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Rentrez enfuite dans la ville pour en faire vous-mêmes la police intérieure. Une foirée vous fuffira pour purger Paris des maifons de jeux qui en font le fcandale, des affemblées fufpectes & fecrètes qui méditent fa ruine, & de tous ces nombreux émiffaires envoyés de fort loin & à grands frais pour y mettre l'incendie, & y donner le fignal de la guerre civile au moment de l'invafion des frontières.

Procédez à cette opération de concert, &, s'il se peur, avec tout le fang-froid de la juftice; écartez toute idée de vengeance; aux armes près, renouvelez ce 12 juillet, le plus beau jour dans les annales de France; réuniffezvous tous en habit civil; portez-vous fucceffivement à l'administration & à la municipalité.

Si vous ne prenez ce parti, le feul qui vous refte, attendez-vous au traitement dont la ville de Varennes éprouve déjà les préliminaires. Le château des Tuileries fera évacué une feconde fois, mais pour plus long-temps que la première; tous les acteurs font prêts & ont leur rôle; le perfonnage principal eft attendu, & ne le fera pas toujours en vain. La difette, dont les premiers fymptômes apparoiffent déjà, fe fera fentir alors dans toute fon horrear. Un papier ftérile ne ramènera pas l'abondance parmi vous. Après avoir langui tout un hiver, le printemps prochain vous trouvera épuisés.

Alors, de fes fujets, le vainqueur & le père, Louis vous parlera en defpote irrité. Il ordonnera à votre légiflature de décréter par acclamation tous les articles de la féance royale du 23 juin 1789. Vos fénateurs, qui ne font pas des Romains, aimeront mieux obéir que de fe laiffer immoler fur leurs chaifes curules. Ils fe tranfporteront à Montmédi ou ailleurs, pour y tenir aux pieds, du roi leur affemblée métamorphofée en lit de juffice: alors encore le conquérant dictera fa fentence contre Paris, cette ville impiè, qui donna à l'Europe le premier. fignal de la rebellion. Pour premier châtiment, elle fera privée à jamais de fervir de féjour le plus hahituel à fon roi, & de pofféder dans fon enceinte la cour plénière qui doit remplacer la législature. Pendant toute la génération actuelle, un fceptre de fer pefera fur cette ville coupable, qui, après longues années, ne reprendra fon éclat qu'en reprenant fes fers,

Habitans de Paris, telle eft la perfpective qui s'ouvre

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devant vous, fi vous vous énervez plus long-temps dans cette apathie inconcevable, qui glace le courage de vos défenfeurs les plus chauds.

Votre contenance, au mois d'avril, lors du départ de Louis XVI pour Saint-Cloud; votre attitude, au mois de juin, à fon retour de Montmédi, avoit fait concevoir de vous l'idée d'une nation née pour être libre. Dans ces deux époques, que vous ne devriez jamais perdre de vue, l'affemblée nationale, le département, la municipalité, tous vos chefs fe virent obligés d'en référer à votre prudence, & d'admirer votre énergie. Ils s'avouèrent moins fages que vous.

Qui vous empêche de l'être encore plus qu'eux, en ce moment où la chofe publique court de plus grands rifques? car enfin, il ne s'agiffoit alors que d'un roi; mais aujourd'hui il y va de vos mœurs, compromises par ces repaires impurs de joueurs & de confpirateurs; de vos fubfiftances, qui bientôt cefferont d'êt e acceffibles au pauvre; d'une guerre civile, que vos magiftrats eux-mêmes provoquent fans s'en douter par leur réglement prohibitif, & leur conduite tout au moins imprudente; enfin de l'honneur national, que vous perdrez fans retour, fi les émigrations concertées avec les miniftres & leur maître reftent impunies. Trois jours d'énergie feulement, & la France, délivrée de fes ennemis domeftiques, imprimera le refpect à toute l'Europe.

Sur les émigrations.

Avant que Louis XVI eût accepté la conftitution, beaucoup d'émigrés rentroient en France; depuis qu'il l'a acceptée, les émigrations ont repris une nouvelle activité, elles deviennent innombrables : le roi les favorise-t-il ? le roi ne les favorife-t-il pas ? Voilà le fait qu'il s'agit d'examiner.

Dans fes difcours ainfi que dans fes actions, Louis XVI n'a jamais diffimulé fa follicitude royale pour les membres de fa nobleffe: lors de fon acceptation, il a formellement provoqué la clémence de la nation en leur faveur; parmi les émigrés font fes frères, fes amis, fes parens les plus proches; les émigrés ne méditent de projets que pour remettre en fes mains le fceptre du defpotifme: ces propofi

tions

tions font autant de preuves que le fentiment de l'amitié, le fentiment de la nature, celui de la reconnoiffance font à Louis XVI une loi févère d'aimer les émigrés, comme de défirer & favorifer intérieurement les émigrations. Ce n'eft pas par les actions d'un jour, c'est par l'enfemble de fa conduite, par les calculs de la probabilité que l'on juge un homme quand on veut le juger impartialement. Or, Te roi n'a jamais parlé avec liberté, qu'il n'ait laiffé entrevoir des plaintes fur la fuppreffion de la nobleffe, témoin fon difcours du 4 février 1790, cité avec tant de complaifance dans tout l'empire. Tous, ou prefque tous les émigrés, font des ci-devant nobles; Louis XVI n'a jamais eu de vérita ble attachement que pour les nobles; il n'eft entouré que de nobles; tous fes courtifans, tous fes valets font des nobles; c'est à un Narbonne qu'il vient encore de confier la direc tion de fa maison; il n'a fait aucune invitation, il n'a donné aucun ordre à fes frères de rentrer dans l'éta: français: interrogez-le, & il vous dira que fes frères lui font chers. Louis XVI ne s'eft plaint à perfonne de ce que les puiffances étrangères infultent aux patriotes français, de ce qu'elles fouffrent fur leur territoire le raffemblement & le campement de nos transfuges; & l'on oferoit encore dire qu'il eft de bonne foi, qu'il ne voit pas les émigrations d'un ceil ferein, qu'il n'eft pas tacitement d'accord avec les émigrans !

Mais, dira-t-on, il a fait une proclamation fur les émi grations; cet acte juftifie fa loyauté: c'eft donc une calomnie de le fuppofer d'intelligence avec les contre-révolutionnaires. Oui, il a fait une proclamation, une proclamation que nous allons citer, une proclamation qui le décèle plus qu'il ne penfe.

«Le roi, inftruit qu'un grand nombre de Français quit»tent leur patrie & fe retirent fur les terres étrangères » n'a pu voir, fans en être affecté, une émigration auffi » confidérable ». (Il n'a pu, fans en être affecté, voir ces nombreuses émigrations! & il n'a pris aucune mefure pour les empêcher; il ne les a pas dénoncées quand il les a connues; fes miniftres en ont fait un myfière au corps légiflatif, & il a fallu que les repréfentans de la nation les appriffent par la voie des dénonciations & des adresses! Louis XVI eft chargé par la conftitution de toutes les relations politiques au-dehors, de veiller à la fureté extérieure du royaume, d'en maintenir les droits & les poffeffions; & il voit nos voifins tolérer des raffemblemens non-équivoques

No. 119.

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dans leurs états, fans leur demander raifon de ce déle contre le droit des gens ! Si quinze ou vingt mille brigands de la Germanie quittoient leurs pays, s'ils venoient en France, fi l'affemblée nationale permettoit qu'ils fiffent des camps, qu'ils fe préparaffent à la guerre contre leur pa trie, on diroit que l'affemblée nationale commet une hoftilité, une aggreflion tacite, & l'on regarderoit cette conduite comme un prétexte, comme une véritable déclaration de guerre: voilà cependant ce que font les tyrans d'Allemagne à notre égard, & Louis XVI leur fignifie en pais l'acceptation qu'il a faite de la conftitution : & voilà comme il est affecté d'une émigration auffi confidérable!) « Quoique » la loi permette à tous les Français la libre fortie du

royaume. (Oui, mais c'est vous qui l'avez provoquée cette loi; c'est Fayette qui en a fait la motion, & vous n'ignoriez ni l'un ni l'autre les heureux effets qu'elle devoit avoir). « Le roi, dont la tendreffe paternelle veille fans » ceffe pour le bien général, doit éclairer ceux qui s'é

loignent de leur patrie fur leurs véritables devoirs, & fur » les regrets qu'ils fe préparent ». (Tendreffe paternelle ! expreffion menfongère; nous espérons que le peuple n'y croit plus. Comment Louis XVI éclaire-t-il les émigrans? c'eft. ce que nous allons voir). « S'il en étoit parmi eux qui fuffent féduits par l'idée qu'ils donnent peut-être au roi une preuve de leur attachement ». (Tous). « Qu'ils foient détrompés». (La preuve de cette affertion?) « Qu'ils fachent que le roi regardera comme fes vrais, fes feuls amis, ceux qui fe réuniffent à lui pour établir l'ordre » & la paix dans le royaume ». (C'eft auffi l'ordre & la paix que veulent établir les contre-révolutionnaires ), « Et » pour y fixer tous les genres de profpérités auxquelles la » nature femble l'avoir deftiné ». (Le genre de prospérité auquel la nature a destiné la France, c'eft la liberté : fi quelque jour elle l'acquiert, on la verra prospérer, mais profpérer d'une manière effrayante pour les émigrans & les rois).

«Lorfque le roi a accepté la conftitution, il a voulu faire » ceffer les difcordes civiles». (Celle qui exifte entre les citoyens à leur pofte & les transfuges eft fon ouvrage; mais les transfuges ne font plus des Français). « Rétablir l'autorité des » loix & affurer avec elles tous les droits de la liberté & de » la propriété ». (N'est-il pas cent fois ridicule d'entendre

parler de loix & de liberté celui-là qui a protesté contre tous les articles de la conftitution qui la favorifoient, celuilà qui a fait réformer la conftitution de 89, pour avoir une liberté à fa manière?) « Il devoit fe flatter que tous » les Français feconderoient fes deffeins ». (Si tous les Français euffent fecondé les vrais deffeins du roi, il y a long-temps qu'il n'y auroit plus ni affemblée ni garde nationale, ni conftitution, ni la moindre efpèce de liberté ). « Cependant c'eft à cette même époque que les émigra» tions ont femblé fe multiplier ». (Il en résulte que fi le roi étoit de bonne foi, les émigrans feroient une injure fanglante à leur roi; que Louis XVI deviendroit leur ennemi implacable; qu'il appelleroit fur eux toute la févérité des loix, qu'il remplaceroit du jour au lendemain tous les officiers qui défertent, qu'il fignifieroit à fes frères & à tous les traîtres un manifefte terrible : & fa mielleufe proclamation ne contient rien qui reflemble à tout cela). « Une

foule de citoyens abandonnent leur pays & leur roi ». (Leur pays, oui; leur roi, non : ils le fervent ). « Et » vont porter chez des nations voifines des richeffes que » follicitent les befoins de leurs concitoyens ». (Oui, l'exportation des richeffes & du numéraire eft un mal qui écrafe momentanément la France; mais le cœur du roi n'en faigne pas : il envoie lui-même de l'or à fes frères, & l'on fait voyager en fon nom les propres effets du gardemeuble ). « Ainti, lorfque le roi cherche à rappeler la paix » & le bonheur qui la fuit ». (Le bonheur qui fuit cette paix eft l'esclavage). « C'eft alors qu'on croit pouvoir l'a»bandonner & lui refufer les fecours qu'il a droit d'at» tendre de tous ». (Encore un coup, les émigrans ne l'abandonnent pas, ils le fervent; & c'eft pour le fervir qu'ils émigrent: le roi le fait bien!)

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«Le roi n'ignore pas que plufieurs citoyens, des pro»priétaires fur-tout, n'ont quitté leur pays que parce » qu'ils n'ont pas trouvé dans l'autorité des loix la pro»tection qui leur étoit due; fon cœur a gémi de ces défordres mais ne doit-on rien pardonner aux circonf» conftances »? (Et les loix femblent n'avoir été faites que pour affurer les propriétés, & la conftitution ne donne. de priviléges qu'à ceux qui ont des propriétés, & le peuple a conftamment refpecté les propriétés : il n'a puni que les abus des propriétaires; & les émigrans eux-mêmes avoient, dans cette hypothèse, le plus grand intérêt à

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