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La loi du 27 septembre 1833 a déclaré que la naturalisation serait gratuite. V. l'art. 155, ci-après.

Quel est l'effet des naturalisations accordées par le gouvernement provisoire pendant qu'il exerçait seul tous les pouvoirs? équivalent-ils à la grande naturalisation? Cette question a été soulevée dans la discussion d'un projet de loi sur la naturalisation. La négative a semblé prévaloir. (Monit. belge du 23 mars 1833.)

La loi sur la naturalisation, citée ci-dessus, semble avoir reculé devant la solution de cette question, puisqu'elle a décidé que les personnes qui avaient obtenu la naturalisation avant sa publication, continueraient à jouir des droits que les actes de naturalisation leur confèrent.

6. Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres.

Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers. Disc. et adop. du 21 décembre 1850. (Un. Belge, no 66.)

D'ordres. Cette disposition a réduit la noblesse à des qualifications, à des titres sans importance; elle a abrogé la distinction féodale des trois ordres : l'ordre équestre, l'ordre des villes, et l'ordre des campagnes, qui avait été rétablie par le gouvernement précédent. - V. la discussion sur la loi établissant l'ordre de Léopold. (Monit. Belge, 5 juillet 1832.)

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Égaux devant la loi. L'égalité, c'est le droit égal pour tous d'obtenir justice et protection devant la loi ; c'est le droit pour tous de parvenir aux fonctions publiques, aux grades militaires; c'est l'absence de tout privilége fondé sur de prétendues différences, entre diverses classes d'hommes, qui tous naissent égaux en droits. Il y a égalité, quand il n'y a d'autres causes de préférence que les vertus, les talents, la position honorablement acquise. Si des conditions spéciales sont exigées par la loi, qui fait jouir les citoyens de certains avantages, l'égalité alors, c'est l'espoir de s'élever par son travail, de conquérir le droit par de nobles efforts.

Les étrangers jouissent aussi de cette égalité, sauf les exceptions qui tiennent à leur extranéité. - V. l'art. 127.

« La constitution, en statuant, par son article 6, que les Belges sont égaux devant la loi, a eu en vue de proscrire la distinction des ordres, en garantissant à tout Belge la jouissance de ses droits civils et politiques. Entendre ces termes dans un sens absolu, ce serait s'élever contre le vœu de la constitution même, qui, tout en assurant aux Belges l'égalité devant la loi, a laissé à la loi même le soin des juridictions exceptionnelles, et a reconnu soit celle des tribunaux de commerce, soit celle des tribunaux militaires, enfin celle de la cour de cassation en cas d'accusation des ministres. Cette vérité prend encore un degré d'évidence de plus, par la con

sidération que notre législation actuelle, et notamment la loi sur la presse, organique en son objet, de la constitution même, abandonne les délits politiques et de la presse à la décision d'un jury sans appel.» (Arrêt de la cour de Bruxelles, 1re ch., en date du 14 janvier 1832.)

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« C'est dans ses rapports avec la distinction d'ordres qui existait autrefois et qui aurait pu se reproduire, que l'art. 6 s'occupe de l'égalité des Belges, ou, en d'autres termes, l'égalité devant la loi ne signifie là autre chose si ce n'est que la loi, dans ce qu'elle prescrit, ne peut s'adresser qu'aux Belges, et qu'uniquement comme Belges, sans acception de personnes, sans égard aux titres ou rangs dont ils peuvent jouir. » (Arrêt de la cour de Bruxelles, 3o ch., en date du 9 février 1833.)

Admissibles aux emplois. Le mot emplois ne s'étend pas indistinctement à tous les citoyens salariés par l'État. Ainsi les commis des ministères et des gouvernements provinciaux, ainsi que les sténographes des chambres peuvent ne pas être Belges. A mérite égal, sans doute, le régnicole doit être préféré à l'étranger. Mais, a dit M. Lebeau, gardons-nous bien de céder à de vaines craintes et surtout n'adoptons pas cet esprit de nationalité jalouse qu'affectait la Hollande, grâce auquel notre pays fut privé d'un des plus savants jurisconsultes dont s'honorât la science du droit. J'ai nommé M. Daniels, ce magistrat honorable qui fut abreuvé de dégoûts par le ministre Van Maanen, et qui, ne voulant pas abdiquer sa qualité primitive, fut porter ailleurs le tribut de ses talents et de ses hautes lumières : voilà un exemple de ce patriotisme étroit qu'on voudrait nous faire adopter, mais que nous saurons répudier: Nous avons besoin des étrangers, il faut les encourager à venir chez nous, au lieu de les repousser. Sans doute si nous comptions une population de 30 millions d'habitants, je concevrais le motif de cette nationalité étroite, mais je ne conçois pas qu'on ose dire que, dans les arts et les sciences, les Belges peuvent se suffire à eux-mêmes.

Le décret du 11 avril 1831 et la loi du 22 septembre suivant, ont, par dérogation à l'art. 6 de la constitution, autorisé le gouvernement à employer jusqu'à la paix des officiers étrangers. C'est que le pays se trouvait alors dans des circonstances graves, et que la défense du territoire exigeait, par exception, l'admission d'étrangers dans les emplois militaires.

« Un principe qui ne doit pas seulement trouver sa place dans les lois secondaires, mais bien dans la constitution même, c'est celui de l'égale admissibilité de tous les citoyens aux emplois publics.

» Rien ne blesse et ne décourage plus, en effet, les citoyens, que le privilége et la partialité dans la distribution de ces sortes de faveurs; et le seul moyen de n'appeler à soi que des hommes dignes et capables est de ne mettre les emplois qu'à l'enchère des talents et des vertus. » (Macarel, Éléments de droit politique, p. 79.)

7. La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingtquatre heures.

Dans les cas prévus par la loi. V. les art. 1, 5, 6 et 7 du code d'instruction crim.)

Flagrant délit. V. les art. 40, 41 et 47 du même code.

Au plus tard dans les 24 heures. La section centrale a admis à l'unanimité le délai de 24 heures, parce qu'elle a compris que souvent un coupable échapperait, si la formalité devait être remplie au moment même de l'arrestation.

« La sûreté des personnes est un des droits absolus que l'homme tient de la nature.

» Le premier bienfait de la société est de pourvoir à notre sûreté, en réprimant les atteintes qu'y porteraient nos ennemis particuliers.

» Mais il est évident que ce bienfait n'est possible que parce que la personne de chaque sujet demeure soumise à l'action de l'autorité publique, dans le cas d'attentat à la sûreté d'autrui, et, plus généralement, dans le cas d'un crime ou d'un délit prévu par les lois.

» Un sujet n'a donc pas droit de se plaindre, s'il n'a été arrêté que pour être mis aussitôt en jugement; si l'on a vérifié, avec une exactitude impartiale, le fait dont il était accusé; si une loi, antérieure à ce fait, et en vigueur quand il a eu lieu, l'a caractérisé délit ou crime, et en a déterminé la peine. Loin que ces mesures offensent la sûreté personnelle, on voit bien qu'elles sont immédiatement nécessaires pour l'établir.

» Tout système politique qui permet d'arrêter, d'exiler, de bannir, de mettre à mort sans jugement, porte en soi le germe des révolutions, et tôt ou tard il les enfante.

» Ce système est donc à la fois nuisible aux particuliers, à la société, à l'autorité. Ainsi, il faut qu'aucun sujet ne puisse être arrêté ni troublé dans la propriété de sa personne, si ce n'est pour être traduit en justice, ou si ce n'est en exécution d'un jugement. » (Macarel, Éléments de droit politique, p. 29 et 30.)

8. Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne.

La loi lui assigne. Dans aucun cas, le consentement des parties ne pourrait déroger aux règles des juridictions qui sont d'ordre public.

Ces mots, que la loi lui assigne, ne doivent pas être pris dans le sens le plus étendu ; ils remplacent juges naturels, employés par la charte française, et qui rendent mieux l'idée qu'ils sont destinés à exprimer.

9. Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu'en vertu de la loi.

Qu'en vertu d'une loi. C'est-à-dire qu'il n'est pas nécessaire qu'une loi ait caractérisé comme délit ou contravention, tel ou tel fait, et ait prononcé la peine à y appliquer; il suffit qu'une loi ait autorisé un pouvoir, soit le roi, soit les conseils provinciaux, soit les conseils communaux, fixer les délits, et à y appliquer une peine dans des proportions déterminées par cette loi. C'est ainsi que les règlements généraux de police, que le roi a la faculté de faire, en vertu de la loi du 6 mars 1818, peuvent prononcer un emprisonnement qui n'excède pas quatorze jours, et une amende qui ne peut être moindre de fr. 21 » 16, ni excéder fr. 211 » 64; que, d'après l'art. 85 de la loi du 30 avril 1856, les conseils provinciaux sont autorisés à établir des peines qui n'excèdent pas huit jours d'emprisonnement et 200 francs d'amende, et que, suivant l'art. 78 de la loi du 30 mars 1836, les conseils communaux ont le droit de comminer des amendes et des pénalités qui ne peuvent excéder celles de simple police, prévues par les articles 471 et suiv. du code pénal.

10. Le domicile est inviolable; aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

Inviolable. L'inviolabilité du domicile est une des garanties les plus fortes que réclament les citoyens d'un pays libre. Il faut que dans l'intérieur de son habitation, le citoyen jouisse d'une entière sécurité. Otez cette sécurité, que devient le bonheur domestique? L'homme repose parce que la loi veille.

11. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établie par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité.

La propriété, c'est tout à la fois la personne et les biens légitimement acquis c'est le travail, c'est l'industrie, c'est le génie et le talent, ce sont les biens matériels, soit qu'ils consistent en meubles, en objets mobiliers, soit qu'ils consistent en immeubles.

Privé de sa propriété. D'après l'art. 544 du code civil, la propriété est

le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règle

ments.

L'art. 11 de la constitution a-t-il abrogé l'article précité du code civil, ainsi que l'art. 557 du même code, qui assujettissent le droit de jouir et de disposer de la propriété, aux modifications établies par les lois? Cette question a été résolue négativement par la cour de cassation, arrêt du 9 mai 1855.

A tel point que les dispositions réglementaires arrêtées par les régences dans l'intérêt de la salubrité publique, obligent même ceux qui construisent sur leur propre terrain. V. arrêt de cassation, Bulletin, 1855, p. 194. V. la loi du 8 mars 1810, et la loi du 17 avril 1835, sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Voir encore art. 545 du code civil; l'avis du conseil d'État du 18 août 1807; l'arrêté du 25 novembre 1816; l'arrêt de la cour de Bruxelles du 7 mars 1852 (Moniteur Belge du 16 mars) et celui de cassation du 5 mars 1833. (Bulletin de la cour de cassation.)

« L'homme civilisé, maître de sa personne, entend l'être aussi des fruits de son travail, c'est-à-dire des produits que, par sa force ou son art, il a obtenus de la nature.

» La propriété est, comme la sûreté des personnes, un des droits absolus que l'homme tient de la nature. Elle fonde l'indépendance. C'est à mesure qu'un homme accumule et féconde les fruits de son travail, qu'il dispose davantage de ses facultés personnelles, physiques et morales, qu'il se dégage du joug des volontés particulières des autres hommes, et se met en état de ne plus obéir qu'aux lois générales de la société. Par instinct ou par réflexion, nous aspirons tous à ce terme ; et quoiqu'il soit difficile que le plus grand nombre y parvienne, la société la plus sage et la plus prospère est celle où il se fait le plus de pas pour en approcher.

» Il est donc naturel que ceux qui sont ainsi devenus propriétaires, désirent être en sûreté pour leurs biens.

» Les mots propriété privée disent assez que les choses qu'ils indiquent ne sont pas à la disposition des pouvoirs publics.

» A cet égard, le premier principe est donc que la propriété est inviolable; el que, si elle est utile à l'État, il ne peut en exiger le sacrifice, qu'autant que cet intérêt légitime est constaté, et que le propriétaire sera pleinement indemnisé. » (Macarel, Éléments de droit politique, p. 30 et 31.)

12. La peine de la confiscation des biens ne peut être établie.

Confiscation. On ne doit pas faire de distinction entre la confiscation générale des biens et la confiscation de certains biens. Argum. de la loi du 7 octobre 1831.

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