement russe, sur le territoire duquel ces savans s'amusent à tracer de semblables démarcations, ne reconnait aucune division entre la Russie d'Europe et celle d'Asie. Cette dernière observation doit s'appliquer aussi à l'eïalet turk du Djesaïr ou des iles, dépendant du capitan-pacha; car il s'étend sur une partie du continent en Europe et en Asie et sur les îles de l'Archipel qui appartiennent à ces deux grandes divisions du globe.

Il en est de la classification des îles comme des limites orientales de l'Europe, des limites occidentales de l'Océanic, de la classification des montagnes et de plusieurs autres questions sur lesquelles les géographes diffèrent entièrement. Quant à nous, il nous semble que la classification desiles ne doit avoir d'autre point de départ que leur plus ou moins grande proximité du continent. Toute autre

règle qu'on voudrait suivre offrirait les plus grands inconvéniens dans son application. C'est par suite de ce système que nous avons classé, dans notre Compendio, parmi les iles américaines l'Islande, que presque tous les géographies s'accordent à mettre en Europe à la suite du Danemark. C'est aussi ce même principe de la plus grande proximité du continent enropéen qui nous a fait classer dans ce mème ouvrage avec les iles de l'Europe l'archipel des Açores, que tous les géographes s'obstinent à regarder comme une dépendance géographique de l'Afrique. La dépendance politique de l'Islande du Danemark, son gouvernement analogue à celui de cette monarchie, la langue et la religion de ses habitans, ne sont pas des motifs assez puissans pour autoriser le géographe à considérer cette ile comme une dépendance géographique de l'Europe. L'ile de Terre-Neuve, celles de Saint-Jean et du cap Breton, les archipels des Antilles et des Lucayes, etc., etc., devraient être aussi classés parmi les iles européennes, si ces considérations étaient de quel que valeur pour l'Islande. Un tel système de classification est évidemment trop vicieux pour que nous insistions? Il pouvait être bon avant la découverte du Nouveau-Monde; car, comme on ne connaissait pas d'autre grande terre de ce côté, il fallait nécessairement rattacher à l'Europe l'Islande et le Groenland, découverts dans le moyen age. Mais il serait absurde de conserver une classification aussi imparfaite maintenant que l'on connaît le vaste continent dont ces grandes îles sont incontestablement des dépendances géographiques. Convaincu de la vérité de ce principe et de l'utilité de son application dans la classification des iles, nous l'avons toujours eu présent dans tous les calculs que nous avons faits sur la superficie et sur la population des cinq parties du monde. C'est à cette manière toute différente de classer les îles que l'on doit en partie attribuer la différence, parfois très grande, que l'on trouvera entre nos évaluations et celles des plus savans statisticiens de l'Allemagne, surtout relativement à la monarchie Danoise et à l'Océanie. En effet, en ajoutant avec ces derniers toute l'Islande au petit royaume de Danemark, on triple presque la surface de la partie européenne de cette monarchie, que, d'après les meilleures cartes et les plus imposantes autorités, nous n'avons évaluée qu'à 16,500 milles carrés géographiques.

Mais avant d'offrir le tableau de la statistique générale des grandes divisions du globe que nous venons de tracer, il faut en examiner les bases principales: la superficie et la population.

Nous avons vu à la page 6 que la superficie du globe

est de 148,521,600 milles carrés. Nos recherches et nos calculs sur la superficie de toutes les terres connues nous ont donné la somme de 37,673,000 milles carrés pour la superficie des cinq parties du monde et des iles regardées comme leurs dépen-: dances géographiques; le reste, ou 110,849,000 milles carrés indiquent la superficie de toutes les mers du globe. Les terres sont donc aux mers comme 37,673,000 à 110,849,000, ou approximativement comme 1 à 3.

Les géographes modernes, qui sont au niveau des progrès de la science qu'ils cultivent, s'accordent assez sur cette proportion entre la superficie des terres et celle des eaux du globe; mais ils different beaucoup dans la détermination de la superficie des différentes parties du monde et de leurs principaux états. Les bornes de cet ouvrage ne nous permettent pas d'analyser les causes qui nous paraissent avoir contribué le plus à produire l'étonnante disparité d'opinions que nous avons rencontrée dans les géographies et dans tous les ouvrages où jusqu'à présent l'on a eu occasion de traiter ce sujet. Nos lecteurs les trouveront indiquées dans le Mémoire que nous avons inséré dans le xxi volume du Bulletin Universel. Ils verront quelle confiance on doit accorder aux évaluations faites à chaque instant, et reproduites dans une foule d'ouvrages élémentaires et même spéciaux de géographie et de statistique par des juges non compétens. Nous nous bornerons à présenter dans le tableau ci-dessous l'étonnante disparité d'opinions émises relativement à la superficie de quelques contrées, dont la mesure depuis long-temps paraît ne devoir offrir que de très petites différences, parce que leur contour est bien on du moins suffisamment connu. On doit d'autant plus s'étonner de trouver ces évaluations erronées reproduites dans des ouvrages modernes, qu'il suffit que deux auteurs connaissent les premiers élémens de la géométrie, et qu'ils établissent leurs calculs sur les meilleures cartes, pour obtenir des résultats très rapprochés entre eux. Plus d'une fois nous avons pu nous en convaincre par nousmeme, car les résultats de nos calculs ont été presque toujours identiques avec ceux qui ont été faits depuis par MM. de Humboldt, Freycinet, Brué, Hoffmann, ainsi que par plusieurs autres géographes et savans très distingués. Nous citerons, entre autres,nos évaluations sur la superficie de l'empire du Brésil, de l'archipel de Sandwich, de la Sicile et celle de l'Afrique. Les évaluations de la dernière colonne sont le résultat de nos calculs et les estimations des divers auteurs que nous avons adoptées comme les plus exactes.

TABLEAU COMPARATIF

DES PRINCIPALES OPINIONS ÉMISES SUR LA SURFACE DE QUELQUES PAYS PAR DIFFERENS AUTEURS.

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d'autres, où il est question de sujets variables par eux-mêmes, il faut avant tout commencer par ne mettre ensemble que des élémens comparables, et par faire un choix de ceux qui méritent d'être discutés. On remplit la première condition du problème en réunissant toutes les opinions qui se rapportent à la même époque, ou à des époques peu éloignées les unes des autres; on satisfait à la seconde en rejetant toutes les évaluations qui, n'étant basées ni sur des faits positifs nisur des raisonnemens, sont évidemment erronées. En procédant de la sorte, on verra s'évanouir cette étonnante disparité d'opinions sur le nombre d'habitans d'une même contrée, disparité qui a valu plus d'une fois à la géographie statistique d'injustes reproches. Avant de faire l'analyse du tableau comparatif des principales opinions émises par les savans et les géographes sur la population du globe, il faut diviser toutes les contrées qui le composent en deux classes: 1° celles qui entrent dans le domaine de la statistique proprement dite; 2° celles qui n'y sont pas encore entrées.

La première classe comprend toutes les contrées dont la population a été déterminée par des recensemens effectifs qui, lorsqu'ils sont généraux, c'est-à-dire lorsqu'ils embrassent tous les habitans sans aucune exception, sont les seuls qui peuvent donner des résultats certains et assez rapprochés du nombre réel. Viennent ensuite les pays dont la population a été déterminée par plusieurs méthodes indirectes, telles que l'énumération de toutes les personnes sujettes à un impôt quelconque; celles des familles ou feux; celle des maisons, qu'il ne faut pas confondre, comme on le faisait souvent, avec la précédente; enfin, viennent ceux dont le nombre d'habitans a été déduit du mouvement de la population, c'est-àdire du rapport des naissances, des décès et des mariages au chiffre des vivans. Aucune de ces méthodes indirectes ne doit être employée isolé ment quand on peut faire différemment; il faut comparer entre eux les résultats obtenus par une méthode, avec ceux qui sont fournis par plusieurs autres. En procédant de la sorte on est sûr d'avoir des résultats presque identiques à ceux qui sont obtenus par l'énumération effective. Cette première classe de pays comprend toute l'Europe, à l'exception de l'empire Ottoman; toute l'Amérique, excepté les territoires occupés par les sauvages indépendans; la Chine et plusieurs régions des autres parties du monde, dans lesquelles les Européens se sont établis ou dominent.

Mais, à propos de ces dernières, nous devons faire observer que bien souvent des auteurs étrangers à la statistique, et quelquefois même des statisticiens, regardent comme résultat d'un recensement des chiffres qui ne sont que la somme de l'excédant des naissances sur les décès, pendant une certaine période, ajoutée au nombre d'habitans existans à une époque donnée. C'est ainsi que le prétendu recensement qui, d'après plusieurs journaux politiques et littéraires, aurait été fait en France en 1827, n'est autre chose que l'excédant des naissances sur les décès qui ont eu lieu dans ce royaume depuis 1920 jusqu'à

1827, ajouté à la population existante à la fin de 1820. C'est de cette manière aussi que depuis 1816 on calcule la population de la Hollande et de la Belgique. Et pour citer encore un autre exemple, nous ajouterons que depuis 1801 il n'y a pas eu de recensement dans le royaume de Danemark, malgré tous ceux dont les journaux nous ont gratifiés annuellement depuis cette époque. C'est tout simplement le mouvement de la population, observé avec une exactitude scrupuleuse, qui pourrait servir de modèle à plusieurs états que l'on s'accorde à regarder comme les plus avancés dans cette branche de l'administration.

Connaissant le mouvement de la population de tous les pays où l'on tient des registres de naissance, de décès et de mariage, nous avons employé ce moyen pour déterminer la population de quelques contrées de l'Europe et de l'Amérique, pour la fin de 1826. Mais nous nous sommes bien gardé d'admettre sans examen les évaluations exagérées de quelques nationaux et celles de Hassel, évaluations dont quelques-unes figurent dans plusieurs ouvrages géographiques, et qui sont données comme étant les résultats de recensemens effectifs. Ainsi, nous parlerons du prétendu recensement d'après lequel, dès l'année 1827, la confédération Anglo-Américaine aurait eu 12,276,782 habitans, somme identique à celle publiée par Hassel dans le Genealogisch-historisch-statistischer Almanach, pour l'année 1828, que ce savant statisticien n'a donnée que comme une simple approximation. Dans la Balance politique du globe, nous n'avons assigné à ce même état, pour la fin de l'année 1826, que 11,600,000 habitans. Nous avons eu la satisfaction de voir que notre évaluation était presque conforme à celle de M. Stevenson dans le rapport lu par ce savant, le 25 février 1829, à la chambre des représentans des Etats-Unis. M. Stevenson n'estime la population de l'Union pour 1830, qu'à 13,000,000, tandis que plusieurs auteurs nationaux et étrangers, dès l'année 1824, la portaient, les uns à 12, les autres à 13 etjusqu'à 14 millions. Nous verrons plus loin les résultats positifs donnés par le recensement de 1831, qui viennent aussi à l'appui de notre évaluation. La seconde classe, comme nous l'avons dit, comprend tous les pays qui restent encore en dehors de la sphère de la statistique. Dans cette classe, les populations ne peuvent être connues qu'à l'aide de plusieurs procédés plus ou moins compliqués, plus ou moins vagues, lorsqu'on les considère chacur. isolément, mais qui peuvent donner des résultats assez satisfaisans lorsqu'on les combine ensemble. Les élémens principaux de ces calculs sont : 1o l'étendue ou la superficie du pays dont il est question; 2° son climat; 3° la qualité du sol, fertile ou stérile, montueux ou uni, aride ou arrosé par des fleuves, ou couvert de marais; 4° sa position près de la mer ou dans l'intérieur du continent; 5o l'état de l'agriculture qui peut se trouver encore dans l'enfance, comme chez quelques tribus sauvages, ou très arriérée, comme chez plusieurs nations civilisées, ou qui, au contraire, a atteint son plus grand degré de développement, comme dans plusieurs parties de la France, de l'Italie et de l'Angleterre; 6o enfin, l'état social de ses habitans, qui

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peuvent être tout-à-fait sauvages, ou entièrement Domades, demi-nomades, agricoles, plus ou moins adonnés au commerce, à la navigation, ou à l'industrie manufacturière. Toutes ces circonstances influent beaucoup sur la multiplication de l'espece humaine, et, par conséquent, doivent être soigneusement discutées par le géographe qui les emploie, pour acquérir la connaissance de la population d'un pays donné.

Dans les contrées dont les habitans sont placés au dermier degré de l'état social, où les hommes, par exemple, ne vivent que des fruits spontanés de la terre, des produits de leur chasse ou de leur pêche, en trouvera sur un espace donné 18 ou 20 fois moins d'individus qu'on n'en rencontrerait s'il était occupé par un peuple pasteur. Une contrée où des tribus entières, comme celles des Cafres, des Arabes-Bédouins, des Calmouks et des Mongols, vivent en grande partie du lait et de la chair de leurs troupeaus, offrira encore une population 25 ou 30 fois moins concentrée qu'un pays d'égale étendue habité par une nation agricole, parce que, pour élever des troupeaux, il faut de vastes espaces de terre qui puissent fournir le fourrage indispensable à leur existence. Mais dans un pays agricole, le travail d'un petit nombre d'individus procurant bien au-delà de ce qui est nécessaire pour l'entretien de ses habitans, il arrivera que cet excédant fera subsister un grand nombre d'autres individus sur un espace infiniment moins étendu que celui qui est nécessaire à un peuple composé entièrement de pasteurs ou de chasseurs. Si nous supposons sur ce même territoire une ou plusieurs grandes villes habitées par des hommes adonnés au commerce, aux fabriques et à la navigation, alors la population qu'il pourra nourrir n'aura d'autres bornes que les limites imposées par la richesse même de ses habitans et par les relations de leur commerce. Car, non-seulement elle tirera sa subsistance des produits immédiats de son propre sol, mais elle pourra compter sur les produits des pays voisins ou même de pays très éloignés, où ses commercans iront les chercher. Ainsi le nombre d'habitans pouvant vivre sur un espace de terrain donné, variera suivant leur degré de civilisation plus ou moins avancé.

Le nombre d'hommes en état de porter les armes que compte une nation quelconque, et celui des guerriers des tribus sauvages, le nombre de tentes des peuples pasteurs, etc., donnent aussi une indication à l'aide de laquelle on peut connaître la totalité des individus qui forment la nation. C'est cette dernière méthode qui a servi de base à presque tous les voyageurs et à plusieurs navigateurs, pour déterminer la population des peuplades qu'ils nous ont fait connaitre.

La quantité de certains alimens et de certaines boissons consommés annuellement; la consommation du sel et du tabac chez les peuples européens et leurs descendans; celle de l'opium chez les Orientaux ; celle du pétrole chez les Birmans, sont aussi d'autres moyens approximatifs employés pour évaluer la population de ces pays.

Le nombre de villes, de bourgs, de villages et de hameaux existant dans un pays à une époque donnée, fournit aussi un autre élément à l'aide

duquel on peut parvenir à connaitre approximativement sa population.

Passons maintenant à la partie pratique de quelques-uns de ces principes. Parmi les pays appartenant à la première classe, il y en a plusieurs dont les habitans se trouvent dans des circonstances analogues à celle des pays compris dans la seconde, c'est-à-dire qu'on trouve des pays habités par des agriculteurs, par des nomades, et même par des sauvages. Connaissant donc la surface d'un pays quelconque, dont nous ignorons la population, on n'aura qu'à le comparer avec un des pays de la première classe qui se trouve dans les circonstances physiques et morales les plus analogues. Et comme nous connaissons la population relative de ce dernier, c'est-à-dire que nous savons combien il a d'habitans par chaque mille carré, on n'aura qu'à multiplier la superficie du second par la population relative de celui que l'on a choisi pour terme de comparaison, et le produit offrira le nombre d'habitans qu'on desirait connaître. Le général Andréossi, en faisant un calcul sur la quantité d'eau consommée journellement à Constantinople, trouva que cette ville, sans y comprendre Scutari et les villages de la rive gauche du Bosphore, pouvait avoir 597,600 habitans, nombre presque identique avec les résultats qu'il obtint d'un autre calcul sur la quantité de pain consommée chaque jour dans cette ville. Par ce nouveau procédé, et en y comprenant Scutari et les villages exclus du calcul précédent, Constantinople aurait eu 630,000 habitans.

Ce sont ces différentes méthodes, tantôt isolées, tantôt combinées entre elles, que nous avons employées, selon les circonstances, pour déterminer le nombre approximatif des habitans de tous les pays compris dans la seconde classe. Nous regrettons que notre cadre ne nous permette pas d'entrer dans de plus grands détails; mais nous renvoyons au mémoire de M. Jomard sur la Population comparée de l'Égypte ancienne et moderne, ceux qui voudraient savoir jusqu'à quel point un statisticien habile peut tirer parti de l'emploi de ces moyens indirects, non-seulement pour connaitre la population actuelle d'un pays, mais même pour parvenir à savoir celle qu'il possédait dans l'antiquité la plus reculée. Ils verront de quelle manière lumineuse ce savant a su réduire à leur juste valeur les estimations exagérées de Wallace, de Goguet et d'autres érudits du dernier siècle, qui fondaient leurs calculs sur des renseignemens fournis par des passages d'auteurs anciens mal interprétés, sur l'estimation erronée de la superficie de cette contrée, et en admettant des rapports inexacts entre le nombre des naissances et celui des vivans.

Le tableau suivant offre les étonnantes contradictions des savans et des géographes, relativement à la population du globe. On sera peut-être surpris de ne pas trouver cités les nombreux auteurs de géographies modernes, d'abrégés, de manuels, de résumés, de tableaux et allas statistiques, de dictionnaires, et d'une foule d'autres ouvrages qui, depuis quelques années, fourmillent en librairie. Les recherches que nous avons faites pour rédiger le Compendio di Geografia universale, la Balance politique du globe, et

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