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mage, qu'autant que ceux qui la mettent en œuvre formeront une cafte diftinguée. La religion devroit être comme la probité. Il n'y a pas de miniftres de la probité; chacun porte dans fon cœur, & la prouve par les actions, fans le fecours & l'intervention d'autrui.

la

«Que leurs délits mystérieux échappent aifément aux » mefures ordinaires qui n'ont point de prife fur les céré » monies clandeftines dans lesquelles leurs trames font en»veloppées, & par lesquelles ils exercent fur les conf»ciences un empire infenfible ».

Législateurs en avouant l'infuffifance des mefures ordinaires, craignez d'arriver au régime inquifitorial; ce feroit vouloir guérir un très-grand mal par un mal plus grand; ce feroit en même temps accorder les honneurs de la perfécution à gens qui ne méritent que le mépris, & qui n'ont befoin que de furveillance. Le ferment exigé par l'affemblée conftituante a peut-être caufé tout le défordre auquel l'asfemblée législative ne remédiera fans doute que par une conduite toute oppofée. Plus de ferment, du moment qu'il y a des tribunaux.

« Qu'il eft temps, enfin, de percer ces ténèbres, afin » qu'on puiffe difcerner le citoyen paifible & de bonne » foi, du prêtre turbulent, machinateur, qui regrette les anciens abus, & ne peut pardonner à la révolution » de les avoir détruits ».

Il feroit temps auffi de faire rentrer le prêtre dans la maffe des citoyens, afin de le traîner aux mêmes tribunaux. Autrefois il y avoit le droit canon & le droit civil. Il ne doit y avoir qu'une feule juftice pour tous. Un prêtre (1), qui n'a pas fu conferver jufqu'à la fin de la révolution la confidération qu'il avoit acquife au commencement, vient d'ouvrir un affez bon avis, c'est de foumettre tous fes confrères au droit de patentes. Cette idée eût porté le dernier coup à cette corporation monftrueufe & vindicative, infolente & parafite, connue sous le nom de clergé.

Que l'obligation même d'affurer la liberté des opinions » religieufes, garantie par l'acte conftitutionnel, exige » impérieufement que le corps légiflatif prenne de grandes

(1) Le prêtre Sieyes.

» mefure

mefures politiques pour réprimer les faftieux qui cou» vrent leurs complots d'un voile facré ».

Que le voile qui couvre un complot foit facré ou profane, c'eft donner trop d'importance aux prêtres factieux que de prendre pour les réprimer de grandes mefures Politiques. Point de tout cela; que la bouche du juge Prononce, c'eft affez. L'impunité feule donne de l'audace aux réfractaires & leur procure des profélytes. Le peuple ne fe rangeroit pas du côté d'un curé perturbateur, & condamné comme tel à trois aus de gehenne.

« Qu'il faut à cet égard fixer précisément le fens & l'exé»cution des loix antérieures, ou fi elles font infuffifantes » en préparer de nouvelles ».

Point de loix nouvelles. Cela feroit trop d'honneur aux réfractaires factieux. Les loix antérieures, fuffent-elles vicieuses en quelques points, pourvu qu'elles aient la vertu de contenir ou de réprimer, feront toujours fuffifantes pour les délits facerdotaux. Le prêtre a toujours voulu fe diftinguer du refte des citoyens, fût-ce même dans les châtimens auxquels il fe foumettoit; c'est-là sa manie. Il faut d'abord le punir, en le confondant avec les autres criminels. C'est le crime qu'il faut punir & non l'état plus ou moins précaire du coupable.

« Qu'enfin, c'ett fur-tout aux progrès de la faine raifon » & à l'opinion publique bien dirigée qu'il eft réservé d'affurer le triomphe de la loi, d'ouvrir les yeux des bons » habitans des campagnes fur la perfidie intéreffée de ceux » qui veulent leur faire accroire que les légiflateurs conf»tituans ont touché à la religion de leurs pères, & de

prévenir pour l'honneur des Français, dans ce fiècle » de lumières, le renouvellement des fcènes horribles dont » la fuperftition n'a méchamment que trop fouillé l'hiftoire » dans les fiècles où l'ignorance des peuples étoit un des refforts du gouvernement ».

Si, comme nous l'avons dit dans un de nos précédens numéros, le pouvoir exécutif eût furveillé les tribunaux de plus près, s'il n'eût pas eu l'air de prendre fous fa protection le clergé contre-révolutionnaire, & de le regarder avec l'intérêt qu'on porte aux martyrs, l'opinion publique fe feroit bientôt fixée fur les réfractaires, & les bons villageois euflent anticipé fur la loi pour lier les mains aux prêtres incendiaires, Légiflateurs, craignez plutôt d'avoir à vous repentir de vous y être pris un peu tard, & d'avoir apporté beaucoup trop de molleffe, pour

N°.

124.

B

vous flatter de prévenir ces fcènes horribles dont nous n'avons en déjà que trop d'exemples.

«L'affemblée nationale, ayant décrété préalablement l'urgence, décrète définitivement ce qui fuit:

« Art. Ier. Dans la huitaine, à compter de la publica» cation du préfent décret, tous les eccléfiaftiques, autres » que ceux qui fe font conformés au décret du 27 octobre » dernier, feront tenus de fe préfenter devant la muni»cipalité du lieu de leur domicile, d'y prêter le ferment » civique dans les termes de l'article V, titre II de la » conftitution, & de figner le procès-verbal qui en sera » dreffé fans frais ».

Ainfi donc la première des grandes mefures politiques annoncées dans le préambule de cette loi, eft une marche rétrograde confacrée dès le premier article du difpofitif. Ce n'eft pas qu'il ne foit fort fage à l'affemblée législative de renoncer au ferment de la conftitution civile du clergé décrété par l'affemblée conftituante; mais les réfractaires factieux prendront ce trait de prudence pour acte de condefcendance, de foibleffe, de crainte. Et d'ailleurs, à un ferment la loi fubftitue un autre ferment. Or, l'événement a prouvé le fuccès du premier. Il eft vrai que les perturbateurs réfractaires fe mettront tout à fait dans leur tort, & fe trouveront dans le cas d'être réprimés à l'inftar des autres citoyens, auxquels le corps législatif les affimile; mais il eût été plus convenable de ne faire aucune loi, & de renvoyer aux loix faites & aux tribunaux organifés, ou du moins ne pas s'expofer à compromettre une - feconde fois l'honneur national, en renouvelant l'obliga- zion du ferment. Il n'en falloit pas parler du tout.

Il réfultera de deux chofes l'une. Les prêtres factieux fe foumettront à cette loi ou non. Plufieurs d'entre eux le prêteront, ce ferment, & ne s'en trouveront pas plus engagés. Un engagement forcé, diront-ils, quand ils fe fentiront en force, eft nul de plein droit. S'ils s'y refusent, nous examinerons plus bas les fuites de leurs refus.

«III. Ceux des miniftres du culte catholique qui ont » donné l'exemple de la foumiffion aux loix & de l'atta» chement à leur patrie, en prétant le ferment de fidé

lité prefcrit par le décret du 27 novembre, & qui ne l'ont » pas rétracté, font difpenfés de toute formalité nouvelle. » Îls font invariablement maintenus dans tous les droits » qui leur avoient été attribués par les préfens décrets ».

Cela alloit fans dire, & ne fait qu'allonger la loi. Les loix doivent être rédigées en trois mots, quand elles ne peuvent l'être en deux; & ici, il eft impolitique de rappeler indirectement aux réfractaires l'exemple des prêtres affermentés. Il ne s'eft élevé un fchifme parmi eux qu'à caufe de ce décret du 27 novembre, & il ne devroit exister d'autre diftinction entre eux, que celle qui existe entre le patriotifme & l'ariftocratie.

« IV. Quant aux autres eccléfiaftiques, aucun d'eux ne » pourra déformais toucher, ni former, ni obtenir de » penfion on traitement fur le tréfor public qu'en repré» fentant la preuve de la preftation du ferment civique, » conformément à l'article Ier ci-deflus. Les tréforiers, » receveurs ou payeurs qui auront fait des paiemens contre » la teneur du préfent décret, feront condamnés à en » reftituer le montant, & privés de leur état ».

Cet article va faire des malheureux & des parjures, des martyrs & des hypocrites, & les chofes n'avanceront pas davantage. Ce ne font pas des paroles, des promeles qui lient les citoyens à la patrie. Le ferment eft un mauvais ciment pour attacher les unes aux autres les pierres d'un édifice politique. C'est aux loix répreflives à faire régner l'ordre & l'harmonie par la crainte des châtimens, puifque les hommes en fociété en font encore là, & il faut toujours en dernier reffort avoir recours à elles. C.étoit bien la peine de prendre le chemin le plus long.

«V. Outre la déchéance de tout traitement & penfion, » les eccléfiaftiques qui auront refufé de prêter le ferment » civique, ou qui le rétracteront après l'avoir prêté, seront,

par ce refus même ou par cette rétractation, réputés » fufpects de révolte contre la loi & de mauvaises intentions » contre la patrie, & comme tels plus particuliérement » foumis & recommandés à la furveillance de toutes les » autorités constituées ».

Sans doute; car des gens fans reffources pécuniaires font par cela même fufpects. Il étoit de la dignité du corps repréfentatif d'une grande nation de ne pas trop s'appefantir fur cette déchéance de tout traitement & penfion. Nos loix nouvelles ne font pas meilleures que les anciennes, ni même que celles de nos premiers ancêtres les barbares en ce qu'elles mettent toujours l'intérêt pécuniaire à côté de l'infraction des devoirs de citoyen. C'eft ôter tout le mérite de l'obéiffance à la loi. Obéiflez-nous, difent toujours les légiflateurs, jurez d'être patriotes, finon plus

de penfion. Ce n'eft pas ainfi qu'il faut, ce femble, parler à des hommes libres, ou qu'on veut rendre dignes de la liberté. Puifque la fociété ne peut le paffer de membres dont les fonctions par elles-mêmes font déjà fufpectes, puifqu'elles ont pour objet la confervation de leurs préjagés, il ne falloit qu'un inot pour les contenir: Ne bronchez pas, voyez le glaive de la loi fufpendu fur votre tête. Il falioit feulement ajouter: Et vous, magiftrats négligens & traîtres, & vous, pouvoir exécutif qui faites caule commune avec ncs boute-feux facrés & autres faites votre devoir. Le glaive de la loi frappera d'abord le magiftrat avant d'atteindre la tête du coupable. Le crime veille quand la justice dort.

« VI. En conféquence, tout eccléfiaftique ayant refusé » de prêter le ferment, ou l'ayant rétracté après l'avoir » prêté, qui fe trouvera dans une commune où il fur» viendra des troubles, dont les opinions religieufes feront » la caufe ou le prétexte, pourra être éloigné provifoi»rement du lieu où les troubles feront furvenus, » vertu d'un arrêté du directoire de département, fur l'a » vis de celui du district, fans préjudice de la dénoncia tion aux tribunaux fuivant la gravité des circonf

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D'après cet article, les prêtres factieux s'emprefferont de prêter leur ferment, qui doit les mettre à leur aise, & empêcher qu'on ne penfe à eux dans un moment de trouble. Une fois bien & dûment affermentés, ils cabaleront fous ce manteau; & en évitant avec foin les appails ne feront refponfables de rien. Pourvu qu'ils ne fe montrent pas, trois paroles prononcées devant la municipalité auront la vertu de détourner tous les foupçons. Il a juré. Comment ofer élever des doutes fur fa conduite? On voit où cela mène. Le ferment eft la peau de l'agneau. La furveillance des autorités conftituées devroit au contraire tomber de préférence fur les nouveaux affermentés.

Il y auroit une bonne fable à faire, intitulée le loup jureur. Avant le ferment de l'animal, pâtre & chien étoient jour & nuit en fentinelle; les armes à feu & autres étoient prêtes pour le recevoir : le loup hypocrite demande à jurer qu'il fera déformais doux comme un mouton. Grande joie dans le troupeau. Le loup lève la patte droite de devant, & fur le champ le bercail lui eft ouvert. On lui prépare un gîte à côté de la brebis innocente, de l'agneau bêfant. Pendant la nuit, le chien qui croyoit pouvoir dormir

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