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7. DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

RÉVOLUTIONS

DE PARIS,.

DÉDIÉES A LA NATION

ET AU DISTRICT DES PETITS-AUGUSTINS.

Avec gravures et cartes des départemens de France. TROISIÈME ANNÉE

DE LA LIBERTÉ FRANÇAISE.

DIXIÈME

TRIMESTRE.

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DU 12

AU 19 NOVEMBRE 179 1.

Veto appofé fur le décret contre les émigrans; proclamation du roi, & lettres à fes frères.

DEJA EJA la tranquillité publique renaiffoit, déjà la confiance remplaçoit l'inquiétude, le commerce fe ranimoit, la circulation devenoit plus facile, l'espoir rentroit dans tous les cœurs, on applaudiffoit de tous les points de l'entpire au décret de l'affemblée nationale fur les émigrés; & voilà que, par fon refus de fanétion, Louis XVI nous replonge dans notre.premier état !

No. 123.

A

Oui, les maux de la France étoient près de leur terme, fi une inain perfide n'eût empêché l'effet politiquement néceffaire du décret de l'affemblée nationale fur les émi grés; car de deux chofes l'une, ou ils feroient rentrés en conféquence du décret, ou non. S'ils étoient rentrés, notre propofition eft évidemment vraie, le peuple, bon & facile, étoit difpofé à les recevoir à bras ouverts; cet acte de repentir lui eût fait oublier leur égarement: de là Punion générale, la confiance, la circulation, la vie rendue aux arts, au commerce; à l'agriculture.

Que fi les émigrés n'étoient pas rentrés pour la fin de décembre, au moins nous les connoiffions à fond, nous n'avions plus à les ménager; c'étoit • pour la France, des enfans dénaturés que la mère commune n'avoit pa ramener à fon giron, la patrie les maudiffoit'; elle leur retiroit les biens qu'elle leur a donnés, tous leurs revenus étoient mis en fequeftre, nous ceffions de leur fournir des armes pour nous combattre, ils le trouvoient abandonnés à eux-mêmes. Tout ce qu'ils euffent pu faire, ç'eût été de décider les tyrans étrangers à venir à leur fecours, de former enfin cette ligue formidable dont on entend parler depuis fi long-temps, d'attaquer la France d'une manière combinée, de tenter fimultanément leur invafion, & de nous livrer combat.... Mais c'est là que nous les attendons.

Voilà donc l'alternative que nous préfentoit le décret de l'affeinblée nationale. S'il eût été exécuté, les citoyens devenoient ou les frères, ou les ennemis des fugitifs. Frères, ils euffent partagé la félicité commune ; ennemis, nous les exterminions. Mais Louis XVI en avoit résolu autrement; Louis XVI ne veut pas l'union des ctoyens; il faut qu'il divife pour régner: non-feulement il voit avec une joie intézeure des brigands armés aux portes de la France, & qui menacent d'y entrer la flamme à la main, mais il veut encore que le tréfor public falarie ces mêmes brigands; il veut qu'ils arrachent à la patrie le peu d'or qui lui refte.

Voilà les émigrés libres & maîtres de rentrer ou de ne pas rentrer. Que feront-ils? S'ls ne rentrent pas, s'ils le tiennent raffemblés, la nation entière est encore livrée aux inquiétudes & à la détreffe; les ordonnateurs & payeurs du tréfor public font encore paffer des millions outre Rhin; les chefs de cette armée, tous riches

propriétaires, foutirent encore des millions à la France & la lifte civile, qui viendra encore à leur fecours! Que s'ils rentrent après l'appofition du veto, nous n'en ferons ni plus henreux, ni plus tranquilles; ce ne feront pas des frères repentans qui fe feront foumis à la loi, ce feront des ennemis hautains qui viendront inful ter à la nation. Un fug tif, rentré d'après l'invitation du rpi, dira hautement qu'il ne fe feroit pas mis en peing des décrets d'une affemblée qu'il ne reconnoît pas; qu'il n'eft revenu qu'à la prière de fon fouverain, de fon maitre; & de là une lutte perpétuelle entre les fujets de l'état & les fidèles fujets du roi. On voit donc que Louis XVI, en appolant fon veto far le décret des émigrans, a néceffairement tari la fource des biens qu'il pouvoit produire; car encore bien qu'ils rentraient après cet acte de la prérogative royale, leur rentrée même ne pourra plus être envifagée que comme une infraction à la volonté nationale, & uae infulte à la nation.

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Mais, dit-on, le roi en appofant fon veto, a fait un acte de liberté; il a fermé la bouche a ôté tout prétexte aux puiffances étrangères, & la France ne peut qe s'en applaudir. Vils efclaves! un homme qui, pa fant à côté de moi dans la rue me tire un coup de piftolet, prouve auffi qu'il eft libre: dois-je aimer cette liberté? Ne vaudroit-il pas mieux pour moi qu'il eût eu les bras liés. Appelle-t-on liberté la faculté de nuire ? S'il eft ainfi, que fait à une nation la liberté de fon roi ? Les rois font-ils inftitués pour eux ? & les nations qui les fouffrent, ne les fouffrent elles pas pour elles, & 'parce qu'on leur a dit qu'elles y trouveroient un avantage? Le vito ne laiffe plus de prétexte aux puiffances étrangères.... Montmorin en diloit autant à l'affemblée natonale. Le peuple auroit-il pris les erremens de cet ex-miniftre? Laiffons aux puiffances étrangères penfer ce qu'elles voudront & de Louis XVI & de nous; que nous importent leurs opinions? Tant que nous réglerons nos deíti, nées fur le thermomètre des cours, nous ne feroas jama's que des esclaves.

Le roi n'a eu, n'a pu avoir que des intentions perfides en refufant fa fanction; depuis long-temps il épie le moment d'ufer de ce droit fatal. La proclamation contre l'aîné de fes frères lui offroit un prétexte heureux; il alloit y appofer, fon vero, quand Paffemblée nationale rendit le décret des émigrans. Cette nouvelle marche a

fait changer de batteries on a fanctionné la proclamation, pour n'avoir pas l'air obftiné. Cette proclamation n'eft rien au fond; c'est le décret qui eft tout, & c'est pour le décret que l'on a réfervé toute la force du veto. Remarquez l'adreffe de la cour; c'est à l'inftant même qu'elle a annoncé la fanction de la proclamation, que le roi a écrit qu'il examineroit la loi iur les émigrans: on a voulu donner cette fanction illufoire comme un correctif au veto, afin de ne pas trop indifpofer l'opinion publique.

Outre le but évident du refus de fanction, qui eft ou d'empêcher la rentrée des émigrés, ou, s'ils rentrent, de les difpenfer de la foumiffion aux décrets de l'affemblée nationale, la cour avoit encore un but caché; celui de tâter le peuuple, afin de voir comment il prendroit cet acte d'autorité abfolue, & le préparer à de plus grands coups. Elle fe croit aujourd'hui fûre de fon fait, & l'on verra que dorénavant elle ne fera pas modefte dans fa marche. Si les émigrés ne rentrent pas, ils feront une attaque; s'ils font une attaque, l'affemblée nationale fera obligée de décréter que deux ou trois cent mille gardes nationales de plus fe porteront aux frontières; & fi l'affemblée nationale rend ce décret, le roi y appofera encore fon vero. Nous appercevons diftinctement qu'avant peu de mois la nation françaife fe trouvera néceffairement placée entre la néceffité de fe laiffer égorger, d'une part, & celle de défobéir, de l'autre, c'eft-à-dire, entre la fervitude & Pinfurrection: voilà les avantages du veto, & de ce qu'on nomme monarchie tempérée.

Notre intention n'a jamais été d'inspirer le découragement; nous fommes fi convaincus qu'une grande_nation ne peut manquer de refources dans l'occurrence la plus difficile, que toutes les menaces & les manoeuvres réu nies des defpotes ne nous ébranleront pas, tant que nors appercevrons du caractère & de l'énergie dans les toyens; mais cette énergie & ce caractère même ont befoin d'être guidés pour réuflir, il ne fuffit pas d'être prêt à tout faire, il faut favoir ce qui eft à faire, & pour favoir ce qui eft à faire, il faut bien connoître fon monde, & fur-tout Pennemi que l'on a à combattre. Celui que généralement on regarde comme le plus dangereux dans ce moment-ci, c'eft le roi; cependant comme nos ennemis cherchent encore à le rendre intéreffant, il est effentiel de le montrer tel qu'il eft, & de le faire juger après fa propre conduite,

Il eft vrai que, conftitutionnellement parlant, le roi des Français a le droit de veto fur toutes les opérations du corps légiflatif; mais de ce qu'il a le droit de veto, s'enfuitil qu'il a bien fait d'appofer fon veto fur un décret commandé par les circonftances, provoqué par l'opinion pu blique, & néceffaire au rétabliffement de la tranquillité générale? Non. Si le roi avoit eu les fentimens qu'on à eu la ftupidité de lui fuppofer, il lui eût fuffi que la voix du peuple eût prononcé, pour rejeter avec indignation toute idée du veto. Les légiflateurs qui ont áccordé au roi cette prérogative funefte, ne l'ont euxmêmes envifagée que comme un appel au peuple, & il n'y avoit pas lieu d'appeler au peuple, quand la voix du peuple avoit précédé le décret..

Nous allons juger les intentions de Louis XVI dans fa proclamation relative au veto ; mais, avant tout, fachons s'il avoit le droit de la faire.

La loi de l'affemblée nationale conftituante, qui permet au roi de faire des proclamations, porte expreflé ment que ces proclamations feront conformes aux loix & pour faire exécuter les loix: or, la proclamation fur le veo a les deux caractères oppofés; elle n'eft pas conforme à la loi; elle eft conforme à un vero qui n'eft pas une loi; elle n'eft pas pour faire exécuter une loi, puisqu'elle eft pour en empêcher l'exécution: conféquemment la proclamation eft un délit, & le miniftre qui l'a fignée eft refponfable, & M. Briffot a eu raifon de le foutenir à l'affemblée nationale, & l'affemblée nationale a eu tort de paffer à l'ordre du jour fur la dénonciation qui lui en a été faite. Cette conduite de nos légiflateurs ne prou vent-elle pas ce que nous avons dit dans notre dernier numéro, que le décret n'a paffé fans oppofition de la part des ministériels, que parce qu'ils favoient que le roi ne fanctionneroit pas ?

Le roi n'a point attendu jufqu'à ce jour pour mani» fefter fon improbation fur le mouvement qui entraîne » & qui retient hors du royaume un grand nombre de citoyens français ». Ce combat de popularité entre l'affemblée nationale & le pouvoir exécutif eft plus dangereux qu'on ne penfe; nous femmes perdus fi le roi parvient à perfuader au peuple qu'il eft plus propre & plus disposé à tire le bien de la patrie que l'affemblée nationale; ma's il n'y parviendra pas: il ne fuffit pas qu'il dife avoir manifefté fon improbation; nous lui demanderons la preuve

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