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XXXVII

DISCOURS PRONONCÉ A LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

A PROPOS DE LA QUESTION

D DROIT DE RÉUNION SOULEVÉE A L'OCCASION DES BANQUETS (9 février 1848)

MESSIEURS,

Au point où est arrivé le débat, mon intention est de ne jas abuser longtemps des moments de la Chambre. M. le garde des sceaux ayant traité longuement la queslégale, je ne m'occuperai d'abord que de celle-là. Rires au centre.)

L'honorable préopinant l'a trop restreinte et fait languir; -levons-la, replaçons-la à sa véritable hauteur; quelques ections de M. le Garde des sceaux n'ont pas même été Brurées et demeurent debout: reprenons-les rapidement montrons qu'il n'en doit rien rester.

Son argumentation, si je ne me trompe, a été celle-ci : Nous ne trouvez nulle part un texte qui autorise les réuons publiques; le droit n'existe donc pas; elles ne peueat, en conséquence, exister qu'autant qu'elles sont autos par le gouvernement. >>

J'arrête d'abord M. le Garde des sceaux dans la position me de la question, et je lui dis: la faculté de réunion

étant de droit naturel, c'est à vous de me montrer un texte qui le prohibe, autrement il existe, et vous devez le respecter. Je n'ai pas besoin de rappeler l'axiome vulgaire du droit, et je fais un appel à tous les jurisconsultes de l'Assemblée. Tout homme de bon sens, en ne consultant même que sa raison, comprendra que l'exercice d'un droit imprescriptible ne peut être entravé que par une défense catégorique et expresse.

Mais ce n'est point assez ; je vais prouver que, non seulement il n'y a pas de dispositions prohibitives contre les réunions publiques, mais qu'il y a un texte solennel, fondamental, qui en protège la liberté et en considère l'usage comme un devoir pour le citoyen.

Ouvrons en effet la Constitution de 1791.

Nous trouvons au frontispice une déclaration des droits dont voici les termes :

CONSTITUTION FRANCAISE

DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DES CITOYENS

« Les représentants du peuple français constituant l'Assemblée nationale,

« Considérant que l'ignorance, l'oubli, ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes. des malheurs publics et de la corruption du gouvernement,

Ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs. »

Titre Ier.

-

- Dispositions fondamentales.

<< La Constitution garantit comme droits naturels et civils

la liberté à tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer, de publier ses pensées;

Aux citoyens, de s'assembler paisiblement et sans armes. (Mouvement.)

Ceci, messieurs, n'est pas un de ces textes de loi qui tombe inaperçu dans l'oubli; c'est quelque chose de sacram-ntel, de durable; une des conquêtes écrites, après la victoire, sur les tables de l'histoire, pour ne plus s'en effacer; un de ces principes qui surnagent sur les flots des révolations et demeurent comme un jalon dans la grande marche l'humanité. Ainsi furent les livres saints, les évangiles, puis les déclarations de droits, qui, après avoir émancipé France, font successivement le tour du globe.

st ainsi

Le texte est donc pour nous au début. Examinons mainmant si ce texte, si formel, si impératif, si ce devoir, car que l'appelle la Constitution, a été abrogé, dénié, truit. Vous ne l'osez pas soutenir en termes clairs, vous sayez d'équivoquer la charte de 1820, dites-vous, a été silencieuse, et il n'y a pas de droit éternel, il n'y a de conde que ce que la charte elle-même concède, octroie; en hors de la charte, pas de droits primordiaux.

Messieurs, c'est là une bien triste et bien pauvre docine, sans élévation, sans grandeur, mais sans vérité sur, et contre laquelle proteste la dignité de l'homme et la science humaine.

Ainsi, ajoutez vous, le droit de liberté de conscience, le et de liberté de la presse, le droit de liberté individuelle, les droits, enfin, qui tiennent aux grands principes des ons s'y trouvent rappelés; le droit de réunion publique figure pas, donc il a été exclu. Voilà votre argument, Rel-ce pas? (De toutes parts: C'est bien, ça!)

Eh bien, voici ma réponse. Le droit de souveraineté de a nation ne figure pas dans la nomenclature, faut-il en ure qu'il n'existe pas? Repondez. (Mouvement.)

M. Persil avait proposé de rappeler dans la charte que la souveraineté appartient à la nation; son amendement était la reproduction littérale d'une disposition de la Constitution de 1791 sur le même sujet. Que répondit l'Assemblée? Qu'il est des droits imprescriptibles, tellement sacrés, qu'il était inutile et presque inconvenant de les viser dans la charte.

Le droit de parler librement à cette tribune, où je viens de monter, d'y parler dans toute l'indépendance de son âme, n'est point écrit dans la charte, il n'existe donc pas? Répondez! (A gauche : Très bien! très bien!)

Il en est d'autres que vous ne pouvez pas plus nier que la lumière; s'ils ne sont pas déposés dans la charte, ils n'en reposent pas moins dans la conscience universelle. (4 gauche Très bien!)

Et vraiment, M. le Garde des sceaux, en me parlant des omissions, des lacunes de la charte de 1850, vous me faites la partie trop belle. Je vais parler avec mesure, car, pour entrer ici, j'ai prêté serment à cette charte, mais enfin nous savons tous comment elle a été faite. Est-ce là un de ces monuments complets qui ont été précédés par une longue et mûre discussion? (Interruption au centre. Plusieurs membres Vous attaquez la charte.)

:

Permettez, Messieurs, j'ai déclaré que je resterais dans la mesure, mais je veux en même temps user de mon droit. Eh! mon Dieu! il y a quelque chose de plus puissant que nos paroles, c'est la vue même du texte original, de ses lacunes; je vais vous les faire passer devant les yeux et laisser parler l'histoire.

Voici comment votre charte a été faite. (Nouvelle et plus rive interruption. - Quelques voix: A l'ordre!)

Messieurs, vous avez tort de m'interrompre, mon intention est de raisonner et non de passionner l'Assemblee; retranchez de mes paroles ce qui vous semble inconstitu

tionnel et suivez la déduction de mon raisonnement dont je suis exclusivement préoccupé.

ге

Lors de la révision de la charte, vous déclarez au milieu du peuple en armes que vous êtes tellement pressés que vous Le pouvez même pas prendre le temps de faire un préambule, une déclaration de droits; or, je vous ai démontré, il a un instant, que la faculté de s'assembler publiquement fait portée dans la déclaration des droits de la Constitution le 1791; si votre charte de 1830 ne contient pas de déclaration de droits, comment voulez-vous y trouver celui de réunir publiquement? (4 gauche : Très bien! très bien! -Rumeurs au centre.)

Oui, il suffit de jeter les yeux sur le texte original pour vir que la charte de 1850 s'est faite par coupures, par beaux; à chaque instant vous trouvez cette mention: icle....supprimé, supprimé, supprimé. Sauf toutes ces ppressions et deux ou trois additions, la charte de 1850 que la charte même de 1814; or, comme il est bien ident que la charte de 1814 ne contenait pas le droit de assembler, comment le trouveriez-vous écrit dans la charte 1850. Mais remarquez que vous ne répondez toujours pas rand principe que je vous ai montré écrit dans la Contation de 1791 et qui plane sur tout ce débat. (Dénégasau centre et au banc des ministres.)

Ercore une fois, votre charte de 1830 n'a été qu'une e de découpures faites dans celle de 1814. (Bruyantes lamations. — Réclamation du président.)

de dis que la charte de 1830 n'est que la reproduction de forte de 1814, sauf quelques suppressions et deux adons seulement; tous les murmures du monde, toutes réclamations de président ne peuvent pas faire que le ne soit pas le texte, et que l'histoire d'hier puisse être Pastie. (Agitation prolongée; un député remet le texte à

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rateur.)

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