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candidats dans toute l'étendue du royaume, pourvu qu'ils paient le cens électoral fixé. Il résulte clairement de l'ensemble de l'article que la réduction du cens électoral, lorsque le nombre des citoyens payant mille florins n'atteint pas la proportion déterminée, n'est admise que relativement aux localités, et qu'ainsi les habitants des autres provinces payant plus que le cens réduit, mais hors de la circonscription territoriale où la réduction a lieu, ne pourraient pas se faire porter sur la liste des éligibles de cette province, et par conséquent y être élus. Mais une fois portés sur la liste des éligibles d'une province où le cens est réduit, les citoyens qui paient moins de mille florins, sont-ils éligibles dans tout le royaume? Le sont-ils au moins dans les autres provinces où le cens est réduit à un taux plus bas que dans la province sur la liste de laquelle ils sont portés? Par exemple, l'éligible de la province de Liége où le cens d'éligibilité au sénat, quoique inférieur à mille florins, est plus élevé que celui du Luxembourg, peut-il être élu dans cette dernière province? Il nous semble que l'intention évidente de cet article de la constitution a été principalement d'atteindre un double objet elle a voulu d'abord qu'il y eût pour tout le royaume un nombre d'éligibles proportionné à sa population totale, d'après laquelle le nombre des sénateurs a été calculé comme celui des représentants (articles 49 et 54), car elle n'a admis la proportion d'un éligible sur 6,000 habitants, que pour mettre toutes les provinces dans une position équivalente, et dans le fait cette proportion n'est atteinte nulle part par les contribuables à mille florins. La constitution a voulu ensuite que les choix pussent partout se faire dans ce nombre, réparti à la vérité par provinces, mais non pour y concentrer les élections auxquelles de semblables limites ne sont pas imposées, et seulement pour que chaque province eût, à raison de sa population, et dans la généralité des élections, des chances égales d'être appelée au sénat par ses habitants; or, cela ne serait plus, comme le nombre total des éligibles pour tout le royaume resterait incomplet, si les provinces dans lesquelles peu ou point de citoyens paient mille florins. d'impôt, ne pouvaient pas voir entrer en concurrence dans les élections des autres provinces, ceux de leurs habitants qui sont éligibles chez elles à raison d'un cens moins élevé. C'est la population et non le cens qui détermine le nombre des éligibles. On oppose l'art. 48 de la loi électorale; mais cet article, qui n'a pas prévu la difficulté et qui ne s'est occupé que de la règle générale, n'a pas pu déroger à la constitution. Le sénat a cependant admis le système contraire à cette opinion dans la séance du 8 juin 1833, relativement à une élection du Luxembourg. (Mon. Belge du 10.) Voy. aussi les no 62, 63 et 112 de l'Union Belge.

57. Les sénateurs ne reçoivent ni traitement ni indemnité.

Traitement. La proposition de déclarer que les membres du sénat ne

pourront accepter des fonctions à la cour, n'a pas eu de suite. Si les fonctions qu'ils acceptent après leur élection sont salariées, ils se soumettent à une réélection. Voy. l'art. 36 et ses notes. (Union Belge, no 63.)

58. A l'âge de 18 ans, l'héritier présomptif du roi est de droit sénateur. Il n'a voix délibérative qu'à l'âge de 25 ans,

De droit. Cet article établit une exception à la règle des art. 53 et 54, d'après laquelle le sénat ne se compose que de membres élus en nombre fixe.

On a considéré qu'il était de l'intérêt général que celui qui est destiné à régner, prit part de bonne heure aux discussions politiques, Son admission est tout exceptionnelle et ne diminue pas le nombre des membres élus. Voy. la discussion. (Union Belge, no 63.)

59. Toute assemblée du sénat qui serait tenue hors du temps de la session de la chambre des représentants, est nulle de plein droit.

CHAPITRE II.

Du roi et de ses ministres.

SECTION PREMIÈRE.

Du roi.

Présentation et rapport par M. Raikem, le 7 janvier 1831. Discussion aux séances des 8, 9, 10 et 14 janvier. (Un. Belge, no 83, 84, 85, 86 et 90.)

60. Les pouvoirs constitutionnels du roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle et légitime de S. M. Léopold-GEORGE-CHRÉTIEN-FRÉDÉRIC de Saxe-Cobourg, de mâle en måle, par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

De S. M. Léopold. Cet article, adopté et décrété avec les noms du roi en blanc, a été complété après l'élection et l'inauguration du chef de

l'État. (V. la résolution du congrès national du 20 juillet 1831, et l'arrêté royal du 1er septembre suivant, n° 215.)

Le prince de Saxe-Cobourg a été proclamé roi des Belges, par décret du congrès national du 4 juin 1851, no 142.

A l'exclusion. Les sections se sont en général prononcées pour l'exclusion des femmes; la section centrale s'est prononcée dans le même sens å la majorité de 9 voix contre 3. (Rapp. de la sect. centr.)

61. A défaut de descendance masculine de S. M. LéopoldGEORGE-CHRÉTIEN-FRÉDÉRIC de Saxe-Cobourg, il pourra nommer son successeur, avec l'assentiment des chambres, émis de la manière prescrite par l'article suivant.

S'il n'y a pas eu de nomination faite d'après le mode cidessus, le trône sera vacant.

De S. M. Léopold. Adopté comme l'article précédent, sans indication du nom du roi, cet article a été complété par suite des mêmes décret et arrêté, indiqués à l'art. 60. (Un. Belge, no 113.)

62. Le roi ne peut être en même temps chef d'un autre État, sans l'assentiment des deux chambres.

Aucune des deux chambres ne peut délibérer sur cet objet, si deux tiers au moins des membres qui la composent ne sont présents, et la résolution n'est adoptée qu'autant qu'elle réunit au moins les deux tiers des suffrages.

63. La personne du roi est inviolable; ses ministres sont responsables.

La personne du roi. La section centrale avait proposé les mots : le roi est inviolable. On leur substitua ceux de la personne du roi. Il importait en effet de distinguer entre la personne du chef de l'État, et le chef de l'État, car si l'article 63 portait le chef de l'État, on ne pourrait pas prononcer la déchéance du roi.

Inviolable. Responsables. Cet article consacre l'application du droit public anglais : Le roi ne peut faire mal, considéré comme l'essence de la monarchie constitutionnelle, et qui ne consiste pas seulement dans le privilége accordé au chef de l'État de ne répondre judiciairement d'aucun acte de son pouvoir, mais qui comporte encore l'interdiction de toute censure envers la personne du prince.

« Il ne faut pas que la puissance législative ait la faculté d'empêcher l'action de la puissance exécutrice : sans liberté complète, comment celleci pourrait-elle atteindre le but qui lui est assigné? et d'ailleurs, la puissance exécutrice s'exerçant toujours sur des choses momentanées, c'est pour elle qu'un libre arbitre est le plus nécessaire.

» Mais si, dans un État libre, la puissance législative ne doit pas avoir le droit d'empêcher l'action de la puissance exécutrice, elle a le droit et doit avoir la faculté d'examiner de quelle manière les lois qu'elle a faites ont été exécutées.

»De ce droit d'examen et de la sévérité avec laquelle il sera exercé, dépendent la fidèle exécution des lois, et par conséquent le bon gouvernement. Mais, quel que soit cet examen, le corps législatif ne doit point avoir le pouvoir de juger la personne, et par conséquent, la conduite de celui qui exécute. Sa personne doit être sacrée, parce qu'étant nécessaire à l'État pour que le corps législatif n'y devienne point tyrannique, dès le moment qu'il serait accusé ou jugé il n'y aurait plus de liberté.

» De là cet usage politique, admis par tous les gouvernements constitutionnels Le roi ne peut mal faire; sa personne est inviolable et sacrée.

» Mais, comme celui qui exécute ne peut exécuter mal sans avoir des conseillers méchants et qui haïssent les lois comme ministres, quoiqu'elles les favorisent comme hommes, ceux-ci peuvent être recherchés et punis. Et de là cette autre maxime: Les ministres sont responsables.

» Les ministres sont donc interposés entre le roi et la loi, afin de concilier l'inviolabilité de la personne sacrée du monarque, avec ce qu'il doit lui-même à l'autorité des lois. » (Macarel, Éléments de droit politique, p. 67.)

« Il ne s'agit ici que d'une responsabilité positive, qui se termine à un compte et à une réparation; car la responsabilité morale, que l'on a trop souvent confondue avec elle, ne peut pas plus cesser que le témoignage de la conscience et le jugement de l'opinion: c'est une chose en dehors de toutes les lois humaines. » (Hello, Du régime constitutionnel, p. 179.)

64. Aucun acte du roi ne peut avoir d'effet, s'il n'est contre-signé par un ministre, qui, par cela seul, s'en rend respon

sable.

Contre-signé.-Responsable. « Le ministre constitutionnel est une partie intégrante des délibérations du prince; son contre-seing n'est pas une simple légalisation, mais une approbation formelle : il est l'auteur de l'acte, il contracte une obligation, il devient responsable. Ainsi le prince constitutionnel n'est responsable de rien, parce que l'action lui est ôtée, tandis que le ministre du nouveau régime devient responsable de tout, parce que l'action lui est transportée."

<< Si l'agent du prince, en devenant nécessaire, ne devenait pas respon

sable, son intervention dans le gouvernement serait une calamité: la condition du prince et du peuple serait pire que sous le pouvoir absolu, puisqu'on ne pourrait ni se passer de lui, ni le réprimer. Quand le ministre ne voit pas peser sur sa tête une responsabilité imminente, il ne lui reste que le sentiment de sa nécessité, et il est inévitable qu'il tende au despotisme. Ce despotisme est le plus redoutable de tous, parce qu'il s'exerce au nom d'autrui ; il est redoutable à la nation, à laquelle il n'offre aucune prise; il est redoutable au prince, dont il compromet la prérogative; car la responsabilité des choses humaines ne peut rester incertaine et flottante; il faut qu'elle se fixe sur une tête. Si le ministre s'y soustrait, elle remonte jusqu'au prince, auquel elle s'attache, en sorte que le monarque perd l'action immédiate, sans gagner l'inviolabilité. » (Hello, Du régime constitutionnel, p. 199 et 200.)

« La loi politique, en supposant toujours dans le prince de bonnes intentions, a laissé à l'État un moyen de prévenir les abus de pouvoir, les vexations qui pourraient en résulter, en rendant les ministres responsables des actes qu'il fait, puisque les ministres sont les agents du prince, agents par lesquels il gouverne. Obligé de voir par eux, il n'agit que d'après leurs rapports, et le plus souvent que d'après leurs vues; et s'il agit mal, ce sont eux qui sont réellement coupables aussi ce sont eux qui sont responsables. Le prince est bien l'âme qui leur donne le mouvement, mais aussi il reçoit d'eux les documents nécessaires pour connaître et pour apprécier les besoins de l'État. Les fausses directions qu'il peut prendre et recevoir, les excès de pouvoir qu'il peut commettre, sont des fautes ou des crimes qui sont considérés comme leur étant personnels.

» Les ministres sont responsables des actes signés par eux, de l'inexécution des lois et des règlements d'administration publique, ainsi que des ordres particuliers qu'ils ont donnés, si ces ordres sont contraires aux constitutions, aux lois et aux règlements.

» Le ministre étant responsable envers les administrés et l'État, des actes du gouvernement qu'il a signés, l'est également des actes des administrateurs qu'il approuve. L'approbation ministérielle imprimant à ces actes un caractère obligatoire, le ministre devient ainsi le coopérateur à l'infraction aux lois et aux règlements, lorsque ces actes y sont contraires. Que deviendraient, en effet, la sûreté et la bonté du gouvernement, si la conscience du prince pouvait être impunément trompée par ceux mêmes en qui il a mis sa confiance? que deviendrait la garantie des administrés contre l'administrateur, si celui-ci trouvait une sauvegarde dans l'autorité supérieure? Toute infraction aux lois et aux règlements, est un attentat contre la volonté publique.» (Bonnin, Principes d'administration publique, L. I.)

65. Le roi nomme et révoque ses ministres.

Nomme et révoque. L'inviolabilité du chef de l'État est proclamée en

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