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temps de publier un défaveu formel & authentique de la conduite d'un homme qui fe dit votre frère d'armes, qui ne connoît de majesté que dans le roi, qui fuppofe la nullité dans le peuple, & qui veut être le bourreau des amis de la liberté? Parifiens foldats! faites bien attention que la révolution n'eft pas faite, que vous-mêmes vous l'avez retardée de dix ans, que votre efprit militaire, fouple & flagorneur a imprimé des taches à la constitution: jetez enfin un regard autour de vous, voyez que vous n'êtes pas libres, que vous avez empêché vos concitoyens de le devenir, & qu'il faut ou que vous le deveniez avec eux, ou qu'ils le deviennent fans vous. Et que deviendroit Paris s'il étoit abandonné du corps législatif? Cette ville immense ne fubfifte que par le prodigieux concours de Français & d'étrangers qui y viennent de toutes parts: pour fe venger, le roi a paru défirer cette tranflation du corps législatif; le corps légiflatif transféré dans une autre ville, le roi y transféreroit fa cour; la capitale feroit déferte; & que deviendroient alors ces aveugles égoïftes, qui infultent en quelque forte à la révolution, pour ramener parmi eux ces riches émigrés, de la préfence de qui on a la baffeffe de faire dépendre la prospérité du commerce & de l'état ? Ce qu'ils deviendroient? L'objet du mépris & la proie de la misère.

Cordon rouge de Louis XVI.

Les rois font des enfans hargneux & mal élevés à qui il ne faut rien paffer. Les moindres chofes avec eux tirent à conféquence. Si on touche à leurs hochets, ils jettent les hauts cris & frappent quand ils fe, croient les plus forts; fe fentent-ils les plus foibles, ils ont recours à la

rufe.

Toutes les décorations extérieures font abolies à l'exception du cordon bleu qu'on laiffoit à Louis XVI & à fon fils. Mais Louis XVI ne veut pas le porter & boude. On lui en demande la raifon: Ceft, répond-il, parce que je ne le portois que pour le communiquer. Ces paroles n'ont pas befoin de commentaire. Pendant quelque temps il s'en tient à fa croix de Saint-Louis. Mais il n'en eft pas plus content; il patiente, & attend un moment favorable. La lifte civile le fait naître. Un dé

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cret interprétatif des précédens, fans révoquer l'abolition des ordres, ( ç'eût été trop fort) permet provifoirement le ruban & la croix de Saint-Louis, en abrogeant les formes que la catholicité exigeoit pour la réception.

On fe confulte au comité des Tuileries: puifqu'ils laiffent fubfifter jufqu'à nouvel ordre la décoration de la croix de Saint-Louis, profitons de cette loi vague. La grande croix fe porte fufpendue à un large ruban rouge; eh bien, étalons ce cordon, moi & tous les commandeurs. On ne reftreint pas d'ailleurs le nombre des chevaliers de Saint-Louis je puis donc en multiplier la croix à l'infini; ce qui me fervira de figne de ralliment à certaine époque. J'aurai à mes ordres une légion toutę prête.

Et en conféquence Louis XVI fe présente à l'assemblée nationale, décoré du large ruban rouge, qui faute aux yeux, mais que les repréfentans de la nation feignent de ne pas appercevoir. Fas un d'eux n'a le courage de faire obferver que la croix de Saint-Louis eft la feule marque diftinctive tolérée provifoirement par les décrets, mais que le cordon & le crachat repréfentent un ordre aboli fans reftriction.

Et de ce moment, non-feulement le pavé de Paris eft couvert de croix de Saint-Louis, mais à chaque coin de rue on rencontre des individus faifant gros ventre, pour qu'on apperçoive de plus loin le cordon rouge dont ils font chamarés. Lors de la fuite de Louis XVI ils le cachoient avec foin fous leur habit boutonné du haut en bas : aujourd'hui ils infultent impunément à l'égalité, à la fra ternité, à l'indépendance nationale. Ce font des efclaves qui montrent avec un plat orgueil le bout de leur chaîne, d'autant plus infolens que le roi femble les autorifer par fon exemple; lui qui, à la rigueur, n'a pas même le droit de porter la croix de Saint-Louis, puifque, dans la conftitution, il n'elt revêtu fpécialement d'aucun pouvoir militaire. Il n'eft pas plus officier qu'il n'eft juge, qu'il n'eft adminiftrateur. La croix de Saint-Louis & les épau lettes lui font interdites, auffi - bien que le panache & Pécharpe.

Mais pourquoi chercher de la logique dans les procédés de la cour? Tâchons plutôt de démêler fes intentions faspectes. Sans doute qu'elle voudroit te ménager une reitoarce, & en dépit de la conftitution faire revivre

des

des exceptions en faveur de cette chère nobleffe, dont elle ne peut fe paffer, & dont il nous tarde d'être dés livrés une bonne fois; en forte que fi nous laiffions faire fa majesté, il n'y auroit que la couleur de changée; Louis XVI mettroit au rouge ceux qu'il mettoit au bleu; & puis, ne faudroit-il pas à tout ce monde-là des pen fions fur le tréfor public?

C'eft à l'affemblée nationale actuelle à nous faire juftice de la contravention de Louis XVI & de fes imitateurs aux décrets; c'est à elle à lui enjoindre de fouler aux pieds ces reftes miférables de l'étiquette des cours. N'auroit-elle pas dû déjà interdire l'entrée de fes féances à celui de fes membres qui ne craint pas de s'y présenter. avec le cordon rouge?

Quant à MM. les commandeurs que nous rencontretons bardés ainfi ne leur faifons pas de grace. Traduifons-les auffi-tôt au tribunal de police, & ne lâchons pas prife que nous n'ayions vu la décoration enlevée de deffus leur perfonne, & jetée au feu en notre préfence.

Que pareille juftice foit faite à l'égard de ces ci-devant comtes de Lyon, qui, prenant acte à la vue de leur maître, fe pavanent fous leur hauffe-col rouge, débordant leur habit avec une affectation qui touche à l'infolence.

Quand donc cefferons-nous d'être obligés de nous ter à ces niaiferies de cour?

Du Pain.

arrê

A l'approche de l'hiver on ne fauroit trop s'occuper des fubfiftances. Un eccléfiaftique éclairé & bon patriote nous a fait passer fes obfervations fur cette matière ; nous nous empreffons de les publier.

MONSIEUR,

Par bienséance j'ai vu les riches; par inclination, autant que par état, j'ai vifité les pauvres. J'ai entendu les deux parties; je puis juger: puiffé-je les faire s'eme braffer!

Allez d'autres voient avec les yeux du riche; pour moi je vois avec les yeux du pauvre, plutôt je

No. 118.

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vois avec les yeux de la vérité & de la juftice. Eft-il vrai que les pauvres font la claffe nourricière de l'état ? Oui. Eft-il jufle que la claffe nourricière de l'état languiffe dans la mifère? Non. Voilà mes principes.

Plus je réfléchis, plus je reconnois la vérité de cette parole de Duclos: «La nature donne des vivres, & les hommes font la famine ».

Il y a bientôt trois ans que j'ai fait l'ouvrage que je vous adreffe; mais aujourd'hui que je vois le bled augmenter, quoique la récolte de 1791 ait été prefque auffi abondante que celle de 1789, je vous prie d'en donner l'analyse dans votre journal des Révolutions de Paris, fi vous croyez que cela puiffe intéreffer la chofe publique. L'ouvrage eft abfolument dans les principes de votre article fur les fubfiftances, no. 116, page 572.

Je fuis, &c. PARENT, curé de Boiffife-la-Bertrand, près Melun.

Les chofes de première néceffité ne fauroient être à trop bon marché, les grains font une chofe de première néceffité; ils ne fauroient donc être à trop bon marché, & au contraire ils augmentent tous les jours de prix; je vais en chercher la caufe.

Sans grains, point de farines; fans farines, point de pain; & fans pain, il faut mourir.

Il n'en eft pas du pain comme des autres nourritures, dont, à la rigueur, on peut fe paffer, & fur - tout dont on peut abufer; on ne peut pas plus abuser du pain qu'on ne peut s'en paffer: le riche n'en mange pas plus que le pauvre; au contraire..... qu'il foit cher ou à bon marché, la confommation n'en eft ni plus ni moins grande.

Il faut que le pain foit foit à un prix fi modéré que le pauvre puifle y atteindre. D'autres difent, il faut que le pain foit affez cher pour qu'une ferme, qui ne rapportoit à fon propriétaire que 2000 livres de rente il y a une vingtaine d'années, continue toujours de lui rapporter 4000 livres de rente & même plus, comme aujourd'hui: qui est-ce qui a raison (1)? Je le répète, il

(1) Une des principales caufes du renchériffement des grains, & conféquemment du pain, eft le renchériffe-, ment des baux. Je ne ferai que l'effleurer.

faut que le pain foit à un prix fi modéré, que le pauvre puiffe y atteindre. C'eft-là le grand remède à la mendicité, comme la cherté du pain en eft la grande cause. Le pauvre, découragé & affamé, ne travaille pas aujourd'hui comme il travailleroit s'il avoit fuffifamment de pain, & s'il ne voyoit pas que fes fuers n'abou→ tiffent qu'à l'épuifer de plus en plus, pour enrichir des étrangers. Que le pain foit à la portée du pauvre, le pauvre raffafié, le pauvre voyant qu'enfin fes travaux lui profitent, redoublera d'ardeur; un homme en vaudrą deux....

Autrefois en France on mangeoit le pain à un fou la livre. Pourquoi le prix en eft-il fi prodigieufement augmenté aujourd'hui? Je ne crains pas de le dire, & j'espère le prouver: ce font les marchands de bled & de farine qui en font la caufe. D'où je conclus: Plus de marchands de bled, plus de marchands de farine. Je prie qu'on veuille bien m'entendre. Premièrement, plus de marchands de bled; c'est-à-dire, plus de revendeurs de grains (1). Le vendeur naturel du grain eft celui qui

Rien de fi commun que d'entendre dire qu'il faut qu'un fermier fe retire, c'est - à - dire, retire fes avances, & puiffe payer fon propriétaire. Mais ce propriétaire ne feroit-il pas plus facilement payé, s'il n'avoit pas doublé le prix de fon bail? Si le prix du bail n'avoit pas été doublé, le fermier ne feroit pas obligé de doubler le prix de fes grains; d'où fuit le doublement du prix du pain. Il faudroit donc diminuer le prix des baux? Oui. Cette vérité fondamentale ne plaira pas aux riches. Mais en même temps que je ne veux pas que le peuple meure de faim, je ne veux pas non plus que leurs fermiers foient ruinés. Que les fermiers ne donnent donc plus un prix fi excelfif des terres qu'ils exploitent pour autrui. Le peuple n'eft pas obligé de payer leurs fottifes, Si les fermes étoient au même taux aujourd'hui qu'elles étoient en 1768, nous ne mangerions pas habituellement le pain fi cher....

(1) En général, les revendeurs & les revendeufes font le plus grand tort à l'état; ils font la caufe du ren chériffement des chofes les plus néceffaires à la vie....

Tout le monde abandonne aujourd'hui Pagriculture

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