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non assermentés; il ne considère en eux que des factieux qui veulent prêcher la contre-révolution, et tant que vous n'aurez pas marqué d'un signe distinctif et frappant les contre-révolutionnaires de ceux qui sont de bonne foi, il les verra tous de mauvais œil, et il aura raison. » (Patriote français.)

Ce ne fut que le mois suivant que l'assemblée nationale prit une décision sur les bulles du pape. Dans cette circonstance, elle s'arrogea le rôle qu'avaient autrefois rempli les états généraux et les parlements.

Le 9 juin, Thouret présenta, au nom des comités de constitution et ecclésiastique, un projet de décret relatif aux bulles que venait de lancer le pape. « Il ne s'agit pas d'une loi nouvelle, dit Thouret, mais de réunir les bases fondamentales de l'Église gallicane et de prévenir les entreprises de la cour de Rome. » Le premier article, qui statuait que nul bref, décret, etc. de la cour de Rome ne pourrait être imprimé, affiché, publié sans avoir été approuvé par le corps législatif et sanctionné par le roi, passa sans difficulté. Le second article, qui déclarait perturbateurs de la paix publique et punissait de la dégradation civique les évêques, curés, etc., qui imprimeraient ou publieraient des actes de ce genre non approuvés, souleva quelques objections. Regnault y vit une limitation de la liberté de la presse; Malouet, une atteinte à la religion catholique; Pétion voulait que la disposition fût restreinte aux fonctionnaires publics. L'article fut décrété avec ce dernier amendement.

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Motion de Robespierre sur la non-rééligibilité des membres de l'assemblée constituante. Cette motion est décrétée.

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Scission entre les Lameth et l'exDiscussion entre Duport et Robespierre.

Les finances, le droit de pétition et d'affiche, l'organisation du corps législatif, le code pénal, les départements, les colonies, le licenciement de l'armée, tels furent les principaux objets qui occupèrent l'assemblée durant le mois de mai et dans les premiers jours de juin. Nous exposerons successivement celles de ces questions qui eurent un intérêt de circonstance et les interruptions les plus importantes. Suivant la méthode adoptée précédemment, les discussions purement législatives seront réservées pour la seconde partie de ce volume.

Dénoncé à l'assemblée par Bonjour, un de ses commis, pour emploi illégal de fonds, et dont la justification n'avait pas paru suf

fisante, Fleurieu, ministre de la marine, donna sa démission le 2 mai; il fut remplacé par Thévenard, le 18. Le 29, Tarbé fut nommé ministre des contributions publiques.

Le 26 avril, le directoire du département de Paris avait demandé une loi sur les affiches. On attribuait aux manoeuvres des clubs, notamment des Cordeliers, et aux placards dont ils couvraient les murs de la capitale, les émeutes des derniers jours d'avril. La majorité de l'assemblée partageait, sous ce rapport, l'avis du directoire de Paris, et elle se hâta d'adopter un moyen qui lui semblait propre à étouffer le mouvement révolutionnaire de l'opinion publique. Cette question fut mise en discussion le 9 mai.

SEANCE DU 9 MAI. M. Chapelier, au nom du comité de constitution. Le directoire du département de Paris vous a demandé un code pénal contre les écrits incendiaires. Il sollicite deux autres lois l'une pour conserver dans sa pureté le droit de pétition; l'autre, pour déterminer le droit d'affiche.

Je commence par le droit de pétition, le plus précieux qui existe dans l'ordre social, l'apanage essentiel de la liberté. Sous un gouvernement despotique, on supplie; on se plaint rarement, parce qu'il y a du danger à se plaindre; on n'exerce jamais le droit de pétition. Dans un gouvernement libre, on ne supplie jamais, on se plaint hautement, quand on est lésé dans l'exercice de ses droits; on forme des pétitions, soit pour demander des lois nouvelles, soit pour demander la réformation des anciennes.

Nous distinguons donc la plainte de la pétition. Tout citoyen actif a le droit de présenter son vou, soit au corps législatif, soit au roi, soit aux corps administratifs. La plainte est un droit naturel de tout homme qui se croit lésé par une autorité ou par un individu quelconque. Le droit de pétition, tout citoyen doit l'exercer par lui-même, d'après le principe, que les citoyens ne doivent déléguer que les droits qu'ils ne peuvent exercer. De là il résulte que nul corps, nulle société, nulle commune, ne peut exercer le droit de pétition sous nom collectif, que la pétition ne peut être faite qu'au nom de ceux qui l'ont signée. De là il résulte aussi que les corps administratifs, ne devant exercer que le pouvoir qui leur est constitutionnellement délégué, ne peuvent représenter le peuple en matière de pétition, et n'ont que le droit d'exprimer leur vœu individuel. Leurs membres rentrent alors dans la classe des citoyens; ce sont des individus qui, partageant la même opinion, la constatent par la signature de chacun d'eux.

Il en est de même des sociétés particulières, des clubs, qui ne

sont aux yeux de la loi que des individus. Ces sociétés ne peuvent collectivement former des pétitions; car alors elles deviendraient bientôt des corporations : si la loi leur donnait le droit de délibérer, de publier leurs délibérations, elle leur donnerait par là même les moyens de se revêtir bientôt d'une autorité qu'elles ne doivent pas avoir. Ces sociétés, que la liberté a fait naître, sont utiles sans doute; elles excitent l'esprit public, facilitent les progrès des lumières; mais bientôt elles perdent tous ces avantages, si, pour former des pétitions, elles s'érigent en corporations, et s'approprient ainsi le droit individuel des citoyens.

Regardons donc le droit de pétition comme un droit inhérent à la qualité de citoyen, de membre de la société. Ce n'est pas le restreindre, c'est le conserver, au contraire; car si les corps s'en emparent, les pétitions des simples citoyens paraîtront moins importantes, et elles doivent l'être toujours beaucoup aux yeux des législateurs pour que les citoyens conservent le caractère d'hommes libres, il faut que leurs pétitions soient très-considérées. Relativement au droit de pétition des communes ou sections des communes, s'agit-il des affaires particulières d'une ville, les citoyens peuvent s'assembler en conseil de famille, pour délibérer sur leurs intérêts privés. Vous avez autorisé ces rassemblements; vous avez déterminé les formes dans lesquelles ils peuvent être provoqués. Mais s'agit-il des affaires générales du royaume? Alors les citoyens de chaque ville ne peuvent exprimer que des vœux individuels; les habitants ne peuvent plus se réunir en conseil de famille, car ils font partie de la grande famille; ils ne peuvent exprimer un vœu collectif, car chaque ville deviendrait alors une corporation. Quant aux grandes villes qui sont divisées en sections, vous avez décidé que les sections pourraient s'assembler sur la convocation d'un certain nombre d'entre elles. Elles ne doivent alors délibérer que sur l'objet pour lequel elles sont rassemblées. Sur les autres objets, elles n'ont que le droit individuel de chaque citoyen. Si les sections ne sont pas d'accord, alors il doit être nommé des commissaires pour constater le vœu de la majorité. Ces commissaires ne doivent avoir d'autres opérations à faire que d'extraire la délibération; ils ne peuvent y ajouter leur vœu individuel, sans usurper par là l'autorité des corps administratifs et celle du peuple. En un mot, le pouvoir des sections ou de leurs députés n'est rien; il n'y a que celui des officiers municipaux.

Je passe aux droits d'affiche et de publication à son de trompe. Nous vous proposons de déclarer que ce droit ne peut appartenir à aucun individu, à aucune société, à aucune section de commune.

Une section séparée n'est rien; elle fait partie du corps collectif, elle n'existe qu'avec lui. La place publique est une propriété commune; la société seule a droit d'en disposer. L'affiche et la publication au son du tambour servent à la promulgation des lois et des arrêtés des corps administratifs: or, il importe que ces lois et arrêtés ne soient pas confondus avec les actes des sociétés particulières. On me dira que les affiches peuvent servir à l'instruction publique. Je réponds que ce n'est point au coin des rues que l'on s'instruit; c'est dans les livres, dans la lecture des lois, dans les sociétés paisibles où l'on ne délibère pas, et où, par conséquent, on est éloigné de toutes passions. J'ajoute que les affiches coûtent des frais. On ne verrait donc se servir du droit d'affiche que les turbulents ou les intrigants qui voudraient exciter des mouvements dangereux. (On murmure dans l'extrémité gauche.) Mais, me dit-on, laissez au moins cette faculté aux sociétés, aux sections de commune. El bien! voilà le danger que nous voulons prévenir. Nous ne voulons pas que des sociétés qui n'ont aucun caractère politique prennent la place de l'autorité publique, et parviennent à rivaliser les pouvoirs délégués par le peuple. Si tout le monde avait droit d'affiche, aurait-on le droit de couvrir l'affiche de son voisin? A côté du droit du premier occupant se trouve le droit du plus fort. De là naîtront des rixes qui souvent ensanglanteront la place publique.

Ainsi, si le droit de pétition est un droit individuel de tout citoyen, le droit d'affiche, au contraire, ne doit être exercé que par l'autorité publique. C'est d'après ces principes qu'a été rédigé le projet de décret que nous allons vous soumettre.

M. Chapelier lit un projet de décret conforme aux bases qu'il vient d'établir.

Quelques membres applaudissent. - L'assemblée ordonne l'impression du rapport.

M. Robespierre. Le droit de pétition est le droit imprescriptible de tout homme en société. Les Français en jouissaient avant que vous fussiez assemblés : les despotes les plus absolus n'ont jamais osé contester formellement ce droit à ce qu'ils appelaient leurs sujets. Et vous, législateurs d'un peuple libre, vous ne voudrez pas que des Français vous adressent des observations, des demandes, des prières, comme vous voudrez les appeler! Non, ce n'est point pour exciter les citoyens à la révolte que je parle à cette tribune, c'est pour défendre les droits des citoyens; et si quelqu'un voulait m'accuser, je voudrais qu'il mit toutes ses actions en parallèle avec les miennes, et je ne craindrais pas le parallèle. Je défends les droits les plus sacrés de mes commettants; car mes commettants sont tous

les Français, et je ne ferai sous ce rapport aucune distinction entre eux: je défendrai surtout les plus pauvres. Plus un homme est faible et malheureux, plus il a besoin du droit de pétition; et c'est parce qu'il est faible et malheureux que vous le lui ôteriez ! Dieu accueille les demandes non-seulement des plus malheureux des hommes, mais des plus coupables. Or, il n'y a de lois sages et justes que celles qui dérivent des lois simples de la nature. Si vos sentiments n'étaient point conformes à ces lois, vous ne seriez plus les législateurs, vous seriez plutôt les oppresseurs des peuples. Je crois donc qu'à titre de législateurs et de représentants de la nation, vous êtes incompétents pour ôter à une partie des citoyens les droits imprescriptibles qu'ils tiennent de la nature.

Je passe au titre II, à celui qui met des entraves de toute espèce à l'exercice du droit de pétition. Tout être collectif ou non qui peut former un vœu a le droit de l'exprimer; c'est le droit imprescriptible de tout être intelligent et sensible. Il suffit qu'une société ait une existence légitime pour qu'elle ait le droit de pétition; car si elle a le droit d'exister reconnu par la loi, elle a le droit d'agir comme une collection d'êtres raisonnables, qui peuvent publier leur opinion commune et manifester leurs vœux. L'on voit toutes les sociétés des Amis de la constitution vous présenter des adresses propres à éclairer votre sagesse, vous exposer des faits de la plus grande importance; et c'est dans ce moment qu'on veut paralyser ces sociétés, leur ôter le droit d'éclairer les législateurs! Je le demande à tout homme de bonne foi qui veut sincèrement le bien, mais qui ne cache pas sous un langage spécieux le dessein de miner la liberté; je demande si ce n'est pas chercher à troubler l'ordre public par des lois oppressives, et porter le coup le plus funeste à la liberté... Je réclame l'ajournement de cette question jusqu'après l'impression du rapport.

SÉANCE DU 10 MAI. M. Grégoire, évêque de Blois. Je combats le projet de décret qui vous est présenté par votre comité de constitution, comme injuste, impolitique, contradictoire et contraire aux droits naturels de l'homme. Je pourrais d'abord observer qu'après avoir anéanti les ordres, on les recrée en quelque sorte par la division des citoyens en actifs et non actifs. (Il s'élève des murmures au milieu de la salle.)

M. Martineau. Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre. M. Grégoire. Quelques distinctions que l'on ait voulu faire, je dis que le mot pétition signifie demande. Or, dans un État populaire, que peut demander un citoyen quelconque qui rende le droit

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